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littérature

L'efficacité du langage tient à un savant mélange de justesse, et à sa puissance de synthèse. Il peut mieux "tout couvrir et expliquer" que les maths - que je connais très mal et qui me repoussent par une froide et rigide abstraction qui me les fait voir comme mortes et désincarnées. Bien moins chaleureuses en tout cas qu'un simple marteau. 

Un idiome humain donné, consensuel par essence, n'est limité que par la précision et l'ouverture de chacun de ses termes-segments et la culture-réceptivité de ses lecteurs-capteurs. 

Précision au sens où les éléments du contexte et la pensée du formulateur peuvent autant ouvrir : le mot arbre impliquant quasiment la vie dans son entier puisqu'il évoque la naissance de l'univers jusqu'aux émergences terrestres de longues chaines carbonnées. 

Ou focaliser-centrer sur un mot-élément comme dans cette phrase de Becky Chambers : "La route elle-même était une relique d’asphalte noir - une route à pétrole, faite pour des moteurs à pétrole, des pneus en pétrole, des tissus en pétrole, des carrosseries en pétrole." 

J'ai l'impression qu'un poète véritable est celui à même de manipuler ces pôles avec de belles qualités d'artisan du verbe, doublés d'une sincérité suffisamment acceptée, "terre à terre", bien ancrée dans son époque-formacja linguistique. Au point d'influencer les langages postérieurs.

Shakespeare ou Bukowski me viennent ici à l'esprit.

Auteur: Mg

Info: 7 septembre 2023

[ centrage - décentrage ] [ poésie ] [ tétravalence ] [ objecti ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

astronomie

Johannes Kepler (1571-1630) est un exemple particulièrement éloquent pour illustrer cette relation entre les représentations archétypales et les théories scientifiques car on peut voir dans ses idées une sorte d’étape intermédiaire entre la description antérieure de la nature d’ordre magique et symbolique et la perspective postérieure, quantitative et mathématique. […]

C’était un véritable descendant spirituel des pythagoriciens, fasciné par la vieille idée de la musique sphérale, et il cherchait partout des proportions harmonieuses qui étaient pour lui la source de toute la beauté. La géométrie dont les énoncés "existent depuis une éternité dans l’esprit de Dieu" faisait partie à ses yeux des valeurs suprêmes. Il avait pour principe : "Geometria est archetypus pulchritudinis mundi" (La géométrie est l’image originelle de la beauté du monde).

Après avoir décrit brièvement la vie de Kepler, nous nous intéresserons de plus près à la hiérarchie que Kepler établissait entre ses relations archétypales. C’est la divinité chrétienne invisible de la Trinité qui occupe la place la plus haute. L’image la plus belle représentant la forme d’existence propre à Dieu est pour Kepler la sphère tridimensionnelle. Dans ses écrits de jeunesse, il dit déjà : "On trouve dans la sphère le reflet du Dieu de la Trinité, avec au centre le Père, à la surface le Fils et entre le point et la circonférence l’Esprit-Saint." Cela établit un lien entre la Trinité et la tridimensionnalité de l’espace.

Auteur: Pauli Wolfgang

Info: "Appendice 6 : compte-rendu sur les deux conférences tenues le 28.02.48 et 06.03.48 au Club Psychologique de Zurich" in "Correspondance 1932-1958", trad. Françoise Périgaut, éd. Michel Albin, Paris, 2000, pages 295-296

[ résumé ] [ vision du monde ] [ historique ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

sorcier

Bien souvent, les maux qui affligent le client d'un chaman sont imaginaires ou de type psychosomatique. J'ai vu plusieurs fois des gens quasiment à l'article de la mort, ayant abdiqué toute volonté de vivre tant ils étaient persuadés que rien ne saurait les délivrer de leur ensorcellement, et dont j'aurais pourtant parié qu'ils étaient en parfaite santé, vu l'absence apparente de tout symptôme préoccupant. Entraînés par l'un de leurs proches chez un uwishin renommé dont ils gagnaient la demeure avec une peine infinie, ils s'en revenaient quelques jours plus tard d'un pas vif et la mine florissante, délivrés d'un tourment qui n'avait sans doute jamais eu de base organique. Parce qu'ils apaisent l'angoisse de ceux qui les consultent, parce qu'ils les délivrent de l'aliénation terrible du face-à-face avec la douleur et l'inconnu, les chamans arrivent même à provoquer un mieux-être temporaire chez des gens réellement malades, toute détérioration postérieure de leur état apparaissant moins comme le signe d'un échec que comme l'indice d'un nouvel ensorcellement sans rapport avec le premier. Contrairement à ce que pense avec une certaine naïveté les missionnaires catholiques qui imputent le présent mercantilisme des chamans jivaros à une navrante dégradation des valeurs antiques, il semble bien que le réconfort apporté par la cure soit proportionnel à son prix. Chacun sait ici que la guérison est d'autant plus rapide qu'elle a coûté plus cher, les chamans ayant compris ce que les psychanalystes ont découvert tardivement, à savoir qu'il faut littéralement "payer de sa personne" pour faire d'une situation de dépendance la condition de son propre salut.

