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Bible

La Critique biblique est tout simplement la lecture et l’étude scientifique de ces deux bibliothèques que constituent les livres hébreux et araméens que la Synagogue et l’Eglise chrétienne considèrent comme inspirés, d’une part, et les livres écrits en langue grecque de la nouvelle alliance, d’autre part. La Critique biblique en tant que telle s’occupe de déterminer le milieu, le contexte historique dans lequel ces ouvrages ont été composés ; de rechercher leur auteur, si c’est possible ; d’étudier leur transmission, leurs transformations au cours du temps ; enfin leur genèse historique. La Critique biblique, en tant que telle, n’a pas compétence pour décider de la question de savoir si ces livres, ces documents, sont inspirés par Dieu ou non. […] Cette question-là relève d’une autre analyse, qui est proprement métaphysique.

Or, au XIXe siècle, et encore aujourd’hui, il s’est trouvé et il se trouve encore des savants qui ont mélangé ces problèmes et qui ont cru pouvoir répondre à des questions proprement métaphysiques par la voie et par les méthodes des sciences expérimentales.

Or les sciences expérimentales, en tant que telles, n’ont pas compétence pour traiter ces problèmes métaphysiques et encore moins pour y répondre. La Crise moderniste, pour une part, est issue de ces confusions entre les problèmes scientifiques et les problèmes métaphysiques, entre les méthodes d’analyse des sciences et les méthodes d’analyse de la philosophie, entre conclusions scientifiques et conclusions philosophiques. Ces confusions, à leur tour, proviennent d’un défaut d’analyse philosophique.

Auteur: Tresmontant Claude

Info: La crise moderniste, éditions du Seuil, 1979, pages 13-14

[ naturel-surnaturel ] [ confusion catégorielle ] [ erreur ]

 

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philosophie

Pour Bergson, l’ordre que nous constatons dans le monde et dans la nature, par exemple dans la constitution d’un œil, ce n’est pas du positif, c’est du négatif, parce que c’est simplement le résultat de la résistance de la matérialité à l’acte créateur qui s’est interrompu. Il n’y a donc pas lieu de s’étonner. Sur ce point, Bergson pense donc comme Spinoza.

Mais ce qui est grave, c’est que Bergson assimile l’ordre qui résulte de ce que ma main s’est arrêtée en s’enfonçant dans un tas de sable – l’ordre d’une multitude de grains les uns par rapport aux autres – et l’autre ordre, l’ordre biologique et biochimique, histologique, celui des cellules multiples qui constituent l’œil vivant.

Car ces deux ordres n’ont aucun rapport.

L’ordre des grains de sable, lorsque ma main s’est retirée, est l’ordre d’éléments physiques, les grains de sable, qui restent étrangers les uns aux autres, partes extra partes. C’est l’ordre d’un tas. […]

Mais l’œil, l’œil vivant, bien entendu, lui, n’est pas un tas. Sa composition ne résulte pas d’un voisinage de grains. Ce qui le constitue œil vivant, c’est une information qui va jusqu’au niveau moléculaire. Entre l’ordre qui règne dans le tas de sable après le départ de ma main et l’ordre qui existe dans un œil vivant, il n’y a que très peu de ressemblances. Le même terme, ordre, est employé dans les deux cas d’une manière qui n’est pas univoque. 

Auteur: Tresmontant Claude

Info: La crise moderniste, éditions du Seuil, 1979, pages 151-152

[ matière ] [ erreur ] [ critique ] [ dévalorisation ]

 

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philosophie de l'action

Ce public de philosophes [auquel Maurice Blondel s’adresse] n’admet, après Kant, ni les preuves de l’existence de Dieu qui procèdent à partir du monde ni, à plus forte raison, les démarches de l’intelligence qui conduisent celle-ci à reconnaître le fait de la révélation et la divinité de Jésus. […] Blondel leur dit, en substance : admettons toutes vos restrictions, légitimes ou non ; admettons votre point de vue ; il reste qu’il y a en vous un vouloir, vous ne le niez pas. Eh bien, nous allons examiner ensemble jusqu’où nous conduit ce vouloir profond de l’homme, lorsqu’on le suit jusqu’au terme de sa visée constitutive. Nous allons, par cette méthode, jusqu’à Dieu, jusqu’au surnaturel chrétien, jusqu’à la nécessité d’admettre les dogmes et la pratique littérale.

