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origine

La thèse selon laquelle la philosophie est un bien qui "vient de Dieu" ne se rencontre pas seulement chez les penseurs chrétiens. On la trouve déjà au IIe siècle av. J.-C. chez des écrivains juifs d’Alexandrie, tel Aristobule, philosophe péripatéticien, "auteur d’une exposition allégorique du Pentateuque" où il prétend montrer – à l’aide de citations parfois inventées – que les philosophes grecs ont puisé une grande partie de leurs enseignements dans Moïse. [...] Cette thèse du "larcin des Grecs", dont Aristobule est bien l’un des premiers témoins, est présente également, mais sous une forme plus sérieuse et plus nuancée, chez Philon d’Alexandrie. [...] Il n’est pas jusqu’à certains philosophes païens qui n’hésitent pas à adopter la thèse judéo-alexandrine, tel Numénius, néo-platonicien du IIe siècle, qui déclare : "Qu’est-ce que Platon, sinon Moïse qui parle grec ?".

Auteur: Borella Jean

Info: Dans "Lumières de la théologie mystique", éditions L'Harmattan, Paris, 2015, pages 64-65

[ source divine ] [ historique ] [ occident ]

 
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calcul infinitésimal

Car l’indéfini est inépuisable analytiquement. Le moindre segment de droite, pourtant fini, est indéfiniment divisible, et nous ne l’épuiserons jamais par une telle division. Et cela vaut pour l’universalité du créé. Le péché consiste précisément à engager l’humanité dans cette saisie analytique de la création, par laquelle il prétend découvrir, à l’intérieur même des êtres finis, la fausse infinitude de l’indéfini. Ainsi le péché est-il lui-même indéfini et inépuisable analytiquement ; et c’est- là, notons-le, une façon de comprendre la perpétuité de l’enfer.

Il faut donc, pour en "sortir", épuiser la finitude du créé, synthétiquement, d’un seul coup, par passage instantané à la limite. Seul le plus peut le moins. Seul l’Infini véritable peut épuiser la finitude du créé et en révéler les limites et l’imperfection. Disons, pour être encore plus simple, que Dieu seul peut nous sauver.

Auteur: Borella Jean

Info: Le sens du surnaturel, L'Harmattan, 1997, page 164

[ infini-indéfini ] [ naturel-surnaturel ] [ orgueil ]

 

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pharisaïsme

Haïr le moi possessif, et se donner à autrui dans l’espoir de renoncer à l’ego, ne fait qu’imiter, inefficacement, son abolition. On livre son moi à autrui, dans une sorte de passion indéfinie, et l’on y voit comme un moyen radical de mourir à soi-même, de rompre enfin le cercle de l’égoïcité. Pourtant, l’altruisme ne diffère en rien de l’égoïsme. Il se situe rigoureusement sur le même plan. Livrer son ego en pâture à d’autres egos, c’est encore pour l’ego une manière d’exister, et la plus redoutable de toutes, car la plus justifiée en apparence. Il n’y a pas de fascination supérieure à celle-là. Loin de mourir, l’ego, morcelé dans son sacrifice passionnel, s’accroît de son propre morcellement. Il se réfléchit, se répète et se prolonge. La vraie solution, c’est de comprendre que "sans Moi", l’homme ne peut rien.

Auteur: Borella Jean

Info: Amour et vérité, L’Harmattan, 2011, Paris, page 126

[ jouissance ] [ critique ] [ illusion ]

 

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intuition intellectuelle

Ainsi, puisque la théologie négative consiste à traiter les concepts comme des symboles, et non comme des choses, elle ne peut accomplir sa tâche qu’en parvenant à détacher l’image conceptuelle de son plan de manifestation, le miroir mental, et à remonter vers son modèle. Du moins est-ce là sa première opération. Or, cette tâche sera à tout jamais impossible, si le théologien n’est pas en mesure de percevoir le modèle comme transcendant à son reflet dans la pensée. Sinon, la négation du concept ne sera que sa destruction pure et simple. Mais si l’intelligence théologique peut percevoir cette transcendance, c’est qu’elle est intrinsèquement capable d’une connaissance supra-mentale, et donc supra-conceptuelle et non-discursive, puisque le concept est une forme mentale et que la discursion est le passage obligé d’un concept à un autre. Sans l’œil de l’intellect, pas de théologie apophatique.

