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pénalisation

Au commencement était le Verbe ; et, à la fin, le borborygme sous surveillance.

On me dira qu’il s’agit de sanctionner les injures à caractère "sexiste" ou les insultes "homophobes". Mais qu’est-ce qu’une injure ? Et qu’est-ce qu’une insulte ? Le simple fait de mettre entre guillemets "sexiste" et "homophobe", c’est-à-dire de prendre avec des pincettes deux termes hâtivement découpés dans cet agglo très spécial que compressent avec une inventivité satanique (car il s’agit de satanisme, et la sociologie ou la psychologie ne servent plus à rien devant de tels phénomènes, il faut inventer d’urgence une nouvelle démonologie) les dominants modernes pour forger leurs instruments punitifs, ce simple fait n’est-il pas déjà injurieux ou insultant par ce qu’il suppose de mise à distance de ces termes ? Va-t-on voir, dans les tribunaux, les linguistes ou les psycholinguistes remplacer à la barre les experts en enfance malheureuse et déterminer quand le mot "salope" est une insulte et quand il est un éloge ?

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Exorcismes spirituels, tome 4", Les Belles Lettres, Paris, 2010, pages 1739-1740

[ sexe des anges ] [ règne de l'émotionnel ]

 

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athéisme

Sur fond d’hyperterrorisme et de chaos irakien, l’athée fanatique et militant hurle donc au retour de la barbarie religieuse, à la guerre des Dieux monothéistes surexcités par la mondialisation et s’entredévorant de par le globe. Néanmoins, quand il a dit cela, il n’a encore rien dit. Car même lorsqu’il fait semblant de vomir avec équité les trois "religions du Livre", il réserve le plus ardent de sa haine au judéo-christianisme, et plus précisément au christianisme, et plus exactement encore au catholicisme. C’est l’éradication chirurgicale de celui-ci qu’il poursuit derrière sa défense de la laïcité. Et cette éradication, justement, il l’appelle privatisation.

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Exorcismes spirituels, tome 4", Les Belles Lettres, Paris, 2010, page 1730

[ sécularisation ] [ opinion personnelle ] [ privé-public ]

 

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principe de précaution

Un point semble acquis depuis que la canicule, en août dernier, a fait les ravages que l’on sait : notre société doit se doter de toute urgence d’outils susceptibles d’anticiper les situations à risque, de les repérer, de les renifler, de les identifier si possible avant même qu’elles ne se connaissent elles-mêmes. 

L’idéal serait d’écraser le serpent dans l’œuf avant que l’œuf ne soit pondu. Avant que le serpent ne songe à le pondre. Avant que le serpent n’existe. Avant la Genèse, en somme. Avant le monde, cet amas infernal d’aléas de toutes sortes, de dangers toujours nouveaux, toujours en devenir et toujours surprenants, et qui ne veulent pas dire leur nom avant de se manifester dans toute leur ampleur dévastatrice. [...] On a fait sévèrement grief au gouvernement de ne pas avoir reconnu le risque alors qu’il était encore incertain. Et aux autorités sanitaires d’avoir fait montre, les premiers jours, d’un déficit flagrant de réactivité par rapport à un phénomène encore relativement invisible. Mais aussi aux municipalités et aux conseils généraux, qui auraient pu trouver sans grande difficulté les moyens et les énergies nécessaires pour organiser des actions préventives et anticipatrices de prophylaxie et de contraception si seulement ils avaient pensé à penser à la canicule avant que tout le monde y pense. Mais ils n’ont pas pensé à y penser. D’où les dysfonctionnements dont on les accuse et dont ils essaient tant bien que mal, plutôt mal que bien, de se disculper.

Mais on ne les y reprendra plus. Ils vont travailler désormais sur toutes les menaces et suspensions. Sur les prochaines canicules, bien entendu, et sur les inondations, sur les orages, sur les incendies, sur les ouragans, sur les tremblements de terre, sur les tempêtes de grêle, sur les marées noires. Sur les épidémies en projet et sur les intentions de pandémies. Sur le vent, sur la pluie, sur la neige. Sur les déluges et sur les crues. Sur les giboulées de feu, les inondations de vent, les fournaises de neige. Sur le cyanure qu’un dingue injectera un de ces jours dans les yaourts des supermarchés. Ou dans les petits pots de bébé.

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Exorcismes spirituels, tome 4", Les Belles Lettres, Paris, 2010, page 1720

[ sécurité ] [ absurde ] [ pouvoir prophétique ] [ peur ]

 

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séphiroth

Le mot sefira, rendu parfois par "nombre primordial", ce qui est une mauvaise traduction, rendu dans la traduction du Sefer Yetsirah de Bernard Dubourg par "inscription" et dans celle de Mopsik  par "chiffre", est à peu près intraduisible en réalité.

Le mot vient de la racine du verbe hébreu safar, qui signifie à la fois "gratter", "polir",  "inscrire  sur de la pierre", "écrire", "compter", "énumérer", "raconter", "narrer", ou simplement "proférer des mots".    Le terme safar est donc primordialement lié à l’écriture, à l’inscription puisqu’il n’y a pas de chiffres en hébreu.

