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lenteur

Notre ville a été envahie par des papillons. Ils sont grands, beaux, carnivores. On n'a jamais vu tant de papillons dans la ville. Ils ont tout couvert : les rues, les toits, les voitures, les arbres. Les gens qui se trouvaient dans la rue pendant l'invasion ont été mangés. De ma fenêtre, je vois trois squelettes d'hommes et un squelette de chien parfaitement nettoyés. [...]
Pour l'instant, toute la ville est paralysée. Les gens se sont retranchés chez eux et regardent la rue couverte de papillons, par leurs fenêtres couvertes de papillons. Les bestioles semblent s'installer définitivement chez nous. Elles continuent même d'y affluer. La couche de papillons est de plus en plus épaisse, on dirait de la neige colorée.
Notre armée n'a rien pu faire contre les papillons. On a dû s'habituer à eux. On s'est finalement rendu compte que les papillons ne dévorent que les êtres vivants qui font des gestes brusques. Si on bouge très lentement, les papillons ne réagissent pas. On peut même les écraser sous les pieds, ils restent tranquilles et meurent en silence. D'ailleurs, on ne peut avancer dans la rue qu'en les écrasant. [...]
À cause de tout cela et de notre pensée ralentie, on se parle au rythme d'un mot par jour. Et quand nous faisons l'amour, tout va tout aussi lentement.

Auteur: Visniec Matéi

Info: Théâtre décomposé, ou, L'homme-poubelle: Textes pour un spectacle-dialogue de monologues, extrait de La Folle Tranquille

[ littérature ]

 

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acceptation

L’angoisse, évidemment, ne s’apprend pas. On la provoquerait ? c’est possible : je n’y crois guère. On peut en agiter la lie… Si quelqu’un avoue de l’angoisse, il faut montrer le néant de ses raisons. Il imagine l’issue de ses tourments : s’il avait plus d’argent, une femme, une autre vie… La niaiserie de l’angoisse est infinie. Au lieu d’aller à la profondeur de son angoisse, l’anxieux babille, se dégrade et fuit. Pourtant l’angoisse était sa chance : il fut choisi dans la mesure de ses pressentiments. Mais quel gâchis s’il élude : il souffre autant et s’humilie, il devient bête, faux, superficiel. L’angoisse éludée fait d’un homme un jésuite agité, mais à vide. [...]
Oubli de tout. Profonde descente dans la nuit de l’existence. Supplication infinie de l’ignorance, se noyer d’angoisse. Se glisser au-dessus de l’abîme et dans l’obscurité achevée en éprouver l’horreur. Trembler, désespérer, dans le froid de la solitude, dans le silence éternel de l’homme (sottise de toute phrase, illusoires réponses des phrases, seul le silence insensé de la nuit répond). [...]
Sentiment de complicité dans : le désespoir, la folie, l’amour, la supplication. Joie inhumaine, échevelée, de la communication, car désespoir, folie, amour, pas un point de l’espace vide qui ne soit désespoir, folie, amour et encore : rire, vertige, nausée, perte de soi jusqu’à la mort.

Auteur: Bataille Georges

Info: L'expérience intérieure, p. 48

[ plongée ] [ affres ] [ illusion ]

 
Mis dans la chaine
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Ajouté à la BD par Bandini