Auteur: Borella Jean

Info: Dans "Lumières de la théologie mystique", éditions L'Harmattan, Paris, 2015, page 111

[ anagogie ]

 

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forme-matière

Ce qui maintient ensemble les parties d’un corps, ce qui fait sa compacité et sa consistance, sa solidité, n’est pas corporel ; c’est une unité-forme de nature psychique, immanente à la réalité corporelle, et dont celle-ci n’est absolument pas séparable. Le corporel est donc comme une cristallisation d’une substance psychique transspatiale, le terme d’un processus d’extériorisation, le mode terminal du psychique¸ c’est-à-dire la manière dont le psychique (entendu en un sens non spécifiquement humain) arrête ou termine son propre mouvement de manifestation vers l’extériorité. […] Si donc on envisage le monde corporel (ou modalité corporelle de la réalité créée) en lui-même, il apparaît, à tous les points de vue, comme le monde de la limite, ou comme monde-limite. Cela signifie qu’il impose, à tous les êtres en qui lui se manifestent, des formes limites d’existence, c’est-à-dire telles qu’en deçà de ses formes l’existence disparaît.

Auteur: Borella Jean

Info: Amour et vérité, L’Harmattan, 2011, Paris, page 79

[ états multiples de l'Être ] [ finitude ] [ physique ]

 
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christianisme

[…] on ne devrait pas ignorer tout ce que la théologie de S. Thomas a tiré de la révélation de l’Exode où Dieu énonce : "Je suis qui je suis". Puisque, dit S. Thomas, l’essence de Dieu, c’est d’être – acte pur d’être, c’est-à-dire réalité absolue transcendante à tous les modes concevables d’être réel – Dieu, à proprement parler, n’a pas d’essence, au sens où l’essence est ce qui détermine l’existence, ce qui fait qu’un être est ce qu’il est, et pas autre chose. En étant, en exerçant son pouvoir d’être, tout être créé est limité par les déterminations que lui impose son essence. Mais Dieu n’ayant point d’essence, puisqu’Il est son propre être, Son acte pur d’être – ou unité de l’Acte absolu et de la Réalité absolue – n’est limité par rien, et c’est pourquoi Dieu est infini, ou encore Dieu est la réalité infiniment réelle.

Auteur: Borella Jean

Info: L'intelligence et la foi, L'Harmattant, Paris, 2018, pages 19-20

[ doctrine ] [ interprétation ] [ herméneutique ]

 

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philosophie antique

[…] la tradition platonicienne ne peut être assumée par la révélation chrétienne que si elle est dépouillée de son "égoïté" culturelle, de son centre le plus intérieur, de sa racine génétique. Et c’est contre ce dépouillement que protestent Plotin et Porphyre. Ce centre est un centre mystique. Le cœur du platonisme, c’est la contemplation du Bien, au-delà de l’être, et l’identification intellective à la source surintelligible de toute lumière. Le vrai platonisme, disons-le clairement, celui de Platon, et non celui des manuels universitaires, est l’une des plus hautes expressions de la métaphysique universelle. […] Mais c’est que le christianisme parle au nom d’un autre centre mystique, d’une ponctualité vraiment sacrée, celle du Logos fait chair en Jésus-Christ. L’ésotérisme platonicien est alors comme absorbé et effacé dans l’ésotérisme christique : il ne demeure de lui qu’une langue conceptuelle, relativement extérieure, que la nouvelle religion adopte comme la sienne propre.