La méthode, encore une fois, était originale et intéressante, si elle ne niait pas la valeur et la légitimité de l’autre méthode, objective celle-là, qui ne part pas de la volonté créatrice inscrite en l’homme, et dont il importe de déceler le contenu, mais de la réalité objective, le monde, la nature, le fait de la révélation, le fait constitué par Jésus et par l’Eglise.

Le malheur, sans doute, c’est que des admirateurs et des disciples de Blondel ont prétendu substituer la première méthode à la seconde, la méthode subjective, qui est très riche, très importante, mais qui, à la rigueur, ne prouve rien, à la méthode objective, qui part de la réalité incontestable du monde et de tout ce qu’il contient.

Le résultat […] : la voie normale de l’analyse objective est quasi disparue, et constamment disqualifiée.

Auteur: Tresmontant Claude

Info: La crise moderniste, éditions du Seuil, 1979, page 109

[ intelligence-raison ] [ connaissance ]

 
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hérésies chrétiennes

Ce que Cyrille d’Alexandrie, au Ve siècle, reprochait à Nestorius, patriarche de Constantinople, c’était d’associer, d’une manière extrinsèque, purement morale et juridique, deux êtres, l’homme et Dieu, dans l’incarnation, et de ne pas voir qu’il s’agit en réalité d’une union substantielle entre l’homme assumé et Dieu qui assume. Ici, avec le présupposé à la fois philosophique et théologique relevé par l’encyclique, on aboutit à un résultat analogue : la science, en l’occurrence la critique historique, atteint l’homme, elle n’atteint pas Dieu, en Jésus de Nazareth. Seule "la foi" atteint Dieu, ou plutôt le postule. […] 

Mais puisque de fait la divinité et l’humanité sont unies substantiellement dans cette personne concrète qui est Jésus de Nazareth, on ne peut pas dire que la science historique atteigne l’homme à part, l’homme séparé de Dieu. L’objet qu’atteint la science historique, ou l’exégèse critique, la lecture scientifique des textes, c’est le composé de l’humanité et de la divinité, une "personne composée" comme dit Jean Damascène, suivi en cela par Thomas d’Aquin, même si la science historique, en tant que telle, et avec ses moyens propres, ne sait pas discerner par elle-même et seule, ou comprendre, ce qu’elle atteint. 

On voit, en cette affaire, comment le nestorianisme est ici associé avec le fidéisme : la science atteint l’homme, la foi atteint Dieu ; l’intelligence n’atteint pas le composé uni dans la personne du Verbe incarné ; l’homme est dissocié de Dieu, et la foi est dissociée de l’intelligence. L’erreur inverse, c’est l’erreur monophysite, qui consiste à dire que dans l’unique personne du Verbe incarné les deux natures, la divine et l’humaine, sont mélangées, confondues, en sorte que, de leur mélange, il n’en résulte plus qu’une seule.

Les compagnons de Jésus voyaient et touchaient le composé concret, Ieschoua de Nazareth. Seule l’intelligence, donnée par Dieu, a permis à Képhras de discerner qui est Ieschoua, à savoir Dieu lui-même, venu parmi nous.

La science historique est dans la même situation. Elle atteint l’expérimentable. C’est à l’intelligence spirituelle de discerner ce qui se trouve dans le donné concret. 

Auteur: Tresmontant Claude

Info: La crise moderniste, éditions du Seuil, 1979, pages 224-225

[ théandrique ] [ confusion ] [ naturel-surnaturel ] [ christianisme ]

 

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philosophie chrétienne

Le christianisme comporte et implique, d’une manière nécessaire et non facultative, une certaine ontologie. On peut même dire qu’il est une certaine ontologie. En effet, il professe, il est une doctrine selon laquelle le monde n’est pas l’être absolu, et l’être absolu n’est pas le monde. Il professe donc qu’il faut distinguer entre l’être du monde et l’être de Celui qui peut dire de lui-même : Je suis celui qui suis. […] Il enseigne donc qu’on ne peut pas parler de l’être d’une manière générale et vague, sans préciser de quel être il s’agit, de quel être l’on parle : s’agit-il de l’être du monde, ou bien de l’être de Dieu ?

Le mot être employé à propos du monde et à propos de Dieu ne s’entend pas de la même manière. Dans les deux cas, il s’agit bien d’existence. Mais, dans le cas du monde, cette existence est reçue, précaire, limitée, fragile, essentiellement dépendante. Dans le cas de Dieu, l’être ou l’exister est une propriété de nature. Dieu n’a pas reçu l’existence. Il est son propre acte d’exister, il est esse per se subsistens. […]

Cette ontologie fondamentale, le christianisme l’a reçue de la tradition de la pensée hébraïque. Le judaïsme, le christianisme et l’islam professent sur ce point exactement la même ontologie. […]

Cette ontologie n’est pas propre, exclusivement, au christianisme, mais elle est cependant bien l’ontologie du christianisme, l’ontologie qui lui est inhérente. Le christianisme n’est pas pensable, il ne saurait exister, en dehors de cette ontologie. Ce qui revient à dire qu’il n’est pas possible d’être chrétien, chrétien cohérent, et en même temps professer l’ontologie de Parménide, par exemple, ou celle de Spinoza. Un chrétien cohérent ne peut pas professer que l’Être est unique, que le multiple n’est qu’une apparence, que la Substance est unique. Un chrétien cohérent ne peut pas professer : Natura sive Deus.

Le christianisme contient et implique d’une manière nécessaire, eu égard à ce qu’il est, non seulement une certaine ontologie qui a des caractères précis, une certaine doctrine de l’être qui est, au fond, partagée par tous ses grands docteurs, mais il contient et implique aussi, forcément, et par là même, une certaine cosmologie, une certaine doctrine du monde. 

Auteur: Tresmontant Claude

Info: La crise moderniste, éditions du Seuil, 1979, pages 240-241

[ monothéismes ] [ différences ] [ spécificités ]

 

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philosophe

Bergson a effectué une critique de toute la pensée européenne, de souche grecque et latine, en portant son analyse sur des points fondamentaux : la notion de néant absolu, la notion de désordre intégral, la notion de possible, et puis le problème du temps.

[…] Bergson a vu, avec les yeux de l’intelligence, que la création est en train de se faire. Elle n’est pas achevée. Ce n’est pas du tout fait. Ce n’est pas du fabriqué. Elle est en acte. Elle est en train d’inventer, de composer génialement le monde, comme un musicien compose une symphonie, encore inachevée. Elle est la réalité la plus profonde au fond des êtres que nous sommes. Bergson a pris contact avec l’acte créateur même de Dieu. C’est de cette intuition-là qu’il est parti. C’est elle qu’il a développée, c’est d’elle dont il a fait l’inventaire. Ce qu’il appelle le temps réel ou la durée, ce n’est pas de l’écoulement, ce n’est pas du mou. C’est au contraire l’acte créateur immanent aux êtres en train d’être formés, la durée de la création en train de se faire.

Et c’est à cause de cela qu’il a critiqué de fond en comble l’antique philosophie hellénique, et puis la philosophie européenne qui en dépend, dans la mesure où elle en dépend : parce que la pensée grecque antique a ignoré, méconnu, refoulé le fait de la création. C’est en effet un thème constant chez Parménide, chez Anaxagore, chez Empédocle : en réalité il n’y a pas de genèse, il n’y a pas de genesis ni de physis. Tout est toujours donné, de toute éternité. Ou plutôt, rien n’est donné : tout existe de toute éternité, sans don. L’Être est éternel, sans genèse, sans évolution, sans corruption, sans modification. […]

Bergson a vu, à cause de la méthode expérimentale qu’il a utilisée en philosophie, que c’est tout le contraire qui est vrai. La réalité objective tout entière […] est essentiellement et intrinsèquement en régime de genèse et de corruption. Elle dure, c’est-à-dire – là est la découverte métaphysique de Bergson – qu’elle est en régime de création continuée […] en ce sens qu’elle n’a pas fini d’inventer du nouveau. […] La création n’a pas eu lieu seulement autrefois, dans le passé, au premier commencement du monde, elle a lieu à chaque instant du temps. Chaque instant marque un commencement d’être nouveau, une création originale, une improvisation. 

C’était donc une erreur de rapprocher le devenir bergsonien, ou la durée bergsonienne, du devenir d’Héraclite. Le devenir héraclitéen signifie que tout s’écoule, que tout se défait, mais que tout, aussi, revient à son point de départ, où tout est contenu et réalisé de toute éternité. Le devenir bergsonien signifie que tout est en train de se créer, ou d’être créé.

Auteur: Tresmontant Claude

Info: La crise moderniste, éditions du Seuil, 1979, pages 143-144

[ chronos ] [ résumé ] [ idées ] [ théologie chrétienne ] [ évolutionnisme ]

 
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philosophie-théologie

Pour saint Thomas d’Aquin, la création est tout simplement une relation, unilatérale, de dépendance, de l’ensemble du réel, par rapport à Dieu. Prise du côté de l’être créé, cette relation est une relation réelle. Prise du côté de Dieu, elle est une relation de pure raison.

[…] Dans la métaphysique de saint Thomas d’Aquin, l’Univers est créé, actuellement, par cette dépendance même à l’égard de l’Unique incréé. La création est donc une relation actuelle, et en ce sens on peut l’appeler continuée. En ce sens seulement.

Mais la cosmologie de saint Thomas d’Aquin, au départ, c’est la cosmologie d’Aristote, c’est-à-dire un système constitué de substances qui échappent au devenir, à la genèse et à la corruption, un système éternellement constitué. Saint Thomas corrige Aristote sur ce point, mais au nom de la révélation. Il affirme que le monde n’est pas éternel, parce que la révélation l’enseigne, mais il ajoute que l’intelligence humaine, sans la révélation, ne peut pas le démontrer.

Dans la perspective ouverte par Bergson, l’Univers n’est pas un système constitué de toute éternité, auquel on pourrait ajouter, comme du dehors, l’idée de création qui nous vient des Hébreux. Pour Bergson, et l’expérience nous le confirme, l’Univers se forme – ou bien il est formé – depuis des milliards d’années, et progressivement. C’est-à-dire, comme nous l’avons déjà noté, que la création est en train de s’effectuer depuis des milliards d’années. L’Univers est en régime de création continuée dans un tout autre sens que chez saint Thomas d’Aquin. Non seulement dépendance actuelle de la totalité de l’être créé par rapport à l’Unique incréé, mais composition progressive, en train de s’effectuer, de l’ensemble du réel, en sorte que nous n’en sommes pas encore au septième jour, au jour du Repos. […] L’Univers n’est pas un système qui a été créé, au commencement, d’un seul coup. Il est un système qui a été créé progressivement et qui continue d’être en régime de création. […] C’est bien ce que dit, d’ailleurs, Celui qui s’exprime dans le quatrième Evangile : "Mon père est à l’œuvre jusqu’à maintenant, et moi aussi je suis à l’œuvre" (Jn 5, 17).

L’Univers de saint Thomas, pour Bergson, comme pour nous, en cette fin du XXe siècle, est un Univers constitué d’un seul coup, et donc fixe, achevé depuis le début. La création ne s’y manifeste pas empiriquement, elle ne s’y décèle pas dans l’expérience, précisément parce que cet Univers est pensé comme tout fait, achevé. Tandis que l’Univers bergsonien, qui est l’Univers réel, est un Univers en genèse. […]

Les thomistes, le plus souvent, refusent d’appeler création cette genèse continuée de nouveauté. Ils préfèrent l’appeler devenir. Et pour eux, le devenir, ce n’est pas la création. Tout devenir, en effet, n’est pas création, car il existe un devenir qui est corruption, croissance de l’entropie. Mais il existe un devenir qui est la création elle-même en train de s’effectuer, c’est ce devenir qui est genèse, ontogenèse ou phylogenèse, cosmogenèse et biogenèse.

C’est sur ce point, semble-t-il, que porte le différend entre Bergson et les thomistes, en ce qui concerne la doctrine de la création, et ses rapports avec l’évolution. Quelques thomistes sont disposés à accepter l’idée d’une création continuée, telle que Bergson l’a dégagée, et telle que l’expérience cosmique générale l’impose aujourd’hui. Mais ils sont peu nombreux.

Auteur: Tresmontant Claude

Info: La crise moderniste, éditions du Seuil, 1979, pages 85-86

[ christianisme ] [ définition ] [ différence ] [ origine ] [ statique-dynamique ]

 

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christianisme

Le modernisme y est présenté [dans la lettre encyclique Pascendi du pape Pie X] comme une entreprise concertée, presque un complot.

Or, l’histoire et les documents nombreux publiés depuis le début de ce siècle montrent qu’il n’en est rien. Ce qu’on appelé "le modernisme" est un effet d’ensemble, dans lequel il faut distinguer des causalités diverses, philosophiques, scientifiques, historiques, théologiques, un effet d’ensemble auquel ont contribué des hommes divers, qui se connaissaient plus ou moins, mais qui, en tout cas, et cela est certain, ne s’étaient pas concertés pour aboutir à un tel résultat. Non seulement ils ne s’étaient pas concertés mais, fort souvent, et sur des points majeurs, ils ne s’entendaient pas entre eux. Ils étaient, fort souvent, en opposition violente les uns contre les autres. Loisy ricane dans ses Mémoires au sujet de l’entreprise philosophique de Blondel et de Laberthonnière, mais Blondel attaque violemment Loisy au sujet de sa christologie. Blondel attaque violemment la philosophie d’Edouard Le Roy, et aussi celle de Bergson. A l’égard de son ami très cher le père Lucien Laberthonnière, il est dès le début très critique, et son opposition, sur un point fondamental, va s’amplifier à partir de 1920. […] L’abbé Hébert verse dans le monisme. Blondel est farouchement opposé à cette tendance. Et l’on pourrait dégager ainsi quantité d’autres oppositions entre les héros de la Crise moderniste. […]

Mais si l’auteur de l’encyclique Pascendi nous oppose que si en effet les  héros de la Crise moderniste ne se sont pas concertés, il n’en reste pas moins qu’ils partaient tous, plus ou moins, de présupposés communs, qui sont d’ordre philosophique, dont ils n’avaient pas forcément conscience les uns les autres, et qui expliquent la logique générale de l’ensemble du modernisme que l’auteur de l’encyclique considère et traite comme un système.

A cet égard, il faut bien le reconnaître, il y aurait quelque chose de vrai dans cette manière de voir. Les héros de la Crise moderniste sont nés, ont été formés dans un milieu intellectuel, ils ont respiré un air, ils ont baigné dans une atmosphère, qui sont ceux de la fin du XIXe siècle. Qui commandait, du point de vue intellectuel, en cette fin du XIXe siècle ? Qui donnait le ton ? Quel était le système de référence dans lequel l’intelligence se mouvait tout naturellement ? C’était bien entendu Kant, les maîtres de l’idéalisme allemand, et tout particulièrement Hegel, le positivisme d’Auguste Comte, le scientisme matérialiste d’une armée de savants pour qui le matérialisme était le dogme incontesté et incontestable. […]

Ils partaient donc, en effet, souvent, de présupposés communs qui étaient ceux de leur époque et de leur milieu, et l’irrationalisme, l’anti-intellectualisme, la négation de la possibilité de toute métaphysique fondée dans la réalité objective, étaient l’un de ces présupposés.

Si l’on lit l’encyclique Pascendi quelque soixante-dix ans plus tard, un autre fait est saisissant. Ce que l’encyclique dénonce, au début de ce siècle, l’irrationalisme, l’anti-intellectualisme, la philosophie du sentiment et de l’ "expérience intérieure", conçue comme exclusive et seule suffisante, l’appel à la "vie", au "cœur", à l’ "action", le glissement de la pensée rationnelle au sentiment, jusqu’à la nausée – cela a subsisté aujourd’hui, cela se retrouve aujourd’hui, mais en pire, multiplié par dix ou cent, et sans le génie métaphysique des géants du début du XXe siècle […].

En somme, ce qui nous reste entre les mains, quelque soixante-dix ans plus tard, c’est un résidu de la Crise moderniste, ses pires défauts, sans sa grandeur et ses qualités, c’est-à-dire l’importance des problèmes posés, la force de l’analyse chez les plus grands, la profondeur des vues, le courage. […] Il nous reste l’irrationalisme qui atteint aujourd’hui un degré cliniquement hystérique, un refus de toute pensée métaphysique, une ignorance intégrale de toute théologie technique, un rejet a priori de toute théologie savante, une régression vers les formes les plus archaïques, celles des invertébrés mous, une véritable déliquescence.

Auteur: Tresmontant Claude

Info: La crise moderniste, éditions du Seuil, 1979, pages 230-231

[ hérésie moderne ] [ évolution ] [ influences ] [ origines ] [ sentimentalisme ] [ déclin intellectuel ] [ primat de l'émotion ]

 
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