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déclaration d'amour
En te voyant toute mignonne,
Blanche dans ta robe d'azur,
Je pensais à quelque madone
Drapée en un pan de ciel pur ;
Je songeais à ces belles saintes
Que l'on voyait, du temps jadis,
Sourire sur les vitres peintes,
Montrant du doigt le paradis ;
Et j'aurais voulu, loin du monde
Qui passait frivole entre nous,
Dans quelque retraite profonde,
T'adorer seul à deux genoux...
Soudain, un caprice bizarre
Change la scène et le décor,
Et mon esprit au loin s'égare
Sur de grands prés d'azur et d'or,
Où, près de ruisseaux minuscules,
Gazouillants comme des oiseaux,
Se poursuivent les libellules,
Ces fleurs vivantes des roseaux.
- Enfant, n'es-tu pas l'une d'elles
Qui me suit pour me consoler ?
Vainement tu caches tes ailes :
Tu marches, mais tu sais voler.
Petite fée au bleu corsage,
Que je connus dès mon berceau,
En revoyant ton doux visage,
Je pense aux joncs de mon ruisseau !
Veux-tu qu'en amoureux fidèles
Nous retournions dans ces prés verts ?
Libellule, reprends tes ailes,
Moi, je brûlerai tous mes vers ;
Et nous irons, sous la lumière
D'un ciel plus frais et plus léger,
Chacun dans sa forme première,
Moi courir, et toi voltiger.
Auteur:
Fabié François
Années: 1846 - 1928
Epoque – Courant religieux: industriel
Sexe: H
Profession et précisions: poète régionaliste
Continent – Pays: Europe - France
Info:
Recueil : Fleurs de genêts, ma libellule
[
poème
]
femme-par-homme
Vois, les Steppes stellaires
Se dissolvent à l'aube...
La lune est la dernière
A s'effacer, badaude.
Oh ! que les cieux sont loin et tout ! Rien ne prévaut
Contre cet infini ; c'est toujours trop nouveau !...
Et vrai, c'est sans limite !...
T'en fais-tu une idée,
O jeune Sulamite
Vers l'aurore accoudée !
L'Infini à jamais ! comprends-tu bien cela !
Et qu'autant que ta chair existe un au-delà ?
Non ; ce sujet t'assomme.
Ton Infini, ta sphère,
C'est le regard de l'Homme,
Patron de cette Terre.
Il est le Fécondeur, le Galant Chevalier
De tes couches, la Providence du Foyer !
Tes yeux baisent Sa Poigne,
Tu ne te sens pas seule !
Mais lui bat la campagne
Du ciel, où nul n'accueille !...
Nulle Poigne vers lui, il a tout sur le dos ;
Il est seul ; l'Infini reste sourd comme un pot.
Auteur:
Laforgue Jules
Années: 1860 - 1887
Epoque – Courant religieux: industriel
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Europe - France
Info:
Premières strophes du poème "L'aurore-promise" - in "Oeuvres complètes, tome II", éd. L'Age d'Homme, p. 217
[
incompréhension mutuelle
]
[
cosmos
]
[
poème
]
[
femmes-hommes
]
femmes-par-homme
Vous qui prenez ce bois pour allumer la lampe
Et la mettre au milieu de la table servie,
Et qui prenez ce lin pour essuyer la rampe,
Et qui rangez les fleurs et qui rangez la vie,
Ô femme qui rangez les travaux et les jours,
Et les alternements et les vicissitudes,
Et les gouvernements et les sollicitudes,
Et la vieille charrue et les nouveaux labours.
Ô femme qui rangez les palais et les tours,
Et les retournements et les iniquités,
Et la jeune détresse et les antiquités.
Et la vieille tendresse et les nouveaux amours,
Femmes, je vous le dis, vous rangeriez Dieu même,
S’il descendait un jour dedans votre maison.
Vous rangeriez l’outrage, et l’oubli du blasphème,
Si Dieu vous visitait dedans cette prison.
Femmes, je vous le dis, vous rangeriez Dieu même,
S’il venait à passer devant votre maison.
Vous rangeriez l’offense, et le pouvoir suprême,
S’il venait à passer devant votre raison.