Auteur: Borella Jean

Info: L'intelligence et la foi, L'Harmattant, Paris, 2018, pages 69-70

[ rencontre ] [ assimilation ] [ intégration ]

 

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rationalisme moderne

Quant à la négation de l’intellectus, ou intellect intuitif, elle est l’œuvre de la philosophie kantienne. S’efforçant de prendre une conscience critique de la raison (Critique de la raison pure), Kant n’y aperçoit pas ce pouvoir de connaissance intuitive (intellectus intuitivus) dont le dotait Descartes (sive intellectus, sive ratio). Et, puisqu’il n’y a pas d’intellectus, il n’y a point de métaphysique possible : “[…] l’intuition intellectuelle, en effet, n’est pas la nôtre, et […] nous ne pouvons même pas en envisager la possibilité”. [*] La raison (Vernunft) devenant alors la faculté supérieure de connaissance, Kant est amené à inverser les rapports que toute la tradition antérieure avait admis, et à appeler entendement (Verstand, intellectus) l’activité cognitive inférieure, à savoir, celle qui revêt les connaissances sensibles d’une forme conceptuelle et que nous avons appelée mentale. De la confusion à l’inversion négatrice, tel est le chemin parcouru par la pensée occidentale. 

Auteur: Borella Jean

Info: Amour et vérité. La voie chrétienne de la charité, chap. VII : "La constitution de l’Homme selon la méthode philosophique", III, "La tripartition anthropologique", 7, "Intellect et raison", L’Harmattan, coll. Théôria, Paris, 2011, pp. 111-112, * Critique de la raison pure, trad. Trémesaygues et Pacaud, P.U.F, p. 226.

[ décadence ]

 

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immanent-transcendant

Rapprochons analogie et symbole, mais marquons leur différence : c’est que l’analogie donne la clef du symbole, tandis que le symbole peut voiler l’analogie. Ainsi l’analogie, en revêtant des formes sensibles, devient symbole, mais le symbole déchiffré se transforme en l’analogie qui le constituait. L’analogie est le sens du symbole. Cela montre d’abord qu’un symbole qui ne repose sur aucune analogie n’a pas de sens en lui-même, qu’il est le fruit d’une fantaisie ou d’une convention. Mais cela montre aussi que le sens ne s’accomplit que dans l’analogie et par l’analogie. Dire qu’un objet a un sens, c’est découvrir de quoi il est l’analogue. […] Le sens est exigence d’analogie. Sans analogie, le monde est absurde, c’est-à-dire sans répétition d’un logos. Si le symbole est signe de reconnaissance, ainsi que nous l’enseigne l’usage que l’on fait de ce terme, la connaissance de l’analogie est la reconnaissance du signe.

Auteur: Borella Jean

Info: Penser l'analogie, L'Harmattan, Paris, 2012, pages 209-210

[ intelligible ] [ lien ] [ relation ] [ rapport ]

 

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grands initiés

Chez S. [saint] Justin, patron chrétien des philosophes, martyr de la foi, apparaît l’idée majeure que, si la raison peut trouver en elle-même les vérités que le Christ révélera, c’est parce que la lumière qui est en elle est une émanation du Verbe divin : chaque intelligence humaine a été "ensemencée" par le Logos éternel. C’est la fameuse théorie du Logos spermatikos, du "Logos qui ensemence" [...]. [...] On rencontre cependant, chez Justin, une idée, celle d’une "révélation" particulière accordée à certains hommes privilégiés. Il ne s’agit donc plus seulement de l’ensemencement par le Verbe de toute intelligence, y compris celle des laboureurs et des artisans, mais d’une sorte de grâce donnée à quelques-uns [...]. [...] Qui sont ces "hommes sacrés" à qui fut "envoyée" à l’origine, la philosophie ? Selon Daniélou – que nous suivons – il ne peut guère s’agir que de sages non hébreux.

Auteur: Borella Jean

Info: Dans "Lumières de la théologie mystique", éditions L'Harmattan, Paris, 2015, pages 66-67

[ parole ] [ naturel-surnaturel ]

 

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