périple

... pour Bouvier, voyager n'était pas un divertissement mais un dur labeur. Il n'a pas cheminé à travers le monde pour découvrir ou pour visiter ou encore pour épater par des exploits du type : "voyage autour du monde en mobylette avec un oeuf dur cuit par maman", mais pour faire table rase en lui de tout ce que la maison, l'école et la religion lui avait inculqué, pour échapper aux démons de sa maison familiale -- plus c'était loin, mieux c'était. Ces démons le rattrapaient en chemin: une fois dans le ton professoral des speakers de la radio suisse qu'il avait entendu à Prilep, une fois dans les lettres de sa mère -- celle qui lui était parvenue à Ceylan l'avait mis le plus hors de lui, alors qu'il avançait à bout de forces, sa mère lui disait qu'il serait temps qu'il grandisse et qu'il se trouve un travail honnête... Sur la route, il se dépouillait, la route le purifiait ! Tous les mille kilomètres, une "étiquette" se décollait, une autre pointait dessous et encore une jusqu'à ce qu'il débarque à Tabriz nu comme un ver avant que le désert du Balouchistan ne s'ouvre devant lui.
Avec l'âge, il écrivait de moins en moins, il était fasciné par la frontière du silence, par l'espace entre les mots. Il méditait plus qu'il n'écrivait.

Auteur: Wilk Mariusz

Info: La maison du vagabond, p 255

[ fuite ] [ littérature ]

 

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ambition

Sans doute le moins estimable des rêves de jeunesse est-il le désir de célébrité D'abord parce que la célébrité est une indication quantitative et non qualitative. L'ampleur n'en est à aucun degré proportionnelle (ni directement ni inversement, d'ailleurs) au bien-fondé du motif pour lequel elle se met à draper un quidam. En d'autres termes, c'est une grandeur, ce n'est pas une valeur. Ensuite parce que c'est un désir de dupe. Dans un double sens. Le premier, qu'elle ne nous paraît jamais suffisante. J'ai connu des écrivains, des savants, des peintres jouissant d'une gloire mondiale et qui, du lever au coucher, s'épuisaient en propos envieux et en dénigrements obsessionnels envers des rivaux fort éloignés d'égaler leur réputation. Ils ne suspendaient l'étalage de leur aigreur que pour détailler à leur auditoire tous les articles du catalogue récent des témoignages d'admiration dont ils avaient eux-mêmes été l'objet. Je les voyais, en somme, d'autant plus malheureux qu'ils étaient plus illustres. Leur célébrité détruisait leur sérénité. Elle la rongeait aussi dans un deuxième sens. Pour un auteur, un chercheur, un artiste, la célébrité transforme le monde extérieur en source intarissable d'extermination de leurs forces et de leur liberté. Elle met en pièces chaque jour ce loisir intérieur, l'otium des Anciens, cette réserve spirituelle de silence et d'énergie sans laquelle ne naît point d'oeuvre, ni même d'envie d'en faire.

Auteur: Revel Jean-François

Info: Mémoires/Plon 1997, p.637-638

[ dérisoire ]

 

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fiente

Ainsi, la première fois qu'elle était allée aux toilettes chez ses patrons, Trois s'était trouvée dans le plus grand dilemme face à un siège dont elle ignorait l'usage, quand chez elle un simple trou à ras du sol permettait de s'exonérer. Dans l'urgence, elle avait fini par sauter à pieds joints sur le siège pour s'y accroupir. La chose faite, la chasse d'eau posa une autre énigme que toute sa réflexion ne put résoudre. Elle referma la porte et retourna avec Wang Tong au restaurant, sans souffler mot. Le soir, à son retour à la maison, le couple fut saisi par l'odeur nauséabonde qui avait envahi les lieux. En ouvrant la porte des toilettes, il découvrit deux empreintes de pas sur le siège et un magnifique étron qui flottait à la surface de l'eau. Guan Buyan manqua de perdre connaissance et s'en prit aussitôt à sa femme : comment avait-elle pu oublier de montrer à la simplette l'usage de ces commodités ? Wang Tong, beaucoup plus indulgente, se contenta de nettoyer en silence et ce ne fût que plusieurs semaines plus tard, quand Trois revient chez elle, qu'elle lui montra comment s'asseoir convenablement sur le siège. Trois, embarrassée, prit tout à coup conscience de la mauvaise "impression" qu'elle avait dû laisser lors de son premier passage dans cette demeure immaculée et si délicatement parfumée.