Auteur: Descola Philippe

Info: Les Lances du crépuscule

[ soigner ] [ médecine ] [ mage ] [ tribu ]

 

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défaitisme

Le Moyen Empire fournit un style littéraire tout à fait particulier et unique dans l'histoire de la littérature égyptienne : le genre dit "pessimiste". Ces oeuvres exploitent essentiellement trois thèmes : un contexte historique et social dégradé ; une souffrance et un désespoir générés par ce contexte ; une époque antithétique idéale qui provoque un sentiment de nostalgie.
(...)
Cette littérature a parfois été interprétée comme un courant subversif qui aurait tenté de remettre en cause des pans entiers de la monarchie, de la société et de la religion. Si l'hypothèse peut paraître intéressante, elle ne résiste pas à l'analyse du contexte politique et sociétal contemporain, ni à celui des époques postérieures. En effet (...) le souverain et son entourage contrôlent et distillent ces textes afin d'asseoir le pouvoir monarchique. Il paraît difficile, voire naïf, de penser que la cour ait pu laisser produire des oeuvres s'opposant à ce qu'elle tentait de mettre en place. De plus, à bien comprendre l'évolution des propos, on s'aperçoit que l'argument subversif présenté en début comme une constatation, donc vraie et véritable, est systématiquement battu en brèche.
(...)
Trois oeuvres de ce style "pessimiste" sont plus complexes à analyser : les "Lamentations d'Ipouour", les "Lamentations de Khakheperrâseneb", et le "Dialogue d'un homme avec son ba". (...) Khakheperrâseneb entame une discussion avec sa conscience (son coeur-ib), alors que dans le dernier un homme se lamente de l'indifférence de son âme-ba à ses souffrances psychologiques. A la fin de ce dialogue, l'âme qui prônait l'abandon des rites funéraires finit par reconnaître le bien-fondé des opinions de l'homme.

Auteur: Dessoudeix Michel

Info: Lettres égyptiennes, tome 3 : La littérature du Moyen Empire, p. 603. La littérature dite "pessimiste"

[ historique ] [ pouvoir ] [ conservation ]

 

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électoralisme

Un auteur de peu postérieur à Périclès (Aristote, l'auteur de la Constitution d'Athènes), et qui dépréciait le modèle Athénien, observe malicieusement qu'Athènes est au premier rang de toute la Grèce pour le nombre de festivités et de jours de fête. Et les fêtes signifient des animaux sacrifiés aux dieux, c'est-à-dire de la viande gratuite pour le peuple. Dans une société archaïque (et notoirement pauvre) cela aussi est une ressource politique essentielle.

En définitive, l'approbation du peuple n'était pas "achetée" mais obtenue par des moyens qui comportaient aussi une évidente utilité sociale. C'est sur ce solide consensus que Périclès a fondé sa suprématie, qu'il faisait confirmer régulièrement en se faisant élire stratège; et cela avec une continuité qui suggérait à Thucydide l'idée de princeps et à ses adversaires l'ombre terrifiante du "tyran". Tout le reste, qui apparaît à Thucydide comme ses qualités essentielles, en découle: sa parole à contre-courant; sa capacité d'affronter une baisse de popularité; "guider, plutôt que se laisser entraîner".

Au siècle suivant, Démosthène, lecteur attentif des livres de Thucydide, a voulu se poser en nouveau Périclès. Il parle à la manière de ce dernier et imite le style pédagogique de son art oratoire, mais il sait que désormais la corruption est appréciée au lieu d'être traînée devant les tribunaux; "Si l'on avoue sans détour que l'on vole, le peuple rit avec complaisance (Démosthène, Troisième philippique, 39). Le politicien corrompu, donc riche et donc puissant, suscite l'admiration et le désir de l'imiter: de faire comme lui et - sait-on jamais? - de devenir comme lui. La parole victorieuse, celle qui emporte l'adhésion de la "multitude", commençait à ne plus être indispensable.

Auteur: Canfora Luciano

Info: La nature du pouvoir, p. 65

[ grèce antique ] [ démagogie ] [ sociologie ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

perceptions

Une première étude d’imagerie cérébrale sur les effets du LSD
"Ces travaux sont aux neurosciences ce que le boson de Higgs a été pour la physique des particules".
Cette déclaration, pour le moins accrocheuse, vient de David Nutt, neuropsychopharmacologue et chercheur sénior de l’étude en question qui vient d’être publiée dans la revue PNAS en mars dernier. Et un peu comme pour le boson de Higgs, les résultats ont confirmé la théorie, à savoir que les modifications d’activité cérébrale qui ont été observées rendent très bien compte de ce qu’un "trip à l’acide" peut provoquer comme état mental !
Le protocole expérimental conçu par l’équipe de Nutt a fait appel à une vingtaine de sujets qui venaient deux journées différentes au laboratoire. Dans un cas le sujet recevait 75 microgrammes de LSD intraveineux, et dans l’autre cas un placebo, c’est-à-dire rien d’autre qu’un liquide physiologique. On a pu ainsi comparer les effets réels du LSD versus toute autre modification (produites par exemple par des attentes, des conditionnements, etc.) chez la même personne.
Le protocole est assez impressionnant en termes d’instruments utilisés pour ne rien manquer aux effets de l’acide lysergique diéthylamide (le nom complet du LSD). Trois techniques complémentaires ont ainsi été utilisées : l’ASL (ou "arterial spin labelling", l’IRMf ou imagerie de résonnance magnétique fonctionnelle, et la magnétoencéphalographie (les deux premières étant des lectures indirectes de l’activité nerveuse basées sur le flux sanguin dans les capillaires cérébraux).
L’analyse des résultats obtenus avec ces différentes techniques combinées a permis de mieux comprendre deux grands types d’effets associés à la prise de LSD : les hallucinations visuelles et le sentiment de dissolution du soi.
Dans le premier cas, les trois techniques utilisées ont mis en évidence une augmentation du débit sanguin dans le cortex visuel, une diminution de la puissance des rythmes alpha, et une beaucoup plus grande connectivité fonctionnelle. Trois modifications dont l’importance était corrélée avec l’intensité des expériences subjectives rapportées par les sujets.
Comme le rapporte l’auteur principal de l’étude, Robin Carhart-Harris, c’est un peu comme si les sujet voyaient, mais avec leurs yeux fermés. Autrement dit, c’est l’activité intrinsèque ou endogène de leur cerveau, leur imagination pourrait-on dire, qui alimente alors fortement le système visuel et non plus le monde extérieur. Et de fait, les scientifiques ont pu observer beaucoup de régions cérébrales (liées à l’audition, l’attention, le mouvement) interagir non seulement avec les régions visuelles mais entre elles sous l’influence du LSD. Il y avait donc cet aspect plus "unifié" du cerveau favorisé par la drogue.
Mais en même temps, il y avait aussi un aspect plus "fragmenté" dans d’autres réseaux cérébraux, preuve de plus qu’une même substance peut avoir différents effets dans différents endroits du cerveau, a fortiori une substance aux effets complexes comme le LSD. La baisse de connectivité a surtout été observée entre deux structures cérébrales, le gyrus parahippocampique et le cortex rétrosplénial (une partie du cortex cingulaire postérieur). Et l’intensité de cette "déconnexion" était corrélée au niveau subjectif à celle de l’impression de dissolution du soi et de l’altération du sens des choses.
Encore une fois ici, l’impression de devenir un avec les autres, avec la nature ou même avec l’univers rapportée par des décennies d’utilisation de cette substance trouve ici un corrélat neuronal intéressant. D’autant plus que ces impressions, qui sont souvent interprétées dans un cadre spirituel ou religieux, semblent être associées à des améliorations du bien-être durant un certain temps après que les effets immédiats de la drogue se soient dissipés.
C’est d’ailleurs l’objet d’une autre étude de la même équipe publiée cette fois en février dernier dans Psychological Medicine, et qui montre qu’une certaine "fluidité cognitive" pourrait être conservée un certain temps après l’utilisation de LSD, ouvrant ainsi la voie à un usage thérapeutique, notamment pour la dépression et la rumination mentale qui lui est associée.

