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guerre

Rentre des champs, père, il y a une lettre de notre Pete,

Viens donc à la porte, mère, il y a une lettre de ton fils chéri.



Parce que c’est l’automne,

Parce que les feuilles vertes aux arbres foncent, et jaunissent et rougissent,

Que leur fraîcheur adoucit les villages de l’Ohio feuillage balançant dans la petite brise,

Que les pommes pendent mûres aux vergers et mûrs pendent les raisins aux treilles de la vigne

(Sentez-vous le parfum des grappes de la vigne ?

Sentez-vous le parfum du blé noir où les abeilles ont cessé de bourdonner ?),



Il est si calme aussi, le ciel, si translucide après la pluie, si merveilleux sont les nuages,

Tout est si calme dessous lui, tout si plein de vie de beauté, et la ferme est prospère.



Comme sont prospères là-bas aussi les champs,

Mais voici qu’en revient à l’instant le père, il répond à l’appel de sa fille,

Mais voici qu’à l’entrée vient la mère, elle a hâte d’être au seuil.



Aussi vite qu’elle marche ses pas éprouvent une crainte, ils tremblent,

Elle n’a pas pris le temps d’ajuster ses cheveux, son bonnet.



Vite vite ouvrir l’enveloppe.

Ce n’est pas l’écriture de notre fils, non ! pourtant son nom est écrit,

Une main étrange a écrit pour notre fils, oh ! comme le cœur maternel a mal !

Evanouissement, lueur d’éclairs noirs, sa lecture ne saisit que quelques mots essentiels,

Des bribes de phrases, blessé par balle à la poitrine dans un engagement de cavalerie, conduit à l’hôpital,

Dans un état très faible, mais il guérira.



Je ne vois plus qu’une seule silhouette devant moi,

Au milieu de cet Ohio regorgeant de richesses, fermes et cités,

Une femme pâleur de mort au visage, tête en plomb, elle ne tient plus sur ses jambes,

Elle s’appuie contre le chambranle de la porte.



N’aie pas de chagrin, maman (c’est la grande fille qui parle tout en sanglotant,

Et les petites sœurs se sont serrées contre ses jambes, muettes de terreur),

Regarde maman chérie, tu vois bien que la lettre dit que Pete sera bientôt guéri non ?



Hélas le pauvre garçon ne guérira jamais (peut-être même est-elle mieux où elle est cette vaillante âme droite),

Car cependant qu’ils sont là debout à la porte, lui est déjà mort,

Leur fils unique est mort.



Mais la mère a besoin de réconfort,

Cette femme fluette qui portera bientôt le deuil,

Qui ne touchera plus à la nourriture le jour, se réveillera en sursaut la nuit dans son sommeil léger,

Se réveillera à minuit, pleurera, soupirera d’un seul soupir ininterrompu,

Ah ! si elle pouvait sans qu’on la voie, en silence échapper à la vie, partir dans son coin,

Aller retrouver son cher fils mort.

Auteur: Whitman Walt

Info: Dans "Feuilles d'herbe", Rentre des champs, père, traduction Jacques Darras, éditions Gallimard, 2002, pages 411 à 413

[ soldat ] [ poème ]

 

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pandémies

Trieste faisait alors partie de l’empire austro-hongrois. Avant la guerre, mon père vendait du beurre, du miel et du fromage blanc sur le marché de Ponterosso, avec son étal roulant exposé à tous les vents. Les jours de bora, il se protégeait avec un journal qu’il glissait sous sa veste. Mais au moment de l’épidémie, il n’était pas à la maison, mobilisé dans l’armée autrichienne, comme photographe de guerre.

Je n’étais alors âgé que de cinq ans et cette épidémie (1918) fut un désastre car nous étions seuls, ma mère, mes deux jeunes sœurs et moi. Mimitza avait trois ans, Evelyna deux ans. Tous atteints, avec quarante de fièvre, transpirant de sueur. Impossible de quitter le lit, d’être secourus. Nous vivions alors 28, via Commerciale dans une sorte de cave. Une pièce unique en sous-sol où mon père avait tendu un fil de fer. Maman y avait accroché une toile en guise de séparation, d’un côté la chambre, de l’autre la cuisine. Je me rappelle qu’il y avait dehors un peu d’herbe, quelques arbres, et je jouais là avec ma jeune sœur Mimitza. Elle était toute petite Mimitza. Mimitza est un diminutif qui veut dire Marie.