Auteur: Xinran Xue

Info: Baguettes chinoises

[ littérature ]

 

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autodérision

Ce qui caractérise la psychanalyse, c’est qu’il faut l’inventer. L’individu ne se rappelle de rien. On l’autorise à déconner. On lui dit : "Déconne, déconne mon petit ! ça s’appelle associer. Ici personne ne te juge, tu peux déconner, à ton aise". Moi, la psychiatrie, je l’appelle la déconniatrie. Mais, pendant que le patient déconne, qu’est-ce que je fais ? Dans le silence ou en intervenant – mais surtout dans le silence -, je déconne à mon tour. Il me dit des mots, des phrases. J’écoute les inflexions, les articulations, où il met l’accent, où il laisse tomber l’accent… comme dans la poésie.
J’associe avec mes propres déconnages, mes souvenirs personnels, mes élaborations quelconques. Je suis presque endormi, il est presque endormi. On dit au type "Déconne!". Mais ce n’est pas vrai, il s’allonge, il veut avoir raison, il fait des rationalisations, il raconte des histoires précises du réel : "Mon père par ci, ma mère par là…" Et il ne déconne jamais. Par contre, moi, je suis obligé de déconner à sa place. Et avec ce déconnage que je fais – à partir de l’accent et de la musique de ce qu’il dit, davantage que de ses paroles – je remplis mon ventre. Et alors, de temps en temps, je me dis : tiens, si je lui sortais ça maintenant, une petite interprétation ?

Auteur: Tosquelles François

Info: https://vimeo.com/167991974

[ décrochage ] [ affects joyeux ] [ réinvention ] [ poids des mots ] [ attention flottante ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

rapports humains

Vous voulez deviner à travers les fenêtres des autres consciences leurs lumières et leurs ombres, si possible être invités dans les profondeurs de leurs âmes, vous enivrer de leur vitalité, être accueilli dans leur intimité, là où la vie se fait lumière et silence.



Mais celui qui essaie de vous dire son authenticité, qui écrit pour vous une page de lui-même, il vous invite à ne pas faire de lui une identité. Il vous invite à le laisser autre que son récit, à le distinguer de ces mots-là afin qu'il puisse vous dire demain ces mots-ci. Ce qu'il vous dit, peut-être que ce n'est pas lui, déjà plus lui, pas tout à fait lui. Parce qu'il n'est pas possible de le mettre en mots et en jugements.



Et ce n'est pas là vous mentir. Il ne serait pas plus fiable ou davantage "lui-même" parce qu'il vous dirait toujours la même chose. Laissez-le être une âme, un passage, un moment, une hésitation, la joie ou la tristesse d'un instant. Laissez l'autre être poème.



Si vous pouvez lui accorder cette liberté, il préfèrera.

Il faut aimer l'autre libre de son identité mouvante, lui laisser son indéfinissable folie, son inadéquation à lui-même, son imprévisibilité.



Une identité? Une personnalité? Non, son souffle, son esprit. Et vous aussi, soyez cela pour l'autre.

Auteur: Rivella Frédéric pseudo

Info:

[ altérité ] [ rencontrer l'autre ]

 
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Ajouté à la BD par Kadubol

sexe

Et il la pénètre doucement, comme s'il avait peur de l'effeuiller, lui assis sur la chaise, elle docile et légère quand il la prend par la taille et commence à l'abaisser sur sa hampe, comme un drapeau sacré qui doit être protégé de la pluie et du crépuscule. Son premier rugissement le surprend, elle se cabre entre ses mains comme blessée par une balle d'argent qui lui aurait déchiré le coeur, mais il l'étreint plus fortement pour sentir sur son pubis la forêt noire de son triangle insondable et descend ses mains jusqu'aux fesses pour parcourir le sillon parfait qui les sépare, où il laisse son doigt gourmand glisser sans hâte mais sans pause de l'anus à la vulve, de la vulve à l'anus qu'il enduit d'humeurs tièdes, et il sent la grosseur stimulante de la racine de son pénis, raide et dur dans son mouvement perforateur, et la douceur moelleuse de ses lèvres opulentes et habiles qui l'aspirent comme un marécage implacable, il laisse alors courir son doigt entre les plis de l'anus et entend s'amplifier le rugissement que déclenche la double pénétration, triple avec la langue féroce qui essaie de la faire taire alors que le silence est désormais impossible parce que les vannes les plus profondes sont ouvertes et que les fleuves les plus cachés de leur désir coulent vers la gloire terrestre retrouvée.