Auteur:
Péguy Charles
Années: 1873 - 1914
Epoque – Courant religieux: industriel
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Europe - France
Info:
[
poème
]
[
ironie
]
[
pragmatisme
]
[
ordonnatrices
]
[
maniaques
]
[
casse-bonbons
]
déclaration d'amour
Tandis que je parlais le langage des vers
Elle s'est doucement tendrement endormie
Comme une maison d'ombre au creux de notre vie
Une lampe baissée au coeur des myrtes verts
Sa joue a retrouvé le printemps du repos
O corps sans poids posé dans un songe de toile
Ciel formé de ses yeux à l'heure des étoiles
Un jeune sang l'habite au couvert de sa peau
La voila qui reprend le versant de ses fables
Dieu sait obéissant à quels lointains signaux
Et c'est toujours le bal la neige les traîneaux
Elle a rejoint la nuit dans ses bras adorables
Je vois sa main bouger Sa bouche Et je me dis
Qu'elle reste pareille aux marches du silence
Qui m'échappe pourtant de toute son enfance
Dans ce pays secret à mes pas interdit
Je te supplie amour au nom de nous ensemble
De ma suppliciante et folle jalousie
Ne t'en va pas trop loin sur la pente choisie
Je suis auprès de toi comme un saule qui tremble
J'ai peur éperdument du sommeil de tes yeux
Je me ronge le coeur de ce coeur que j'écoute
Amour arrête-toi dans ton rêve et ta route
Rends-moi ta conscience et mon mal merveilleux.
Auteur:
Aragon Louis
Années: 1897 - 1982
Epoque – Courant religieux: industriel
Sexe: H
Profession et précisions: poète
Continent – Pays: Europe - France
Info:
Poème à Elsa
[
poème
]
contemplation
Je veux, pour composer chastement mes églogues,
Coucher auprès du ciel, comme les astrologues,
Et, voisin des clochers écouter en rêvant
Leurs hymnes solennels emportés par le vent.
Les deux mains au menton, du haut de ma mansarde,
Je verrai l’atelier qui chante et qui bavarde;
Les tuyaux, les clochers, ces mâts de la cité,
Et les grands ciels qui font rêver d’éternité.
II est doux, à travers les brumes, de voir naître
L’étoile dans l’azur, la lampe à la fenêtre
Les fleuves de charbon monter au firmament
Et la lune verser son pâle enchantement.
Je verrai les printemps, les étés, les automnes ;
Et quand viendra l’hiver aux neiges monotones,
Je fermerai partout portières et volets
Pour bâtir dans la nuit mes féeriques palais.
Alors je rêverai des horizons bleuâtres,
Des jardins, des jets d’eau pleurant dans les albâtres,
Des baisers, des oiseaux chantant soir et matin,
Et tout ce que l’Idylle a de plus enfantin.
L’Emeute, tempêtant vainement à ma vitre,
Ne fera pas lever mon front de mon pupitre;
Car je serai plongé dans cette volupté
D’évoquer le Printemps avec ma volonté,
De tirer un soleil de mon cœur, et de faire
De mes pensers brûlants une tiède atmosphère.
Auteur:
Baudelaire Charles
Info:
Les Fleurs du Mal, Paysage
[
poème
]
immanence
Écoute : c'est une histoire que tu dois connaître,
Tu récolteras les conséquences de ce que tu as semé.
Ce monde éphémère n'est pas le monde où nous
sommes destinés à demeurer éternellement :
Et pour l'amour d'un trône indigne.
Tu laisses le diable se saisir de toi.
Il me reste peu de jours, je n'ai pas le coeur à la guerre,
Je ne puis faire face et combattre plus longtemps,
Mais écoute les mots d'un vieil homme : au cœur libéré
De la passion qui ronge et de l'ambitieuse avidité
Considère les trésors des rois et la poussière comme un tout ;
L'homme qui vend son frère, comme tu l'as fait,
Pour cette même poussière sans valeur, ne sera jamais
Considéré comme un enfant de la pureté.
Le monde a vu tant d'hommes comme toi,
Et les a mis à terre : il n'y a rien que tu puisses faire.
N'est de te tourner vers Dieu ; pense alors à la voie
Au voyages, qui mène au Jour du Jugement.
Auteur:
Ferdowsi Abū-l-Qāsim Manṣūr ibn Ḥasan al-Ṭūṣī
Années: 0940 - 1020
Epoque – Courant religieux: moyen-âge
Sexe: H
Profession et précisions: poète
Continent – Pays: Proche&moyen orient - Iran
Info:
[
transcendance
]
[
poème
]
berceuse
Dors, dors, je suis là près de pour veiller sur tes rêves
Dors, dors, dans la paix de la nuit car demain l'aube se lève
toujours plus loin, toujours plus loin, dans cette immense neige glacée
toujours plus loin, toujours plus loin dans cette immense pays glacé
Dors, dors, tu as le temps de grandir et d'avoir à chasser
Dors, dors, tu as le temps de grandir et d'avoir à pêcher
toujours plus loin, toujours plus loin dans cette immense forêt de givre
toujours plus loin, toujours plus loin dans cette immense banquise blanche
Dors, dors, les loups peuvent hurler au loin,
je suis là tu ne crains rien
Dors, dors, l'ours blanc et les pingouins
nous les croiserons demain
toujours plus loin, toujours plus loin, au fil des traineaux et des chiens
toujours plus loin, toujours plus loin, dans ce grand nord on est si bien
Dors, dors, et rappelle-toi les contes des trolls et des magiciens
Dors, dors, bien au chaud dans cet igloo que j'ai construit de mes mains
toujours loin, plus loin, toujours le jour s'en va sur la pointe des pieds et revient
toujours plus, loin toujours, loin, la nuit s'en va sur la pointe des pieds et revient.
