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christianisme

Le péché originel consiste dans la destruction de cette harmonie hiérarchique, par la révolte de la raison contre Dieu. Au lieu d’être soumise à la loi divine, l’âme raisonnable se retourne sur elle-même (c’est une anti-métanoïa) et désire ses propres puissances inférieures. A l’instant l’acte de révolte se répercute tout au long de l’axe hiérarchique. Les natures, qui constituent cet axe, ne sont donc pas détruites en elles-mêmes, mais elles ne peuvent plus se réaliser selon leur vérité : ce sont les pierres d’un édifice renversé, éparses sur le sol. Le péché originel "a enlevé la justice primitive, qui non seulement maintenait dans une heureuse harmonie, sans aucun désordre, les facultés inférieures de l’âme sous l’empire de la raison, mais conservait encore tout le corps, sans aucun défaut, sous l’empire de l’âme" [Somme théologique, I II, q.85, A.5]. La nature humaine est blessée, non pas détruite.

Reconstruire l’édifice, guérir la nature, ce n’est donc pas non plus supprimer la nature déchue pour la remplacer par la grâce, c’est restaurer l’ordre de la justice originelle.

En tant donc que la justice est vérité, l’œuvre de restauration est œuvre de vérité. La vérité, dit saint Thomas [d'Aquin], c’est soit la conformité de l’intelligence aux choses, soit la conformité des choses à l’intelligence ; par exemple, en architecture, un édifice matériel est vrai s’il est conforme aux règles de l’art.

Auteur: Borella Jean

Info: Amour et vérité, L’Harmattan, 2011, Paris, page 330

[ crucifixion ] [ orgueil ] [ conséquences ]

 

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évolution sémantique

A l’époque du Nouveau Testament, c’est-à-dire aux environs du 1e siècle, le mot dogma présente, dans la langue grecque de la révélation, deux sens principaux : le sens juridique de décret (Luc, II, 1) qui a tendance à s’effacer, et le sens d’opinion, le plus fréquent [...]. [...]

La première attestation de dogma au sens de décret conciliaire, mais sans spécification doctrinale explicite, se rencontre dans les Actes des Apôtres (XVI, 4) pour désigner les décisions du Concile de Jérusalem [...]. [...] Chez Clément d’Alexandrie et chez Origène, le terme désigne l’ensemble de l’enseignement chrétien. Au IVe siècle et surtout au Ve, le sens se spécialise et commence à s’appliquer aux "seules vérités qui sont l’objet de la foi, et qui sont nettement distinguées des lois ou obligations enseignées par la révélation chrétienne". [...] Il faut cependant conclure que "c’est au XVIIIe siècle seulement que les documents ecclésiastiques emploient le mot dans son sens moderne strict ; encore parlent-ils des dogmes ou de tel dogme, non du dogme, comme on le fait depuis le XIXe siècle" [Yves Congar, La foi et la théologie, page 55]. Ainsi, et bien qu’on ne puisse mettre en doute l’importance et l’aprêté des discussions terminologiques au cours des premiers siècles, on doit constater que l’accentuation du caractère limitatif et contraignant des définitions précisément dites "dogmatiques" est chose fort tardive dans l’histoire du christianisme occidental.

Auteur: Borella Jean

Info: "Esotérisme guénonien et mystère chrétien", éditions l’Age d’Homme, Lausanne, 1997, pages 106-107

[ historique ] [ signification ] [ étymologie ]

 

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Vierge

En 1858, à Lourdes, quatre ans après la proclamation du dogme, "quelqu’un" apparaît à une adolescente illettrée qui d’abord ne désigne cette apparition que par un pronom neutre : aquero, "cela". Quand, ensuite, à l’invitation du curé, elle demande son nom à l’apparition, elle finit par obtenir, le 25 mars 1858, la réponse suivante : Que soy era Immaculata Conceptiu, "Je suis l’Immaculée Conception". L’adolescente court répéter au curé ces quelques mots dont le sens lui échappe. Le curé, lui, en saisit la signification, il connaît le dogme qui a été proclamé quatre ans plus tôt. Et cependant, la formulation est déconcertante : on attendrait quelque chose comme "Je suis celle qui a été conçue immaculée", tandis que par sa réponse, Marie identifie son être, sa personne, au privilège dont elle a été gratifiée. Encore comprendrait-on qu’elle se définisse comme l’ "Immaculée", la "Préservée", mais elle s’identifie à une "conception" ? Quel sens cela peut-il bien avoir ? Un être est conçu par ses parents, mais il ne peut s’identifier à cette conception même.

Tel est le fait qui a travaillé la pensée théologique et qui l’a conduite à ce que l’on peut appeler la métaphysique de l’Immaculée Conception. Ce travail de la pensée, très curieusement, s’est effectué chez des théologiens qui ne se connaissaient pas, fort éloignés les uns des autres dans le temps et dans l’espace, mais qui furent comme guidés vers des conclusions presque identiques.

Auteur: Borella Jean

Info: "Situation du catholicisme aujourd'hui", éditions L'Harmattan, Paris, 2023, page 117

[ miracle ] [ christianisme ]

 

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méontologie

Il n’y a rien en dehors de l’Identité et donc il ne peut rien y avoir. C’est pourquoi l’Altérité, qui fonde et dénonce l’illusoire extériorité de l’Affirmation principielle, ramène et résorbe cette Affirmation dans l’Identité pure, par son altérité même ; car l’Altérité, dans son essence sur-intelligible, est toujours autre qu’elle-même. L’Autre est Autre, et n’est autre que le Même ; il est permanente inversion de son inversion, absolue négation de sa négation absolue. Nous voyons alors que seule l’Identité suprême qui est au-delà des essences, au-delà de l’Être et du Non-Être, est à Elle-même son propre analogue ; Elle est la pure Analogie. Le sage remonte des ombres de la caverne, qui sont les objets sensibles, aux Idées, dont ces objets sensibles sont l’analogue direct, et des Idées au Soleil du Bien, sur-intelligible, par-delà l’ontologie des essences qui le manifestent en mode direct. Mais, dit-on, il doit redescendre dans la caverne. En réalité, dans cette redescente, il ne quitte plus le Soleil sur-intelligible et sur-essentiel, car il comprend que ce qui rend possible cette analogie directe, c’est, plus profondément, le principe d’analogie inverse, puisque, si les essences peuvent être reflétées dans le miroir de la khôra, c’est que d’une certaine manière, elles ne sont pas l’Être suprême, de telle sorte que le monde sensible, par tout le non-être dont il est mêlé, témoigne du caractère encore illusoire du monde intelligible dont il est le reflet direct et le ramène au sur-intelligible.

Auteur: Borella Jean

Info: Penser l'analogie, L'Harmattan, Paris, 2012, page 213-214

[ unité-multiplicité ]

 

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christianisme

Plus l’âme se "rapproche" de Dieu, c’est-à-dire plus la conscience de la Réalité infinie devient présente, plus aussi s’accusent les limites ontologiques de notre propre finitude. Plus la soif de Dieu s’accroît, plus elle devient "infinie", si l’on peut dire, plus aussi l’âme ressent l’étroitesse de sa "prison existentielle". Comment un cœur simplement humain pourrait-il contenir un pareil amour ? Mais comment cet amour infini de l’Infini pourrait-il ne pas jaillir d’un cœur simplement humain, sous peine de ne plus exister du tout ? C’est alors qu’il se produit une conversion de l’amour lui-même qui est sans doute le mystère le plus haut de la Ténèbre spirituelle, que préfigure et réalise pour notre salut le Christ en croix "abandonné de Dieu". La créature, ne pouvant point faire qu’elle ne soit créature, renonce à son propre dépassement, d’une certaine manière "renonce à Dieu pour l’amour de Dieu", renonce au désir d’atteindre Dieu, désir qui pourtant est sa vie et son être même, non parce qu’Il serait "inaccessible", mais parce qu’elle comprend que c’est l’Amour divin lui-même qui a voulu cette finitude de la créature. Epousant dans une union mortelle et crucifiante la Volonté créatrice de l’Amour divin, elle accepte de n’être que néant, elle veut sa propre finitude ontologique au Nom de la Volonté finie, en s’identifiant par grâce à cette Volonté, parce qu’il n’y a pour elle aucun autre moyen de s’accepter totalement comme créature que de se vouloir d’une Volonté incréée.

Auteur: Borella Jean

Info: "Situation du catholicisme aujourd'hui", éditions L'Harmattan, Paris, 2023, pages 159-160

[ créature-créateur ] [ impossible ] [ délaissement ]

 

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métaphysique

Quel est donc le mode de réalité d’un acte ?