Auteur: Fuentes Leonardo Padura

Info: Vents de Carême

[ érotique ] [ littérature ]

 

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inventaire

hôpitaux et prisons
c’est ce qu’il y a de pire
asiles de fous
c’est ce qu’il y a de pire
maisons closes
c’est ce qu’il y a de pire
allées boueuses des taudis
c’est ce qu’il y a de pire
lectures de poèmes
concerts de rock
galas en faveur des invalides
c’est ce qu’il y a de pire
obsèques
mariages
c’est ce qu’il y a de pire
défilés
patinoires
partouzes
c’est ce qu’il y a de pire
minuit
trois heures du matin
six heures moins le quart dans l’après-midi
c’est ce qu’il y a de pire
flotter dans le ciel
ouvrir le feu sur les patrouilles de police
c’est ce qu’il y a de meilleur

songer à l’Inde
tomber sur un distributeur de pop corns
regarder le taureau foncer sur le toréador
c’est ce qu’il y a de meilleur

voir trente-six chandelles
un vieux chien se grattant
des cacahuètes dans un sachet de papier
cristal c’est ce qu’il y a de meilleur

atomiser des cafards
enfiler des chaussettes propres
chier sans suppositoire
c’est ce qu’il y a de meilleur

se retrouver attaché à un poteau d’exécution
jeter du pain aux mouettes
couper des tomates en tranches
c’est ce qu’il y a de meilleur

mes mains mortes
mon cœur mort
silence
c’est l’adagio des rochers
et le monde qui s’enflamme
c’est ce qu’il y a de meilleur
pour moi.

Auteur: Bukowski Charles

Info: Dans "L'amour est un chien de l'enfer", pages 135-136, "le pire et le meilleur"

[ situations ] [ contraste ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

analgésique

Mes Mains se sont posées inertes

Comme des oiseaux aux ailes ouvertes

Sur l'oreiller de ma douleur

L'aube limpide est annoncée

Rien n'est encore dit sur les fleurs

On attend que la graminée

Ouvre les lèvres de son cœur



La perfusion coule en douceur

Dans mes veines catapultées

Rien n'est encore dit sur le jour

Je suis livrée et délivrée

Par la morsure des acides

Qui m'auront déflagré le ventre

Toute la nuit de mes tortures



Silence il n'y a rien à dire

Toute la nuit de mes brûlures

La morphine est mon seul recours

Mon seul baiser mon seul amour

L'axe qui me tient en mon centre



Mes ailes ma splendeur mon guide

Mes floraisons mes chevauchées

La Galaxie de mon Vide

Éblouissante et satinée



Glisse-toi petite Morphine

Comme une blanche et douce hermine

Dans le sel des veines brûlées

Par la soif et le désespoir

De mes boyaux troués de noir



Rends-moi ma vie déchiquetée

Viens lécher ma chair affamée

Ta morsure soit mon espoir

L'apothéose du Printemps

La fleur de toutes mes années



Et mon dernier couronnement.


Auteur: Grisélidis Réal

Info: Chair vive, Morphine. CESCO, Genève, le 8 mai 2005, dédié aux infirmières et infirmiers du Cesco. GR est décédée le 30 mai

[ poème ] [ dernières paroles ] [ soins palliatifs ] [ antalgique ]

 

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Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste