Pourquoi cette " soudaine nécessité de la nuit ", selon la lumineuse expression d'Annie Le Brun ? Pourquoi ces châteaux décatis, emphatiquement médiévaux, avec leurs douves, leurs geôles et leurs revenants ?
Du Château d'Otrante d'Horace Walpole (1764) à Frankenstein de Mary Shelley (1818) en passant par Le Moine de Matthew Lewis (1796), le genre noir déferle, parti des frimas britanniques, pour envelopper de son mauvais goût, de son kitsch et de ses naïvetés aussi bien l'époque des Lumières que celle de la Révolution.
Il continue à phosphorer loin dans le XIXe siècle, contaminant une partie de la littérature anglaise et française, les sœurs Brontë, Young, Chateaubriand, Hugo, Lautréamont et d'autres, jusqu'à la sensibilité fantastique d'Edgar Poe.
Pour le surréalisme tout juste sorti de la grande boucherie de la Première Guerre mondiale et confronté à un monde endeuillé, le roman noir est encore une ressource éthique et poétique - comme le prouve son appropriation passionnée. Cet acquiescement à la nuit fait figure de manifeste politique : noir, c'est noir !
Il prélude à une extraordinaire et énigmatique reviviscence du genre au cinéma à la fin du XXe siècle : films de spectres, films d'horreur dans ses différentes déclinaisons, giallo, zombies, etc., font de nous les contemporains de ce lieu mental, éloigné mais toutefois familier, des châteaux gothiques.
Années: 1968 -
Epoque – Courant religieux: Récent et libéralisme économique
Sexe: F
Profession et précisions: historienne
Continent – Pays: Europe - France