Auteur: Internet

Info: http://www.blog-lecerveau.org, 25 avril 2016

[ cognition ]

 

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primate

Les singes aiment aussi le porno ! Les chaînes de télévision payante montrent que les humains dépensent de l'argent pour voir du sexe et des célébrités. Une étude indique que les singes payeraient également pour voir des photos sexy ainsi que les images d'individus de haut-statut dans leurs propres groupes sociaux. L'étude est la première qui démontre que les singes évaluent l'information visuelle pour sa valeur sociale et que cette connaissance est utilisée pour faire spontanément la différence entre les images de leurs camarades singes
Comme plusieurs de ces résultats s'appliquent également aux humains les chercheurs pensent que ceci pourrait mener à une meilleure compréhension des désordres neurophysiologiques tels que l'autisme qui affectent la vision que les individus ont les uns les d'autres.
Douze macaques males de rhésus adulte (mulatta de Macaca) ont participé à cette l'étude. Les chercheurs les ont observé en captivité pour déterminer leur ordre social. Les mâles et les femelles étaient de statuts différents (haut ou bas) relativement à leurs compagnons.
"Dans cette colonie, quand nous offrons des "bonnes bouffes" aux singes, - par exemple, des fruits secs, le singe de haut-statut obtient habituellement la part du lion, et le singe de bas-statut abaissera généralement docilement la tête dans cette situation potentiellement stressante," dit le Dr Robert Deaner, associé post-doctoral de recherches dans le service de la neurobiologie du centre médical de Duke University. Les "animaux de Haut-rang apprécient habituellement, mais pas toujours, la priorité de l'accès à la nourriture.
Ensuite, les chercheurs ont pris des photos des macaques et les ont chargées dans un programme informatique. Quelques femelles ont été photographiées de derrière, de sorte que l'image montre un plan rapproché de leur partie arrière. D'autres images étaient de simples photos du visages de mâles et de femelles.
Quatre des singes masculins ont été mis devant des écrans d'ordinateur. Ils étaient récompensés avec du jus de fruit chaque fois qu'ils décalaient leur regard fixe d'une image à l'autre. Quelques images eurent comme conséquence plus de jus de fruit que d'autres photos.
Si on leur donnait le choix entre la photo d'un mâle de bas-statut - avec une récompense élevée - et la photo du cul d'une femelle, les sujets d'expérience masculins refusèrent le jus supplémentaire de sorte qu'ils purent regarder fixement les images femelles sexy. Ils "payèrent" également avec plus de jus pour voir des photos de mâles de haut-statut.
De même les singes mâles ont demandé un paiement supplémentaire, (plus de jus), pour regarder les visages de mâles et de femelles de bas-statut.
"Il semble bien que les singes s'intéressent à toutes sortes d'information sociale, mais que certains types d'information valent davantage que d'autres." indique Deaner.
L'étude a ainsi déterminé que quand les mâles regardent des mâles de haut-statut ils prêtent l'attention, mais ne soutiennent pas le regard. Deaner indique que les regards trop appuyé semblent signaler une agression et, dans des circonstances normales, constitueraient une menace potentiellement violente.
Les mâles n'ont pas détaché leur regard si vite quand ils ont admiré les cul des femelles.
Voir l'arrière train d'une femelle pourrait fournir un avantage, (mais pas de coût potentiel) les mâles vérifient probablement la couleur et la taille du périnée de la femelle, ses organes génitaux. Un périnée grand et rouge signifie généralement qu'elle ovule.
Dans une autre phase de l'essai, Deaner et ses collègues ont placé les singes masculins devant des miroirs. Alors que les experts animaliers ne croient pas que les macaques rhésus se reconnaissent, les singes de haut-statut ont passé 41% du temps de miroir à se regarder eux-mêmes, alors que les singes de bas-statut regardèrent fixement leurs propres réflexions seulement 19% du temps de session.
Comment l'argent est-il impliqué ? Le Professeur Colin Camerer du Caltech est un expert en neuro économie, un champ naissant qui utilise l'évidence détaillée des mécanismes de cerveau, y compris des comparaisons inter-espèces, pour améliorer notre compréhension du comportement économique humain.
Camerer indique que ce n'est "pas une surprise" que les singes masculins aiment vraiment regarder les postérieurs femelles. Mais il est étonné que les mâles payent avec du jus pour voir des mâles de haut-statut, mais sans oser vraiment les regarder.
"C'est comme si un fan attendait des heures pour voir Brad Pitt - par exemple -, mais qui, quand il le rencontrerait, l'éviterait soigneusement du regard, gardant timidement les yeux baissées" dit Camerer
Ces résultats avec les singe pourrait aider à comprendre l'autisme chez les humains.
"Un des problèmes principaux des personnes autiste est qu'elles ne le trouvent pas motivant de regarder les autres individus," dit Michael Platt, collègue de Deaner. " Et même quand elles le font, elles ne semblent pas comprendre ou évaluer les informations sur l'importance, les intentions ou les expressions des autres individus."
Platt indique que son équipe a l'espoir que dans le futur on puisse utiliser ces résultats pour en apprendre non seulement plus au sujet des singes, mais pour comprendre également comment la motivation sociale est traitée par les macaques ainsi que les humains.

Auteur: Viegas Jennifer

Info: Discovery News 8 Février 2005

[ homme-animal ]

 

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citation s'appliquant à ce logiciel

Sache, toi qui badaude dans les méandres de FLP, qu'il n'est pas ici question de taxinomie arrêtée, comme celles que pouvait craindre Perec ; mais du choc de l'esprit du visiteur lecteur avec certaines formulations rencontrées. Choc qui génère, entre autres possibilités, celle d'interagir avec les participants, via les citations et la discussion de leurs tags-étiquettes. Ou d'orienter une pensée par la mémorisation d'extraits dans un ordre voulu, voire en les enchevêtrant à ta manière. 

Il y avait les lexiques et autres listes antiques. Voici maintenant celles, intriquées, de la Base de Données FLP. 

Pour le coup nous voilà situés une petite marche plus haut - ou plus bas -, ce qui fait une grande différence au vu des corrélations démultipliées qui s'ensuivent. Corrélations sous forme d'"associations induites" bien recensées, qui s'exponentialisent, même si ce ce dernier verbe est inadéquat. Ainsi peuvent se développer et/ou disparaitre des classifications croisées, en général induites par les significations-sources-étymologiques et/ou les interprétation du sens (sémantique) des textes-extraits. Mais pas que, puisque d'autres facteurs, topologiques, temporels, de genres... jouent aussi un rôle. 

Tout ça sans cesse en mouvement.

Notons ici qu'un individu dont la vie est terminée se retrouve "figé". Le voilà alors idée-personnage-texte-époque dont on peut étudier certaines entrailles (dans le désordre et au hasard : par contexte de vie, influence historique, adn, apparence, actions, statistiques des écrits, nb de conjoints, d'enfants, etc.) pour peut-être déceler quelques rapport/analogies avec d'autres personnages-situations tels que les textes on pu les fixer, ici en français. Secondéité-monade-aboutie, selon cette idée

Dit autrement : avec FLP on joue un peu plus avec les morts qu'avec les vivants. Le langage est ainsi fait.  

Mais comment organiser toutes ces mémoires écrites, de manière à "mieux" pouvoir les explorer, ne pas s'y perdre... et éventuellement en avoir usage ? 

C'est ici que l'analogie avec l'ADN et sa structuration "sur base quatre" viennent à l'esprit. On sait déjà que les "restes de très anciens mécanismes mémorisés (junk adn)", via des processus que l'on commence à mettre au jour, peuvent être ré-activés et réutilisés lors de développements postérieurs du vivant. On voit donc là des fils de mémoires longs, profonds... bien antérieurs aux mécanismes-résonnances épigénétiques "dedans-dehors" adaptatifs. Epigénétique qui nous fait aussi voir que les monades sont moins étanches que ce que pensait Leibniz.

Pour ce qu'on en comprend, l'ADN est avant tout la mémorisation, complexe et structurée (d'une manière qui nous échappe encore beaucoup), des événements anciens qui ont participé à la construction des émergences incarnées que nous qualifions de vivantes. Mémoire sur la durée qui fait apparaitre nos langage, dictionnaires, et autres taxonomies lexicologiques comme dérisoires et volatils. 

Pensons maintenant à l'important rôle joué par le vivant dans le façonnage de notre planète matrice, par exemple via les processus de biominéralisation comme la formation des plaques calcaires d'algues unicellulaires, l'émergence des squelettes externes de nombreux invertébré, ou internes des vertébrés, etc. qui amènent vers la terre-humus et autres falaises de craies de la Manche franco-britannique. La vie biologique a développé des structures qui, en s'accumulant, devinrent substrats essentiels, paysages et décors aussi, de nos existences. Le concept de Gaïa ne dit pas autre chose. 

Comment ne pas voir que cette mémoire-là - DNA -, en se développant-évoluant, extrapole, à partir des éléments minéraux, pour, en bricolant d'étonnante façon leurs atomes-molécules, arriver jusqu'à nous ? 

Même si tout ça n'est que le point de vue local d'un singe debout et parlant, lui-même dégueuli transitoire de ces longs tâtonnements - pas si biscornus au final puisqu'ils développent une hyper-complexité efficace... N'allons-nous pas jusqu'à marcher sur la lune, ah ah ah...

Est-ce alors raisonnable de tenter la comparaison de nos systèmes de classifications-mémorisations lexicologiques sur le temps long avec le codage ADN ?  

Ou, encore plus simple et évident : La Source Matricielle qui nous expectore conserve-t'elle en filigrane, de manière discrète, un principe tétravalent que nous ne savons pas voir comme essentiel au-delà du fait qu'il constitue les possibilités de base de l'atome du carbone ? Méta-gouverne qui oriente et pilote tant bien que mal la bio-évolution et donc l'humanité. Double dualité dont il faudrait s'inspirer pour nos représentations diachronico-taxonomiques. 

Ici on se prend à rêver quelque lien avec la grande harmonie sous-jacente et mystique qui semble présider à la répartition des nombres premiers de la conjecture de Riemann... Pour rapidement voir ressurgir, en miroir, une fois encore, ce qui ressemble à une dualité prison, attribut de l'observateur. 