Mon grand-père, le père de mon père, ne pouvait nous venir en aide, retenu aux côtés de ma grand-mère et de mon cousin Cyril – qui devait se suicider quelques années plus tard. Ils habitaient dans une mansarde sous les toits, près du canal Grande, cette langue de mer qui pénètre au cœur de la ville thérésienne, là où mouillent les vieux bateaux à fond plat. Ils attendent le printemps pour sortir, quand la marée basse laisse un passage assez large sous le Ponterosso. Tout près, sur ce marché du Ponterosso, les Slovènes descendaient du plateau karstique pour vendre les produits de leur ferme. C’est l’une d’elles qui est venue nous porter secours. Qui l’a alertée ? je ne sais pas, mon grand-père sans doute car il ne pouvait se déplacer. Je me souviens qu’elle nous a préparé du thé. De cela je m’en rappelle bien car nous mourrions tous de soif à cause de la fièvre. Finalement nous avons guéri. Sauf ma petite sœur Mimitza. Elle était délicate, comme le sont aujourd’hui ceux qui décèdent du Covid-19, les personnes âgées, les malades. Elle n’a pas survécu mais aujourd’hui je pense qu’on l’aurait sauvée. Je me rappelle de la douleur de mon père, je me rappelle que tous les jours il fleurissait sa tombe.

Et pour nous pas de répit. Peu de temps après, ce fut une autre catastrophe : l’incendie de la maison de culture slovène par les chemises noires et le début du fascisme avec l’interdiction de parler notre langue, l’obligation d’italianiser nos patronymes. "Les Slovènes, des poux à écraser !" écrira le frère de Mussolini dans le journal Populi Roma…

C’était en 1920, il y a cent ans de cela. Une autre contamination, une peste brune commençait à envahir l’Europe. Et combien y en eut-il ensuite, des milliers et des milliers de poux que l’on s’est acharné à écraser ?

Je veux espérer que le mal d’aujourd’hui sera différent d’alors, que l’épidémie se trouvera rapidement enrayée. Les peuples n’ont-ils pas assez souffert ? Je souhaite de tout cœur que toutes ces souffrances viennent un jour à nous enseigner la sagesse…

Auteur: Pahor Boris

Info: Propos recueillis par Anne-Marie Mansuym, sur Causeur.fr, mars 2020

[ témoignage ] [ grippe espagnole ] [ coronavirus ]

 

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nature

Le rôle écologique des espèces rares est unique
De nombreuses espèces rares jouent un rôle écologique unique, et sont, de ce fait, irremplaçables, même dans les écosystèmes les plus diversifiés de la planète. C'est ce que vient de montrer une équipe internationale menée par des chercheurs du CNRS, de l'Université Montpellier 2, de l'INRA, de l'EPHE et de l'IRD. À partir de données issues de trois écosystèmes très différents (récifs coralliens, prairies alpines et forêts tropicales), les scientifiques ont découvert que les fonctions écologiques uniques (comme une résilience exceptionnelle au feu et à la sécheresse) sont majoritairement portées par les espèces rares et sont donc particulièrement vulnérables à l'érosion de la biodiversité. Ces fonctions pourraient s'avérer cruciales pour le fonctionnement des écosystèmes en cas de changements environnementaux majeurs. Publiés le 28 mai 2013 dans la revue Plos Biology, ces travaux montrent que la sauvegarde de la biodiversité dans son ensemble est capitale pour la résilience et la survie des écosystèmes.
Les milieux où la biodiversité est élevée sont caractérisés par un grand nombre d'espèces rares, c'est-à-dire qui présentent une faible abondance locale ou une aire de distribution limitée. Leur importance fonctionnelle est souvent perçue comme secondaire: elles sont considérées comme ayant une influence mineure sur le fonctionnement des écosystèmes et comme n'offrant qu'une "assurance" écologique en cas de disparition d'espèces plus communes. Les travaux publiés dans Plos Biology viennent réfuter cette idée.
Les chercheurs se sont intéressés aux traits fonctionnels d'un très grand nombre d'espèces d'animaux et de plantes. Ces traits permettent, en écologie, de décrire une espèce: est-ce un animal carnivore ou herbivore, diurne ou nocturne, fouisseur ou volant ? Est-ce une plante résistante ou non à la sécheresse, cherchant ou pas la lumière directe, préférant les sols acides ou basiques ? L'ensemble des traits fonctionnels d'une espèce sous-tendent sa fonction écologique.
Les scientifiques ont ensuite testé l'hypothèse selon laquelle les espèces rares assureraient des fonctions originales dans les écosystèmes. Pour cela, ils ont croisé les informations biologiques et biogéographiques de 846 espèces de poissons de récifs coralliens, 2 979 espèces de plantes alpines et 662 espèces d'arbres tropicaux originaires de Guyane. Leur hypothèse s'est révélée juste: les espèces qui présentent des combinaisons exceptionnelles de traits fonctionnels et qui, par conséquent, jouent un rôle écologique unique, sont majoritairement des espèces rares.
Trois exemples permettent d'illustrer leurs résultats: la murène géante javanaise (Gymnothorax javanicus) se nourrit la nuit de poissons et invertébrés cachés dans les labyrinthes coralliens. Elle permet ainsi l'élimination de proies, souvent fragilisées, inaccessibles aux autres prédateurs. Le saxifrage pyramidal (Saxifraga cotyledon), une plante alpine, constitue quant à lui une ressource unique pour les pollinisateurs des parois rocheuses. La sapotacée Pouteria maxima, arbre massif de la forêt tropicale de Guyane, présente une exceptionnelle résilience au feu et à la sécheresse, ce qui permet la recolonisation par la forêt d'espaces dévastés par le feu. Ces espèces rares n'ont que peu d'équivalents fonctionnels dans leurs écosystèmes respectifs.
Portées par des espèces vulnérables, les fonctions uniques pourraient disparaître alors qu'elles peuvent s'avérer importantes pour le fonctionnement des écosystèmes en cas de changements environnementaux majeurs et déterminer leur résistance aux perturbations. Ainsi, ce travail souligne l'importance de la conservation des espèces rares et la nécessité de mener de nouvelles expérimentations permettant de tester explicitement l'influence de la rareté sur les processus écologiques.

Auteur: http://www.techno-science.net

Info: 30 mai 2013

[ survie ] [ harmonie ] [ sciences ] [ niches ]

 

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microbiote

Le plus grand écosystème microbien du monde découvert sous la croûte terrestre
Des millions d’espèces microbiennes ont été découvertes par un conglomérat de 1 200 scientifiques, composé de géologues, de chimistes, de physiciens et de microbiologistes originaires de 52 pays. Leurs travaux ont été publiés lundi 10 décembre à l’occasion du sommet américain de géophysique à Washington. Pendant 10 ans, ils ont réalisé des centaines de forages, parfois à 5 kilomètres de profondeur sous la croûte terrestre et sous la mer. Ils y ont découvert un monde insoupçonné qui comprend des membres des trois domaines biologiques : les bactéries, les archées et les eucaryotes. Cette découverte vient questionner nos certitudes sur la formation de la vie sur Terre et ailleurs.

Une population aussi diversifiée que celle d'Amazonie
Nous sommes près de 7 milliards d’êtres humains mais nous ne représentons qu’une toute petite partie de la vie sur Terre. L’écosystème découvert par les scientifiques atteint un volume de près de deux fois celui de nos océans et un poids équivalent à une vingtaine de milliards de tonnes, soit beaucoup plus que le poids total de l’humanité. Sa diversité est comparable à celle de l’Amazonie. Ces millions de microbes "vivent partout dans les sédiments" explique Fumio Inagaki de l'agence japonaise pour les sciences marines et de la terre. "Ce sont de nouvelles branches dans l'arbre de la vie qui existent sur Terre depuis des milliards d'années, sans qu’on ne les ait jamais remarquées" ajoute Karen Lloyd de l'université du Tennessee. Une grande partie de la vie se trouverait donc à l'intérieur de la Terre plutôt qu'à sa surface et ces microbes "souterrains" représentent, selon les scientifiques, 70 % de la totalité de ces populations.

Un monde à part
Une telle découverte est souvent accompagnée de son lot d’énigmes et cette biosphère remet en cause de nombreuses certitudes que nous avons sur la vie. Ces microbes sont en effet très différents de leurs cousins vivant en surface. Ils vivent dans des milieux extrêmes très sombres et très chauds. "Leur source d'énergie n'est pas le Soleil et la photosynthèse. Ici, ce qui fait démarrer leurs communautés, c'est la chimiosynthèse. Ils tirent leur énergie des roches qui s'altèrent" explique Bénédicte Menez, responsable de l'équipe géomicrobiologie à l'Institut de Physique du Globe de Paris.

Leur rapport au temps est également différent. Alors qu’à la surface, nous dépendons de cycles relativement rapides, réglés sur le Soleil et sur la Lune, ces organismes souterrains font partie de cycles lents à l'échelles des temps géologiques, et ne dépendent pas de notre étoile. Certaines espèces vivent en effet depuis des milliers d’années et sont à peine en mouvement, excepté en cas de déplacement des plaques tectoniques ou d’éruptions. Les scientifiques ne comprennent pas leur mécanisme de survie à long terme : "Ils sont là et attendent…" conclut un scientifique.

La découverte de cette biosphère pose la question même de l'origine de la vie sur Terre : la vie a-t-elle commencé dans les profondeurs de la Terre pour ensuite migrer vers le Soleil, ou a-t-elle commencé à la surface pour ensuite migrer vers le bas ? Et comment ces microbes survivent-ils au manque de nutriments et aux conditions extrêmes ? Pour Robert Hazen, minéralogiste à la Carnegie Institution for Science, si "la vie sur Terre peut être si différente de ce à quoi nous sommes habitués, quelle étrangeté pourrait nous attendre en cherchant la vie dans d'autres mondes ?"

Auteur: Internet

Info: https://www.nationalgeographic.fr, trad Arnaud Sacleux , nov 2019

[ énigme ]

 

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hallucination

De toute façon, il pensait lentement, les mots lui coûtaient un effort, il n’en avait jamais assez, et parfois, lorsqu’il parlait avec quelqu’un, il arrivait que son interlocuteur, tout à coup, le regardât avec étonnement, ne comprenant pas tout ce qu’il pouvait y avoir dans un seul mot, quand Moosbrugger lentement l’extrayait. Il enviait tous les hommes qui avaient appris dès leur jeunesse à parler facilement ; lui, comme par dérision, les mots lui collaient au palais comme de la gomme juste au moment où il en avait le plus urgent besoin ; alors, il se passait parfois un temps interminable jusqu’à ce qu’il réussît à dégager une syllabe, et repartît. […]

La conscience que sa langue, ou quelque chose de plus profond encore en lui, était paralysé comme par de la colle, lui donnait un sentiment d’insécurité pitoyable qu’il lui fallait pendant des jours s’efforcer de dissimuler. Alors apparaissait soudain une subtile, on pourrait presque dire même une silencieuse frontière. Tout d’un coup, un souffle glacé était là. Ou bien, tout près de lui, dans l’air, une grosse boule émergeait et s’enfonçait dans sa poitrine. Dans le même moment, il sentait quelque chose sur lui, dans ses yeux, sur ses lèvres, ou bien dans les muscles faciaux ; il y avait comme une disparition, un noircissement de tout ce qui l’entourait, et tandis que les maisons se posaient sur les arbres, un ou deux chats, peut-être, se sauvant à toute vitesse, bondissaient hors du taillis. Cela ne durait qu’une seconde, puis tout était de nouveau comme avant. […]

Ces périodes étaient tout entières sens ! Elles duraient parfois quelques minutes, parfois elles s’étendaient sur toute une journée, parfois encore elles se prolongeaient en d’autres, semblables, qui pouvaient durer des mois. Pour commencer par ces dernières, parce qu’elles sont les plus simples, […] c’étaient des périodes où il entendait des voix, de la musique, ou bien des souffles, des bourdonnements, des sifflements aussi, des cliquetis, ou encore des coups de feu, de tonnerre, des rires, des appels, des paroles, des murmures. Cela lui venait de partout ; c’était logé dans les cloisons, dans l’air, dans les habits et dans son corps même. Il avait l’impression qu’il portait cela dans son corps tant que cela restait muet ; mais dès que cela éclatait, cela se cachait dans les environs, quoique jamais très loin de lui. Quand il travaillait, les voix protestaient contre lui, le plus souvent avec des mots détachés ou de courtes phrases, elles l’injuriaient, le critiquaient, et quand il pensait à quelque chose, elles l’exprimaient avant qu’il en ait eu le temps, ou disaient malignement le contraire de ce qu’il voulait. Que cela suffît à le faire juger malade, Moosbrugger ne pouvaient qu’en rire ; lui-même ne traitait pas ces voix et ces visions autrement que si ç’avait été des singes. Cela le distrayait de les entendre et de les voir se démener ; c’était incomparablement plus beau que les pensées pesantes et tenaces qu’il avait lui-même, mais quand elles le gênaient trop, il se mettait en colère, finalement c’était assez naturel. [...]

Il lui était arrivé dans sa vie de dire à une fille : "Votre bouche est une rose !" mais tout à coup le mot se défaisait aux coutures, et quelque chose de très pénible se produisait : le visage devenait gris comme la terre que couvre le brouillard, et devant lui, sur une longue tige, une rose se dressait ; affreusement grande alors était la tentation de prendre un couteau, de la couper ou de la frapper pour qu’elle rentrât de nouveau dans le visage. 

Auteur: Musil Robert

Info: Dans "L'homme sans qualités", tome 1, trad. Philippe Jaccottet, éditions du Seuil, 1957, pages 372-375

[ point de vue intérieur ] [ cristallisation signifiante ] [ décompensation psychotique ]

 

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ADN

Elles ressemblent aux personnages de la bande dessinée Marvel Hulk, dont le corps réagit au stress en augmentant de taille. Avec leur énorme tête oblongue et de redoutables mandibules géantes, ce sont des fourmis super soldates du genre hyper diversifié Pheidole. Normalement, elles n'existent naturellement que dans certaines régions limitées géographiquement. Or, de concert avec des collègues, le professeur de biologie Ehab Abouheif de l'Université McGill de Montréal a repéré, dans des régions inattendues, des fourmis qui sont en fait des anomalies biologiques dotées de caractéristiques analogues à celles de super soldats. Qui plus est, les chercheurs ont découvert qu'ils peuvent induire des fourmis super soldates chez des espèces de Pheidole n'en ayant jamais compté.
Les anomalies de super soldates représentent un potentiel ancestral latent pouvant être actualisé par des changements dans l'environnement. Elles représentent une source de matériel génétique brut que la sélection naturelle peut exploiter. Cette conclusion, publiée dans la plus récente édition de Science, est une avancée importante dans notre compréhension des processus évolutifs.
"Des oiseaux munis de dents, des serpents dotés de doigts et des humains poilus comme des singes - voilà des traits ancestraux qui se manifestent régulièrement dans la nature", explique le professeur Abouheif. "Pendant très longtemps, les théoriciens de l'évolution ont cru que ces traits ne menaient nulle part, qu'ils étaient de simples ratés du système de développement révélant des vestiges du passé, à l'image de figurants du cirque Barnum & Bailey de l'évolution. En fait, il s'agit d'une source négligée de variation de l'évolution."
Les colonies de fourmis Pheidole (à grosse tête) comptent des millions d'ouvrières, notamment des ouvrières mineures et des soldates. En règle générale, le menu alimentaire des fourmis module certaines hormones chez les larves pour qu'elles deviennent soit des soldates, soit des ouvrières mineures. Après avoir repéré inopinément des anomalies analogues à celles de super soldats chez des espèces de Pheidole de Long Island, où on ne les observe pas généralement, le professeur Abouheif et son équipe ont su qu'il s'agissait d'un phénomène inhabituel. "J'y collectionne des échantillons depuis près de 15 ans. En voyant ces fourmis, je les ai trouvées monstrueuses! Elles ressemblent à celles qui sont produites naturellement dans le Sud-ouest américain", de dire le professeur Abouheif.
Dirigés par le doctorant Rajee Rajakumar, des chercheurs du laboratoire du professeur Abouheif et des collaborateurs de l'Université d'Arizona ont alors entrepris d'induire la production artificielle de ces super soldates. Pour ce faire, ils ont appliqué une hormone juvénile aux larves à des étapes cruciales de leur développement. Le succès a été instantané. Ils ont réussi à produire des sous-castes de super soldates dans au moins trois espèces du genre, où l'on n'en a jamais observé avant - des espèces très éloignées dans l'arbre de l'évolution de la colonie Pheidole.
Selon le professeur Abouheif, ces travaux ont une portée considérable pour la théorie de l'évolution, car ils montrent l'existence d'un potentiel génétique à l'état latent verrouillé depuis très longtemps. "Les agents stressants environnementaux qui activent ce potentiel latent sont toujours présents - si bien qu'en cas de besoin, la sélection naturelle peut en éveiller le potentiel et l'actualiser", précise le professeur. "Le corollaire est que nous attestons l'importance du stress environnemental pour l'évolution, car il peut faciliter le développement de phénotypes novateurs. Toute discordance entre l'environnement normal de l'organisme et son potentiel génétique peut être libéré - même si cela prend 30 ou 65millions d'années."
Ces travaux ont étés financés par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, la Chaire de Recherche du Canada en évolution et développement, la Fondation nationale des sciences des États-Unis et une bourse de recherche de l'Institut Konrad Lorenz.