Nous dirons qu’il consiste dans l’actualisation volontaire d’un possible, c’est-à-dire qu’il fait descendre l’intelligible dans l’existence – à quelque niveau que se situe cette existence – et l’y rend présent. Avant que l’acte n’ait été accompli, on ne peut savoir si le possible – en soi – est possible relativement à tel conditionnement existentiel. L’acte, toujours risqué, en est la seule preuve. Mais, inversement, un acte accompli n’est jamais l’actualisation définitive et totale du possible, et cela, en vertu de la discontinuité qu’il y a entre l’ordre principiel des possibles en soi, ou possibles absolus, et l’ordre relatif, changeant, de leur réalisation : un possible en soi est universel, un acte est singulier. Il y a cependant quelque chose de définitif dans l’ordre de l’agir, c’est l’acte inaugural. C’est lui qui ouvre une voie, qui fraie le passage à la descente du possible dans l’ordre de l’existence. […]

C’est en ce sens que les événements de l’Histoire sainte sont des événements-archétypes. Ils sont tous constitués par des actes inauguraux qui ouvrent donc des possibilités ultérieures de réalisations négatives ou positives : possibilités de perte – le péché originel et toutes ses conséquences ; possibilités de salut – l’œuvre rédemptrice du Christ et la grâce des sacrements qui ne sont eux-mêmes, dans leur principe, que des actes-archétypes du Christ, des modes ex opere operato de passage et d’effusion de la grâce de Dieu.

Auteur: Borella Jean

Info: Le sens du surnaturel, L'Harmattan, 1997, pages 187-188

[ entropie ]

 

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réalisme-idéalisme

Kant est amené à redonner au mot symbole le sens d’une représentation "concrète" et imagée, qui donc fait intervenir, quoique indirectement, l’intuition sensible (la perception), et à rejeter la terminologie des nouveaux logiciens, Leibniz en l’occurrence, qui tendent au contraire, à opposer connaissance "intuitive" et connaissance "symbolique", dans la mesure où les "symboles" mathématiques et algébriques ne sont précisément que les signes scripturaux et généralement arbitraires d’objets ou d’opérations dont nous ne pouvons avoir aucune connaissance sensible.

[…] Pour Kant, […] la valeur sensible ou "concrète", la valeur d’image qu’il faut garder au symbole, est en vérité indirecte, comme nous l’avons dit. Le symbole est bien une représentation imagée d’une réalité en elle-même invisible, mais il n’y a aucun rapport ontologique entre les deux, aucune présence du figuré dans le figurant. […] Au reste, la philosophie kantienne, en son entier, récuse toute possibilité d’une présentification (et non d’une simple présentation) de l’intelligible dans le sensible. […]

Pour Goethe, tout au contraire, le symbole se distingue de l’allégorie en ce que, tout en relevant comme elle du genre "signe", il en réalise une espèce particulière, celle où le signifiant s’identifie, d’une certaine manière, à ce qu’il signifie. C’est pourquoi le symbole est : 1°) naturel, alors que l’allégorie est artificielle ; 2°) intransitif (on doit chercher son sens en lui-même, dans sa présence immédiate, et non en dehors de lui) ; 3°) inépuisable et finalement indicible, alors que l’allégorie disparaît dans son explication.

Auteur: Borella Jean

Info: Dans "Histoire et théorie du symbole", éd. L'Harmattan, Paris, 2015, pages 71-72

[ différences ] [ points de vue opposés ]

 
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réflexivité

Ce sont les chrétiens qui ont élaboré la notion de religion en général et, par conséquent, celle de la pluralité de ses formes. Mais ni en Asie, ni en Israël, ni dans l’Antiquité gréco-latine, on ne trouve de terme qui signifie ce que signifie pour nous le mot religion. Ce terme est bien sûr d’origine latine ; mais n’a pas en latin le sens qu’il a pour nous, savoir : la forme générale et déterminée qui englobe toutes les manifestations doctrinales, rituelles et spirituelles, d’origine plus ou moins transcendante, par lesquelles se hommes se reconnaissent rattachés à la Réalité divine et donc reliés entre eux. [...] Y a-t-il d’ailleurs en chinois un terme pour désigner la tradition – ou les traditions – chinoise ? Y a-t-il en hébreu un terme pour désigner le judaïsme, un terme en grec ou en latin pour désigner la – ou les religions – grecque et latine ? Non. Alors que le terme de chrétien est attesté à Antioche dès l’époque apostolique (Acte des Apôtres, XI, 26) et que christianismos se rencontre pour la première fois sous la plume de S. Ignace d’Antioche – Epître aux Magnésiens (X, 1) qui en use comme d’un terme connu. Il remonte donc aux années soixante.