Peut-être serait-il temps de réaliser que cette approche bipôles (actuellement plutôt sur polarité masculine ?), grandement conditionnée par les grecs anciens puis consolidée par les routines et habitudes de pensées occidentales-rationalistes, mérite une remise en question. 

Euclide a réfléchi en se pensant par rapport à une surface, Newton s'est mis à la place de la matière, Einstein de la lumière. On attend désormais une concorde (de) scientifique(s) chercheur(s), dotée(s) de capacités de modélisation suffisamment puissantes pour franchir un nouveau cap en prenant exemple sur la méthodologie de cette force subjacente aux manifestations. Stratégie de l'esprit enfermé dans la matière... qui nous a ainsi généré. 

Il est imaginable que c'est par ce pas supplémentaire, (élargissant notre conscience ?), que le prochain vrai saut scientifique et conceptuel humain pourra se produire 

Si oui, qui trouvera le bon angle d'attaque, la faille qu'on pourra ensuite élargir pour développer un formalisme nouveau. Socle d'une prise de distance avec les limitations de nos sens et de nos pulsions duales ? Formalisme apte à gérer des métissages  conceptuels tels que "rigoureuse souplesse" ou "rationalisme émotionnel". 

En clair la mise en oeuvre d'une logique améliorée, mieux émancipée de son - ou de ses - langage(s). 

FLP s'y attaque à sa manière, par un tentative de classification lexicographique intriquée, diachronique...  tâtonnante. Entreprise nécessairement communautaire, aventureuse, légèrement stochastique... et peut-être pré-mémétique.

Auteur: Mg

Info: déc 2022

[ spéculation ] [      dépassement ] [     codage tétravalent ] [      futurologie ] [    gnose ] [    théologie ] [    phylogénie ] [    agencement diachronique ] [    épistémologie ] [ FLP mégalo ]

 

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insectes

Elle eut dans son sommeil, un faible gémissement.

À la tête de l'autre lit, assis sur le divan, il lisait à la lumière concentrée d'une petite lampe. Il leva les yeux. Elle eut un léger frémissement, secoua la tête comme pour se libérer de quelque chose, ouvrit les paupières et fixa l'homme avec une expression de stupeur, comme si elle le voyait pour la première fois. Et puis elle eut un léger sourire.

- Qu'y a-t-il, chérie ?

- Rien, je ne sais pas pourquoi mais je ressens une espèce d'angoisse, d'inquiétude...

- Tu es un peu fatiguée du voyage, chaque fois c'est la même chose et puis tu as un peu de fièvre, ne t'inquiète pas, demain ce sera passé.

Elle se tut pendant quelques secondes, en le fixant toujours, les yeux grands ouverts. Pour eux, qui venaient de la ville, le silence de la vieille maison de campagne était vraiment exagéré. Un tel bloc hermétique de silence qu'il semblait qu'une attente y fût cachée, comme si les murs, les poutres, les meubles, tout, retenaient leur respiration.

Et puis elle dit, paisible :

- Carlo, qu'y a-t-il dans le jardin ?

- Dans le jardin ?

- Carlo, je t'en prie, puisque tu es encore debout, est-ce que tu ne voudrais pas jeter un coup d'œil dehors, j'ai comme la sensation que...

- Qu'il y a quelqu'un ? Quelle idée. Qui veux-tu qu'il y ait dans le jardin en ce moment ? Les voleurs ? Et il rit. Ils ont mieux à faire les voleurs que de venir rôder autour de vieilles bicoques comme celle-ci.

- Oh ! je t'en prie, Carlo, va jeter un coup d'œil.

Il se leva, ouvrit la fenêtre et les volets, regarda dehors, resta stupéfait. Il y avait eu de l'orage l'après-midi et maintenant dans une atmosphère d'une incroyable pureté, la lune sur son déclin éclairait de façon extraordinaire le jardin, immobile, désert et silencieux parce que les grillons et les grenouilles faisaient justement partie du silence.

C'était un jardin très simple : une pelouse bien plane avec une petite allée aux cailloux blancs qui formait un cercle et rayonnait dans différentes directions : sur les côtés seulement il y avait une bordure de fleurs. Mais c'était quand même le jardin de son enfance, un morceau douloureux de sa vie, un symbole de la félicité perdue, et toujours, dans les nuits de lune, il semblait lui parler avec des allusions passionnées et indéchiffrables.

Au levant, à contre-jour et sombre par conséquent, se dressait une barrière de grands charmes taillée en arches, au sud une haie basse de buis, au nord l'escalier qui menait au potager, au couchant la maison. Tout reposait de cette façon inspirée et merveilleuse avec laquelle la nature dort sous la lune et que personne n'est jamais parvenu à expliquer. Cependant, comme toujours, le spectacle de cette beauté expressive qu'on peut contempler bien sûr, mais qu'on ne pourra jamais faire sienne, lui inspirait un découragement profond.

- Carlo appela Maria de son lit, inquiète, en voyant qu'il restait immobile à regarder. Qui est là ?

Il referma la fenêtre, laissa les volets ouverts et il se retourna :

- Personne, ma chérie. Il y a une lune formidable. Je n'ai jamais vu une semblable paix.

Il reprit son livre et retourna s'asseoir sur le divan.

Il était onze heures dix.

À ce moment précis, à l'extrémité sud-est du jardin, dans l'ombre projetée par les charmes, le couvercle d'une trappe dissimulée dans l'herbe commença à se soulever doucement, par à-coups, se déplaçant de côté et libérant l'ouverture d'une étroite galerie qui se perdait sous terre. D'un bond un être trapu et noirâtre en déboucha, et se mit à courir frénétiquement en zigzag.

Suspendu à une tige un bébé sauterelle reposait, heureux, son tendre abdomen vert palpitait gracieusement au rythme de sa respiration. Les crochets de l'araignée noire se plongèrent avec rage dans le thorax, et le déchirèrent. Le petit corps se contorsionna, détendant ses longues pattes postérieures une seule fois. Déjà les horribles crocs avaient arraché la tête et maintenant ils fouillaient dans le ventre. Des morsures jaillit le suc abdominal que l'assassin se mit à lécher avidement.