Auteur: Internet

Info:

[ potentiel ] [ sciences ]

 

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fable zen

Dans la fourmillière d'un vaste monastère, il y avait un vieux moine discret, humble, un sans-grade, un obscur parmi les obscurs, un rien farfelu. Ses confrères le tenait pour un ignare, doublé d'un illuminé dans le sens commun, et non boudhiste, de simple d'esprit. Il faut dire que malgré toutes les années passées à l'ombre des murs du monastère, il ne brillait pas par son érudition. Le vétéran boudait en effet la lecture des textes sacrés et, à la belle saison, passait le plus clair de son temps au bord d'un étang constellé de lotus, bercé par le murmure du vent, la psalmodie des insectes et le chant des oiseaux. Il y méditait distraitement assis sur un rocher, sous le monumental parasol d'un vieil arbre.

Par un bel après-midi d'été inondé de soleil, un groupe de jeunes moines partit faire le tour de l'étang. C'est alors qu'ils purent observer avec stupéfaction, la manière fort découssue que l'ancien avait de méditer. Il ne se passait pas cinq minutes sans qu'il se penche pour troubler le miroir liquide avec une brindille. Il allait même parfois jusqu'à se lever pour faire quelques pas une branche à la main, avec laquelle il tirait une feuille d'arbre hors de l'eau. Son curieux manège fit rire ses cadets qui entreprirent de lui donner une leçon sur la méditation.

- Ne serait-il pas préférable de vous recueillir les yeux fermés afin de ne pas être distrait par le spectacle du monde ?

- Comment espérer atteindre une haute réalisation spirituelle si vous bougez sans cesse ? Vous ne pouvez pas stabiliser votre esprit ni laisser le prana circuler harmonieusement dans les canaux subtils.

- C'est vrai, prenez exemple sur le Boudha qui a obtenu l'Éveil suprême en demeurant immobile sous l'arbre de l'illumination.

Le vieux moine s'inclina pour les remercier de leurs conseils et, tout en leur montrant un insecte qu'il venait de repêcher avec une brindille, il leur dit, un sourire désarmant aux lèvres :

- Vous avez sans doute raison, mes jeunes frères. Mais comment pourrai-je méditer sereinement s'il y a autour de moi des êtres vivants en train de se noyer ?

La bande des cadets resta interloquée. Il y eut un long silence puis l'un d'eux, rompu aux joutes métaphysiques et voulant à tout prix sauver la face, répliqua :

- Vous devriez vous retirer dans une grotte pour vous consacrer à votre propre salut. Ne vous souciez pas trop du destin des autres. Laissez faire l'ordre naturel du monde. Chacun récolte le résultat de ses actes antérieurs. Telle est la loi du karma.

Et, sur ces paroles sentencieuses, les donneurs de leçons se drapèrent dans leurs toges monastiques et s'éloignèrent. Ils gagnèrent une passerelle qui enjambait l'étang. C'est alors qu'au beau milieu de la traversée, l'un d'eux glissa sur une planche moussue et tomba à l'eau. Le malheureux, qui n'était autre que le discoureur karmique, pataugeait parmi les nénuphars, visiblement en train de se noyer. L'étang était profond à cet endroit. Ce fut l'affolement général, aucun moine ne savait nager.

Le vieil original, son infatigable sourire aux lèvres, se leva d'un bond, prit une branche et, comme elle n'était pas assez longue, il se mit à marcher sur l'eau. Sous le regard médusé des jeunes moines, il crocheta le candidat à la noyade et le tira jusq'à la berge sans même mouiller les pans de sa robe rapiécée.

L'histoire miraculeuse fit le tour du monastère. On tenait désormais le vieux pour un saint, un bodhisattiva caché, un Boudha vivant. Il en prit ombrage car il ne supportait pas d'être un objet de dévotion. Il gagna une autre province où il se cacha dans la fourmillière d'un vaste monastère.

Auteur: Anonyme Tibet

Info: Au bord d'un étang - Conte tibétain. In Contes des sages du Tibet de Pascal Fauliot

[ discrète existence ]

 
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dieux ouraniens

Les légendes nordiques désignent les Ases comme les "enfants d’Odin", le Très Haut et Père de tous les dieux et demi-dieux, ce qui est à rapprocher des "fils de Dieu", désignation attribué aux enfants de Seth et d’Hénoch par la Bible. D’après Jean-Louis Bernard, ces "dieux" recteurs et civilisateurs venus du Grand Nord et qualifiés de "géants" furent les transmetteurs d’un dépôt hyperboréen, conservé et transmis ensuite de générations en générations lors de l’Âge d’Argent par leurs descendants Atlanto-hyperboréens dans la zone d’influence atlantique et par les Veilleurs hyperboréens dénommés Ases dans la zone trans-caucasienne. Dans le même ordre d’idées, Joseph Karst faisait remarquer que, dans le terme arménien définissant les demi-dieux, Diutz-Azn, l’expression Azn ou Azean signifiait les Ases, les Arméniens, la "race ou progéniture de Dieu". Il ajoutait un peu plus loin que le terme Olympioi désignait primitivement des "génies de l’éther" et qu’ils ne furent "qu’accidentellement et secondairement localisés à la montagne ou au groupe de montagnes appelées Olympe". Pour lui ces "Dieux Olympe" avaient originellement représenté le Grand Esprit ou "Souffle animateur" des Arméniens qui est à combiner avec le nom divin Elohim chez les Cananéens, heloim correspondant comme vocable hittito-précananéen, au holym-pe pelasgique, qui équivaudrait à l’arménien hollmen, hollumn auquel il faut substituer l’ancien terme pelasgique holum-pe, "le ciel, l’ether, l’atmosphère", d’où "dérivent les Olympioi des Hellènes", ce terme étant selon lui "nettement arménoïde". Il est bien connu que les peuples nordiques vénéraient des piliers symbolisant l’axe terre-ciel qu’ils appelaient "Ases" et sur lesquels reposaient la voûte céleste, ce qui fait par ailleurs écho au mythe d’Atlas, célèbre titan de la mythologie grecque à propos duquel nous reviendrons lorsque nous aborderons l’hypothèse "atlante" et l’identification des fils d’Atlas aux Ases et aux Pélasges. Le pilier central que les anciens scandinaves plaçaient au centre de leurs habitations sous la forme d’un gros étui de bois symbolisait à lui seul les colonnes de l’univers. Cette désignation n’a rien de hasardeux lorsque l’on songe que la fonction primitive des dieux de la mythologie scandinave était d’assurer le maintien des lois cosmiques. Le terme Ases au pluriel signifie précisément "colonnes du monde", désignation qui n’est pas sans nous rappeler les Aqtabs et autres "Piliers de la Sagesse" que nous avions identifiés comme les "êtres divins", hypostases des Rois d’Edom assumant les fonctions célestes de "garde cosmique" qui seront ensuite attribuées à nos tours et dont la finalité première est d’assurer le lien entre la Terre et le Ciel. Par ailleurs, la tradition juive, lorsqu’elle mentionne les Tsadiks dans le Zohar, attribue à ces Sages cachés qui s’élèvent comme "le cèdre du Liban", le statut de "fondements du monde" et Rabbi Juda proclamait que "la Tradition enseigne que le monde repose sur sept piliers". Le cèdre du Liban est en outre "le plus haut des arbres, et tout est assis à son ombre, de même que le juste est le plus élevé de tous les hommes, et tous s’assoient sous sa protection" (...)
On retrouve par ailleurs la même idée dans la mythologie scandinave lorsqu’il est question des Ases, les "dieux-piliers" qui soutiennent le monde. Robert de Largerie suggérait qu’au Caucase aurait survécu un culte des Ases dont on raconte qu’ils furent les dieux instructeurs de l’humanité établis primitivement au nord planétaire, Ases dont le souvenir est resté gravé jusque dans les noms russes de lieux bien spécifiques de la toponymie sacrée : Azgorod, Azabad ou bien encore dans l’abdrazique, ancienne langue du Caucase attribuée aux Ases qui, selon les légendes locales, résidaient au pied de l’Elbrouz il y a fort longtemps. La tradition germano-scandinave l’atteste aussi puisque, selon la légende, les Ases gagnèrent l’Asie lorsque le froid boréal les refoula vers des contrées plus clémentes. Pierre Gordon pensait par ailleurs qu’en Asie mineure et dans le Caucase, les traditions diluviennes locales faisaient état de divers détails directement empruntés aux traditions théocratiques du paléolithique.