Il apparaît ainsi que c’est le christianisme lui-même qui a conduit la révélation abrahamo-mosaïque à se définir formellement comme judaïsme – joudaïsmos est un terme grec datant de la fin du IIe siècle avant J.-C.

Auteur: Borella Jean

Info: "Situation du catholicisme aujourd'hui", éditions L'Harmattan, Paris, 2023, pages 44-45

[ nomination ] [ historique ] [ différenciation ]

 

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vertu

Cependant, à définir la charité comme un pur mouvement, un dynamisme d’amour, créateur de la proximité, un acte pur dont tout l’être consiste dans cet acte même, on s’expose à retomber dans cette charité triomphaliste que nous avons dénoncée, cette charité sans vérité. La charité devient à elle-même sa propre vérité et nous retournons alors à la confusion mortelle du psychique et du spirituel, confusion s’opérant dans l’ivresse d’une puissance caritative qui se croit infinie. […] Ainsi est-il clairement indiqué par là que l’amour ne crée pas la proximité, il ne fait que révéler une proximité préexistante ; car le Christ aurait pu dire plus simplement – et la simplicité du style évangélique n’est pas un vain mot – "lequel a été le prochain". La charité est donc la réalisation d’une proximité ontologique, ou, si l’on préfère, son actualisation, c’est à dire le passage même de la puissance à l’acte. Elle ne crée par le prochain ex nihilo, comme l’affirme implicitement la charité triomphaliste ; elle accomplit ce qui la détermine de toute éternité. […] L’acte d’amour ne va donc pas seulement de ce qui est en puissance à ce qui est en acte mais, plus profondément encore, il est la Révélation que ce qui était en puissance n’a jamais cessé d’être éternellement en acte. L’amour du prochain consiste bien dans la réalisation d’une relation, mais d’une relation préexistant à sa réalisation même, d’une relation ontologique, ou encore pourrait-on presque dire […] d’une "relation subsistente".

Auteur: Borella Jean

Info: Amour et vérité, L’Harmattan, 2011, Paris, pages 196-197

[ principe ] [ christianisme ] [ psychique-spirituel ]

 

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ordre

Le droit, en effet, est le droit d’une nature à être ce qu’elle est ; or l’égalité n’est vraiment réalisée que sur plan purement quantitatif des unités numériques (1=1), elle tend donc, par sa propre force, à ramener toutes choses à une juxtaposition numérique, ce qui n’est possible que par la destruction de toutes les différences qualitatives qui constituent précisément les natures, si bien que le droit, dans l’égalité, est le droit de rien. En conséquence, l’absoluité du droit ne pouvant s’exprimer au moyen de la juxtaposition égalitaire, il ne reste, pour sauver le droit, que la superposition hiérarchique, dans laquelle le droit, renonçant à son absoluité, consent à sa relativité : c’est-à-dire à ce qu’un droit ait plus de droit qu’un autre. Mais pour que ce renoncement ne soit pas seulement résignation et compromis, il faut qu’il soit fondé sur autre chose qu’une contrainte. D’autre part, pour qu’il y ait subordination hiérarchique, il faut un principe de hiérarchisation qui règle la subordination des natures selon leur degré de proximité avec le principe. Ces deux exigences sont satisfaites dans une seule et unique opération : la soumission de la créature au Créateur, du relatif à l’Absolu. Tout droit est fondé à renoncer à son absoluité en face des droits de l’Absolu, et c’est même seulement par cette obéissance qu’il est fondé comme droit. Par cet acte de soumission, toutes les natures accèdent à une égalité formelle et qualitative, non pas horizontalement entre elles, mais verticalement par rapport à Dieu.

Auteur: Borella Jean

Info: Amour et vérité, L’Harmattan, 2011, Paris, pages 328-329

[ christianisme ] [ définition ] [ quantité-qualité ]

 

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