Tout à la volupté démoniaque de son repas, il n'aperçut pas à temps une gigantesque silhouette sombre qui s'approchait de lui par-derrière. Serrant encore sa victime entre ses pattes, l'araignée noire disparut à jamais entre les mâchoires du crapaud.

Mais tout, dans le jardin, était poésie et calme divin.

Une seringue empoisonnée s'enfonça dans la pulpe tendre d'un escargot qui s'acheminait vers le jardin potager. Il réussit à parcourir encore deux centimètres avec la tête qui lui tournait, et puis il s'aperçut que son pied ne lui obéissait plus et il comprit qu'il était perdu. Bien que sa conscience fût obscurcie, il sentit les mandibules de la larve assaillante qui déchiquetaient furieusement des morceaux de sa chair, creusant d'affreuses cavernes dans son beau corps gras et élastique dont il était si fier.

Dans la dernière palpitation de son ignominieuse agonie il eut encore le temps de remarquer, avec une lueur de réconfort, que la larve maudite avait été harponnée par une araignée-loup et lacérée en un éclair.

Un peu plus loin, tendre idylle. Avec sa lanterne, allumée par intermittence au maximum, une luciole tournaillait autour de la lumière fixe d'une appétissante petite femelle, languissamment étendue sur une feuille. Oui ou non ? Oui ou non ? Il s'approcha d'elle, tenta une caresse, elle le laissa faire. L'orgasme de l'amour lui fit oublier à quel point un pré pouvait être infernal une nuit de lune. Au moment où il embrassait sa compagne, un scarabée doré d'un seul coup l'éventra irrévocablement, le fendant de bout en bout. Son petit fanal continuait à palpiter implorant, oui ou non ? que son assaillant l'avait déjà à moitié englouti.

À ce moment-là il y eut un tumulte sauvage à un demi-mètre de distance à peine. Mais tout se régla en quelques secondes. Quelque chose d'énorme et de doux tomba comme la foudre d'en haut. Le crapaud sentit un souffle fatal dans son dos, il chercha à se retourner. Mais il se balançait déjà dans les airs entre les serres d'un vieux hibou.

En regardant on ne voyait rien. Tout dans le jardin était poésie et divine tranquillité.

La kermesse de la mort avait commencé au crépuscule. Maintenant elle était au paroxysme de sa frénésie. Et elle continuerait jusqu'à l'aube. Partout ce n'était que massacre, supplice, tuerie. Des scalpels défonçaient des crânes, des crochets brisaient des jambes, fouillaient dans les viscères, des tenailles soulevaient les écailles, des poinçons s'enfonçaient, des dents trituraient, des aiguilles inoculaient des poisons et des anesthésiques, des filets emprisonnaient, des sucs érosifs liquéfiaient des esclaves encore vivants.

Depuis les minuscules habitants des mousses : les rotifères, les tardigrades, les amibes, les tecamibes, jusqu'aux larves, aux araignées, aux scarabées, aux mille-pattes, oui, oui, jusqu'aux orvets, aux scorpions, aux crapauds, aux taupes, aux hiboux, l'armée sans fin des assassins de grand chemin se déchaînait dans le carnage, tuant, torturant, déchirant, éventrant, dévorant. Comme si, dans une grande ville, chaque nuit, des dizaines de milliers de malandrins assoiffés de sang et armés jusqu'aux dents sortaient de leur tanière, pénétraient dans les maisons et égorgeaient les gens pendant leur sommeil.

Là-bas dans le fond, le Caruso des grillons vient de se taire à l'improviste, gobé méchamment par une taupe. Près de la haie la petite lampe de la luciole broyée par la dent d'un scarabée s'éteint. Le chant de la rainette étouffée par une couleuvre devient un sanglot. Et le petit papillon ne revient plus battre contre les vitres de la fenêtre éclairée : les ailes douloureusement froissées il se contorsionne dans l'estomac d'une chauve-souris.

Terreur, angoisse, déchirement, agonie, mort pour mille et mille autres créatures de Dieu, voilà ce qu'est le sommeil nocturne d'un jardin de trente mètres sur vingt. Et c'est la même chose dans la campagne environnante, et c'est toujours la même chose au-delà des montagnes environnantes aux reflets vitreux sous la lune, pâles et mystérieuses. Et dans le monde entier c'est la même chose, partout, à peine descend la nuit : extermination, anéantissement et carnage. Et quand la nuit se dissipe et que le soleil apparaît, un autre carnage commence avec d'autres assassins de grand chemin, mais une égale férocité. Il en a toujours été ainsi depuis l'origine des temps et il en sera de même pendant des siècles, jusqu'à la fin du monde.

Marie s'agite dans son lit, avec des petits grognements incompréhensibles. Et puis, de nouveau elle écarquille les yeux, épouvantée.

- Carlo, si tu savais quel horrible cauchemar je viens de faire. J'ai rêvé que là-dehors, dans le jardin, on était en train d'assassiner quelqu'un.

- Allons, tranquillise-toi un peu, ma chérie, je vais venir me coucher moi aussi.

- Carlo, ne te moque pas de moi, mais j'ai encore cette étrange sensation, je ne sais pas, moi, c'est comme si dehors dans le jardin il se passait quelque chose.

- Qu'est-ce que tu vas penser là...

- Ne me dis pas non, Carlo, je t'en prie. Je voudrais tant que tu jettes un coup d'œil dehors.

Il secoue la tête et sourit. Il se lève, ouvre la fenêtre et regarde.

Le monde repose dans une immense quiétude, inondé par la lumière de la lune. Encore cette sensation d'enchantement, encore cette mystérieuse langueur.

- Dors tranquille, mon amour, il n'y a pas âme qui vive dehors, je n'ai jamais vu une telle paix.

