Tant que ceux qui comme elle, au creux de leur nid tranquille, dans leurs petites oasis d’honnêteté et de sagesse, ne pourraient songer au monde extérieur qu’en tremblant, les hordes furieuses de barbares aux visages mal rasés circuleraient avec une assurance instinctive : oui mais, elle, elle ne s’était jamais rebellée contre ce monde, elle avait toujours accepté ses incompréhensibles lois, elle lui était reconnaissante pour ses petites joies, aussi s’estimait-elle en droit d’espérer que le sort l’épargnerait.

Chaque civilisation croit que son mode de vie est le seul bon et le seul concevable, qu'elle doit y convertir le monde ou le lui infliger. On ne fonde pas un empire seulement par caprice.

On assujettit les autres pour qu'ils vous imitent, pour qu'ils se modèlent sur vous, sur vos croyances et vos habitudes ; vient ensuite

l'impératif pervers d'en faire des esclaves pour contempler en eux l'ébauche flatteuse ou caricaturale de soi-même.

La crise écologique à laquelle nous sommes confrontés est si évidente que cela devient évident – pour certains, étrangement ou effroyablement clair – de relier les points et de voir que tout est interconnecté. Telle est la pensée écologique. Et plus nous y réfléchissons, plus notre monde s'ouvre à nous. 

Un certain degré d'hallucination audiovisuelle se produit lorsque nous lisons de la poésie.

La stratégie de ce livre consiste donc à nous réveiller du rêve selon lequel le monde est sur le point de prendre fin, car l'action sur Terre (la vraie Terre) en dépend. La fin du monde a déjà eu lieu. Nous pouvons déterminer avec une  troublante exactitude la date à laquelle le monde a pris fin. Ce genre de précision n'est généralement pas facile à associer à l'historiographie, ni d'ailleurs au temps géologique. Mais dans ce cas, c'est d'une clarté surprenante. C'était en avril 1784, lorsque James Watt a breveté la machine à vapeur, un acte qui a marqué le début du dépôt de carbone dans la croûte terrestre, c'est-à-dire la naissance de l'humanité en tant que force géophysique à l'échelle planétaire.

J'appelle cette double vérité d'une chose sa fragilité. Cette fragilité intérieure est la raison pour laquelle une chose peut exister. La fragilité est aussi la raison pour laquelle tout peut arriver. L'existence est incomplète. Cette fragilité s'active dans ce qu'on appelle la destruction.

( La fragilité n'est pas un défaut, mais la condition même de l'existence, le moteur du devenir et de la causalité : c'est dans l'inachèvement, le secret et cette possibilité de disparition que le choix perdure pleinement, ouvrant le monde à tous les possibles.)

Ô mes amis, puisse mon infortune

vous servir de leçon ! N'offrez pas de festin

de noce, car vite au chagrin

le bonheur fera place. Le mariage est une

éternelle prison pour nos mésaventures.

Restez-donc loin des femmes, et masturbez-vous !

Il n'est rien de meilleur ici-bas, après tout.

J'ai quitté les filles pour les garçons

et, pour le vin vieux, j'ai laissé l'eau claire.

Loin du droit chemin, j'ai pris sans façon

celui du péché, car je le préfère.

J'ai coupé les rênes et sans remords

j'ai enlevé la bride avec le mors.

On l'aime beaucoup à Bagdad, le vieil Abou Nawas (Abû-Nuwâs), et certains des Irakiens que j'ai rencontrés lors de mes précédents séjours m'ont invité à lire celui qui fut à leurs yeux l'un des plus grands poètes arabes, voulant me montrer que leur pays était encore capable de tolérance. Mais quel Irakien oserait encore réciter publiquement aujourd'hui ses poèmes qui parlent de vin, de cul, de baise, et se moquent de la religion avec une liberté folle ?

Même si la partie adverse était invisible, voire inexistante, le combat qui vit leur victoire fut long, dit-il et au cours de ce long combat ils comprirent que pour remporter une victoire inconditionnelle il ne fallait ni détruire ni bannir tout ce qui leur était opposé, ne pas détruire ni bannir, pour employer un terme archaïque, le bien et la grandeur, mais se les approprier, et ainsi les dénaturer [...].