Il apparaît pour la première fois au début du Sefer Yetsirah, le "livre de la Création" (Dubourg le rend par "Le Livre de l’Œuvre"), plus ancien traité mystique de cosmogonie juif, écrit vraisemblablement entre le 3ème et le 6ème siècle, où il est associé à un autre terme, beli-mah, qui littéralement signifie "sans quoi". On étudiera cette énigme plus tard.

Le monde divin, enseigne la Kabbale,  s’articule en dix sefiroth qui sont à la fois dix éléments de la structure de Dieu, dix dimensions du divin, dix parties du corps divin et dix émanations successives ayant abouti à la création du monde. Par ailleurs, cette antériorité ex nihilo du monde sefirotique est intégralement prise dans un processus analogue à la naissance de la parole depuis la pensée la plus secrète.

[...]

Tout cela reste assez confus, et l’on ne sait pas bien s’il s’agit plutôt d’un processus de "manifestation" du divin (par degrés, émanations, nominations, épanchements ? ) ou bien d’un processus de création et de production de l’univers (et de quel type exactement ? matériel, spirituel, luminescent, langagier ?) …Cette incertitude n’est pas sans dessein, vous vous en doutez bien.

Auteur: Zagdanski Stéphane

Info: https://laggg2020.substack.com/p/pensee-du-royaume-royaume-de-la-pensee-acb?

[ judaïsme ] [ herméneutique ] [ signification ] [ étymologie ]

 

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idole

Qui est contre la démocratie ? Personne. Même pas les tyrans, qui annoncent leur intention de la rétablir dans les meilleurs délais chaque fois qu’ils prennent le pouvoir par un coup d’État. Même pas les islamistes modérés de Turquie. Ni l’armée du même pays, qui veille au grain et la rétablira mani militari, cette démocratie, si par hasard les islamistes la menacent. La démocratie est notre sacré ? Tant mieux. Sauf qu’en devenant sacrée elle a engendré un monstre phénoménal, une sorte de Golem que personne ne sait par quel bout prendre, dont personne n’ose parler. Et qui est le non-dit de tout ce qui est dit. Un non-dit massif.

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Exorcismes spirituels, tome 4", Les Belles Lettres, Paris, 2010, page 1703

[ indiscutable ] [ totalitarisme du bien ] [ paradoxale ] [ suffrage universel ]

 

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homo festivus

Il n’y a tout simplement aucun rapport entre la société du spectacle décrite jadis par [Guy] Debord et la nouvelle civilisation hyperfestive dans la mesure précise où cette dernière réalise l’abolition de la séparation que Debord désignait comme le mal à l’œuvre dans la société spectaculaire.

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Exorcismes spirituels, tome 4", Les Belles Lettres, Paris, 2010, page 1693

[ critique ] [ théorie dépassée ] [ abolition du quatrième mur ]

 

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littérature

Il y aura toujours des romans parce que la vie des hommes changera toujours, et qu’elle exigera donc des hommes à venir qu’ils expliquent ces changements, car c’est une nécessité impérieuse pour l’homme de faire le point dans un monde toujours variant, de comprendre la loi de cette variation : au moins, s’il veut demeurer l’être humain, dont il a, au fur et à mesure que sa condition se complique, une idée toujours plus haute et plus complexe.

Auteur: Aragon Louis

Info: préface de 1964 aux Cloches de Bâle

[ renouvellement continu ] [ transformations ]

 
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époque

Il y a le monde moderne. Ce monde moderne a fait à l’humanité des conditions telles, si entièrement et si absolument nouvelles, que tout ce que nous savons par l’histoire, tout ce que nous avons appris des humanités précédentes ne peut aucunement nous servir, ne peut pas nous faire avancer dans la connaissance du monde où nous vivons. Il n’y a pas de précédents.

Auteur: Péguy Charles

Info: Note conjointe sur M. Descartes

[ inédite ] [ table rase ] [ hapax ]

 

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géopolitique

Du point de vue authentiquement historique, les deux guerres mondiales avec leur cortège de petites et grandes révolutions n’ont eu pour effet que d’aligner sur les positions historiques européennes, réelles ou virtuelles, les plus avancées, les civilisations retardataires des provinces périphériques.

Auteur: Kojève Alexandre

Info:

[ objectifs ] [ conséquences ]

 

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théâtre

C’est le mécontentement de soi-même, c’est l’oubli des goûts simples et naturels qui rendent si nécessaires un amusement étranger. Je n’aime point qu’on ait besoin d’attacher incessamment son cœur sur la scène, comme s’il était mal à son aise au-dedans de nous.

Auteur: Rousseau Jean-Jacques

Info: Lettre à d'Alembert

[ critique ] [ spectacle ] [ divertissement ] [ fuite ] [ culture ] [ barbarie ] [ exhibitionnisme ]

 
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