Auteur: Buzzati Dino

Info: Douce Nuit, Nouvelle

[ couple ] [ simultanéité ] [ histoire courte ]

 
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religions

Luther était-il antisémite ?
Paru en 1543, "Des Juifs et de leurs mensonges" est traduit pour la première fois en français. Le texte, resté jusqu'à présent inédit en français, est un brûlot contre les Juifs, alors que le fondateur de la Réforme avait d'abord pris leur défense. Comment expliquer ce revirement? Et quelles en furent les conséquences?
- BibliObs. L'antisémitisme de Luther est régulièrement évoqué, mais on ne disposait pas en France de la traduction de son principal libelle sur le sujet: "Des juifs et de leurs mensonges". Qu'y a-t-il exactement dans ce texte?
- Pierre Savy. Comme l'indique le titre du livre, il s'agit de dénoncer les "mensonges" des Juifs, à commencer par le mensonge le plus scandaleux aux yeux de Luther, car il porte sur le trésor précieux entre tous que les Juifs ont reçu de Dieu: la Bible. La tradition chrétienne affirme, en tout cas jusqu'au XXe siècle, que la lecture juive de la Bible juive (l'"Ancien Testament") est fausse parce que, plus ou moins délibérément, elle refuse la lecture christologique de la Bible, qui permet de voir dans ces textes l'annonce de la venue de Jésus comme messie.
C'est donc un livre contre le judaïsme et "contre les Juifs", sans aucun doute, mais il n'est pas adressé aux Juifs: Luther met en garde les "Allemands", c'est-à-dire les chrétiens de son temps, contre une politique de tolérance à l'égard des communautés juives.
Il dénonce les "vantardises" des Juifs (leur lignage, le lien qu'ils entendent instaurer avec Dieu par la circoncision, la détention de la Loi et leur droit sur une terre) et s'efforce par un travail exégétique d'établir le caractère messianique de Jésus. Il expose les soi-disant "calomnies" juives sur Jésus et Marie, colportant au passage diverses superstitions médiévales, par exemple les crimes rituels prétendument perpétrés par les Juifs.
Dans la dernière partie du volume, la plus souvent citée, il appelle à faire cesser les agissements condamnables des Juifs: l'usure, qui vide le pays de ses richesses, le blasphème, les nuisances diverses. Pour cela, il prône une politique d'éradication violente (il conseille ainsi à de nombreuses reprises d'incendier les synagogues), voire l'expulsion, même si ce mot n'est pas présent dans le livre de Luther : "Il faut que nous soyons séparés d'eux et
- Dans quel contexte Luther en vient-il à écrire de telles choses?
- Le livre est publié en 1543, trois ans avant la mort du réformateur. On est loin des débuts flamboyants de sa vie: il avait publié les fameuses "thèses" qui avaient lancé la Réforme en 1517, et ses plus grands textes dans les années 1520. "Des Juifs et de leurs mensonges" s'inscrit dans les années de consolidation et de structuration par Luther d'une Église et d'une société protestantes.
Ce sont aussi des années d'inquiétude face à l'apparition de déviances internes à la Réforme, comme les anabaptistes ou les sabbatariens, qui ont poussé la relecture de l'Ancien Testament jusqu'à observer, par exemple, le repos du shabbat. Ces sectes, dont l'Église de Dieu et l'Église adventiste du Septième jour sont les héritières contemporaines, Luther les considère comme "judaïsantes".
Au même moment, la saison des expulsions des Juifs d'Europe occidentale s'achève: il n'y en reste plus guère, sinon dans les ghettos d'Italie et dans quelques localités du monde germanique. Ce traité et deux autres non moins anti-judaïques de la même année 1543, "Du nom ineffable et de la lignée du Christ" et "Des dernières paroles de David", illustrent ce que la plupart des biographes a décrit comme un revirement dans l'attitude de Luther à l'égard des Juifs.
D'abord plutôt bienveillant envers eux et convaincu de sa capacité de les convertir (il écrit "Que Jésus-Christ est né juif" en 1523, un traité autrement plus sympathique que "Des Juifs et de leurs mensonges"), il s'oppose aux persécutions dont ils sont l'objet. Il est même accusé de "judaïser". Mais son objectif reste la conversion et il finit par en rabattre, déçu qu'il est par leur obstination dans leur foi. En vieillissant, il développe une haine obsessionnelle contre les Juifs, il parle souvent d'eux dans ses "Propos de table" et, trois jours avant de mourir, il prêche encore contre eux.
- Quelle est la place de cet antisémitisme dans la pensée de Luther?
- On pourrait répondre en faisant valoir que, matériellement, les pages antisémites de Luther constituent une part réduite de son oeuvre, il est vrai très abondante; et qu'elles ne sont pas plus violentes que celles où il vise d'autres groupes qui font eux aussi l'objet de sa haine ("papistes", princes, fanatiques, Turcs, etc.). Mais cela ne répond pas vraiment sur le fond.
On pourrait répondre aussi, et ce serait déjà un peu plus convaincant, qu'un luthéranisme sans antisémitisme est bien possible: des millions de luthériens en donnent l'exemple chaque jour. L'antisémitisme n'est donc pas central dans l'édifice théologique luthérien. Néanmoins, les choses sont plus compliquées: sans être inexpugnable, l'hostilité au judaïsme se niche profondément dans la pensée de Luther.
Comme les catholiques de son temps, Luther considère comme une infâme déformation rabbinique l'idée d'une Loi orale (le Talmud) comme pendant indispensable de la Loi écrite. Comme eux encore, il campe sur des positions prosélytes et, partant, potentiellement, intolérantes. Comme eux enfin, il manie de lourds arguments théologiques contre les Juifs s'obstinant à rester juifs (caducité de l'Alliance, annonce de Jésus comme Messie, etc.).
Mais, en tant que fondateur du protestantisme, son conflit avec le judaïsme se noue plus spécifiquement autour de la question chrétienne du salut. Pour les catholiques, je suis sauvé par mes "oeuvres", c'est-à-dire mes bonnes actions. C'est le fondement théologique de l'activité caritative de la papauté, qui permet d'acheter son salut à coups de donations, de messes, d'indulgences.