Auteur:
Internet
Années: 1985 -
Epoque – Courant religieux: Récent et libéralisme économique
Sexe: R
Profession et précisions: tous
Continent – Pays: Tous
Info:
poème Inuit
[
inuit
]
[
obscurité
]
[
poème
]
chronos
Le temps
ne bouge pas
il est comme un mulet
assis
au milieu
d’un carrefour
je lui donne des coups de pied
je le tire
par son licou
je le pousse
il ne bouge pas
et pour autant
autour
de cet animal
noir et obtus
tout file
s’écoule
circule
s’agite
je me mets au lit
désespéré
après une journée
immobile
comme
un garde-fou
je m’endors
imaginant
que pendant que je dors
le mulet
se lève
et s’en va
l’aube arrive
je regarde
le mulet
il est toujours là
au milieu
de la chaussée
il n’a pas bougé
toujours là
avec sa tête
penchée
prisonnière
de ses œillères
énormes
avec ses narines
ourlées
de mouches
avec son ventre
gonflé
de foin
sur lequel
aux endroits plus clairs
serpentent
de dégoûtantes
veines
proéminentes
avec ses pattes
pelées
et écorchées
par ses sabots
encombrants.
Auteur:
Moravia Alberto
Années: 1907 - 1990
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Europe - Italie
Info:
L’homme nu et autres poèmes, préfacé par René de Ceccaty
[
poème
]
univers miroir
Le monde est notre désir.
Le monde est notre vouloir.
Il n'y a rien à dire du monde - sauf qu'il nous ressemble trait pour trait.
Si nous le trouvons médiocre - c'est que nous sommes médiocres.
Si nous le trouvons vain - c'est que nous sommes vains.
Si nous le trouvons affreux - c'est que nous sommes affreux.
Si nous le trouvons dur - c'est que nous sommes durs.
Si nous le trouvons morne - c'est que nous sommes mornes.
Si nous le trouvons petit - c’est que nous sommes petits.
Si nous le trouvons écœurant - c’est que nous sommes écœurants.
Si nous le trouvons hostile - c’est que nous sommes hostiles.
Il ne changera que quand nous changerons.
Il est nous - et indéfiniment il nous ressemblera.
Pour l'instant - c'est un monde de terre sèche.
Il y aura un brin d'herbe quand vous serez devenus brin d'herbe.
Ou alors - laissez tout crever.
Les démoniaques des pouvoirs ont ce qu'il faut dans l'arsenal pour une gigantesque épouvante.
Une gigantesque Mort.
Auteur:
Calaferte Louis
Années: 1928 - 1994
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Europe - France - Italie
Info:
L’homme vivant
[
poème
]
[
solipsisme
]
contemplation
Ma barque a-t-elle fait naufrage –
A-t-elle rencontré des tempêtes –
Vers des îles enchantées
A-t-elle dirigé ses voiles dociles –
Quel est le mouillage mystique
Qui la retient aujourd’hui –
C’est la mission de l’oeil
Qui scrute la Baie
(Poésies complètes. Flammarion 2009. Trad Françoise Delphy.)
****
Ma barque s’est-elle brisée en mer,
Crie-t-elle sa peur sous le vent,
Ou docile a-t-elle hissé sa voile,
Pour des îles enchantées ;
A quel mystique mouillage
Est-elle aujourd’hui retenue, –
Çà c’est affaire de regard
Là-bas au loin sur la baie.
(La planche de vivre - Poésie/Gallimard, 1995 - Trad René Char et Tina Jolas.)
*****
Whether my bark went down at sea –
Whether she met with gales –
Whether to isles enchanted
She bent her docile sails –
By what mystic mooring
She is held today –
This is the errand of the eye
Out upon the Bay.
Auteur:
Dickinson Emily
Années: 1830 - 1886
Epoque – Courant religieux: industriel
Sexe: F
Profession et précisions: poétesse
Continent – Pays: Amérique du nord - Usa
Info:
Sur https://www.lesvraisvoyageurs.com/2020/08/02
[
poème
]
[
océan
]