Au contraire, Luther, en s'appuyant notamment sur Paul, développe une théologie de la grâce, qui inverse le lien de causalit : l'amour de Dieu m'est donné sans condition, et c'est précisément ce qui doit m'inciter à agir de façon charitable. Or, dans "Des Juifs et de leurs mensonges", Luther range les Juifs du côté des catholiques, en quoi il se trompe, car la perspective juive se soucie en réalité fort peu du salut et de la rédemption. Cette critique contre le judaïsme est forte: s'agit-il cependant d'antisémitisme? Je ne le crois pas.
Le problème se niche peut-être plutôt dans cette capacité de violence et de colère du réformateur, dans sa véhémente affirmation d'une parole persuadée de détenir la vérité et de devoir abolir l'erreur. Concernant les Juifs, cela conduit Luther à remettre en cause les équilibres anciens trouvés par l'Église romaine et, plus généralement, à attaquer la tradition de tolérance (avec toutes les ambiguïtés de ce mot) de l'Occident, qui, depuis plus de mille ans, puisait à la fois au droit romain, à la politique des papes et aux principaux textes chrétiens.
À côté de désaccords théologiques, par exemple sur les oeuvres, la foi et la grâce, il y a chez Luther cette approche radicale, désireuse de rupture, de rationalité et d'homogénéisation. Cette approche est une des formes possibles de la modernité occidentale. On pourrait dire que c'est la face sombre des Lumières, et il me semble qu'on en trouve la trace dès Luther.
Truie : La "truie des Juifs", ou "truie juive" (en allemand Judensau), est un motif antisémite classique au Moyen Âge, figurée notamment sur un bas-relief de l'église de la ville de Wittemberg (où Luther prêcha). Elle représente des Juifs en contact obscène avec une truie, et entend dénoncer ainsi la bestialité des Juifs et le lien intime qu'ils entretiennent avec les porcs. L'image revient à vingtaine de reprises dans "Des Juifs et de leurs mensonges".
- Quels ont été les effets de l'ouvrage de Luther sur le protestantisme et sur l'histoire allemande ?
- Sur le moment même, il n'a que peu d'effets: bien des expulsions sont prononcées sans que l'on ait besoin pour cela de ses recommandations. On a toutefois connaissance de mesures adoptées dans son sillage dans le Neumark, en Saxe ou encore en Hesse.
En outre, si sa réception et ses usages furent importants à l'époque de sa publication, y compris avec quelques condamnations par des contemporains de Luther, il semble que, passé le XVIe siècle, cette partie de l'oeuvre du théologien a en fait été assez oubliée. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les trois traités antijudaïques sont publiés de loin en loin isolément. Leur retour sur le devant de la scène commence dans les années 1830-1840 et c'est en 1920 que l'édition de Weimar qui fait référence achève de les rendre visibles.
On peut toutefois défendre que la présence d'une haine si forte dans une oeuvre si lue ne peut qu'avoir de lourds effets. Pour ainsi dire, avec "Des Juifs et de leurs mensonges", le vers est dans le fruit : l'antisémitisme est durablement légitimé. Avec lui, s'enclenche une certaine modernité allemande, qui n'est bien sûr ni toute l'Allemagne, ni toute la modernité. Que l'on songe aux accusations portées par Emmanuel Levinas contre la conscience philosophique occidentale et sa volonté totalisante.
Dans une telle perspective, Luther prendrait place dans la généalogie d'un universalisme devenu criminel, qui passerait par les Lumières et déboucherait sur la constitution d'un "problème" posé par les Juifs, perçus comme faisant obstacle à l'avènement de l'universel "illimité" ou "facile".
Je reprends ici la thèse proposée par Jean-Claude Milner dans "les Penchants criminels de l'Europe". Pour Milner, ce que les universalistes (adeptes d'une lecture plus ou moins sécularisée des épîtres de Paul) ne supportent pas dans le judaïsme, c'est le principe de filiation. Et en effet, ce principe est copieusement attaqué par Luther, dont on sait l'importance qu'il accordait à Paul.
Pour autant, peut-on inscrire Luther dans la succession des penseurs qui, à force d'universalisme "facile", ont fini par fabriquer le "problème juif" et ouvert la voie à la "solution finale" ? Circonstance aggravante pour le réformateur, c'est dans les années 1930-1940 que ses textes antisémites ont été le plus souvent cités - en un sens favorable, puisqu'il s'agit de récupérations par les nazis. L'une des plus célèbres récupérations est celle de Julius Streicher, directeur de "Der Stürmer" et vieux compagnon de Hitler, lorsqu'il déclara au procès de Nuremberg (1946) :
en fin de compte, [Luther] serait aujourd'hui à [sa] place au banc des accusés si ["Des Juifs et de leurs mensonges"] avait été versé au dossier du procès.
Autre indice frappant : la carte du vote nazi et celle du protestantisme au début des années 1930 se recoupent parfaitement, et, pourrait-on dire, terriblement. Pour autant, il paraît injuste de voir là de véritables effets de l'oeuvre de Luther. Dans la tradition antisémite de l'Allemagne, aujourd'hui bien évidemment interrompue, Luther joue un rôle, sans doute, mais il est difficile d'en faire la pesée.
L'historien Marc Bloch prononça une mise en garde fameuse contre l'"idole des origines", ce commencement "qui suffit à expliquer". Dans une généalogie, les crimes des générations postérieures ne sont pas imputables aux ancêtres. Bien responsable de ce qu'il a écrit, et qui l'accable, Luther ne l'est pas de la suite de l'histoire, surtout si cinq siècles le séparent de cette "suite" dramatique.

Auteur: Savy Pierre

Info: propos recueillis par Eric Aeschimann, Des Juifs et de leurs mensonges, par Martin Luther, éditions Honoré Champion, 212

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