Auteur: Anonyme

Info: Dans "Les magiciens du nouveau siècle"

[ étymologie ] [ mythologie comparée ]

 

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exploitation forestière

Quiconque aura premier la main embesongnée

A te couper, forest, d’une dure congnée,

Qu’il puisse s’enferrer de son propre baston,

Et sente en l’estomac la faim d’Erisichton,

Qui coupa de Cerés le Chesne venerable

Et qui gourmand de tout, de tout insatiable,

Les bœufs et les moutons de sa mère esgorgea,

Puis pressé de la faim, soy-mesme se mangea :

Ainsi puisse engloutir ses rentes et sa terre,

Et se devore après par les dents de la guerre.



Qu’il puisse pour vanger le sang de nos forests,

Toujours nouveaux emprunts sur nouveaux interests

Devoir à l’usurier, et qu’en fin il consomme

Tout son bien à payer la principale somme.



Que toujours sans repos ne face en son cerveau

Que tramer pour neant quelque dessein nouveau,

Porté d’impatience et de fureur diverse,

Et de mauvais conseil qui les hommes renverse.



Escoute, Bucheron (arreste un peu le bras)

Ce ne sont pas des bois que tu jettes à bas,

Ne vois-tu pas le sang lequel degoute à force

Des Nymphes qui vivoyent dessous la dure escorce ?

Sacrilege meurdrier, si on pend un voleur

Pour piller un butin de bien peu de valeur,

Combien de feux, de fers, de morts, et de detresses

Merites-tu, meschant, pour tuer des Déesses ?



Forest, haute maison des oiseaux bocagers,

Plus le Cerf solitaire et les Chevreuls legers

e paistront sous ton ombre, et ta verte crinière

Plus le Soleil d’Esté ne rompra la lumière.

Plus l’amoureux Pasteur sur un tronq adossé,

Enflant son Flageolet à quatre trous persé,

Son mastin à ses pieds, à son flanc la houlette,

Ne dira plus l’ardeur de sa belle Janette :

Tout devienda muet : Echo sera sans voix :

Tu deviendras campagne, et en lieu de tes bois,

Dont l’ombrage incertain lentement se remue,

Tu sentiras le soc, le coutre et la charrue :

Tu perdras ton silence, et haletans d’effroy

Ny Satyres ny Pans ne viendront plus chez toy.



Adieu vielle forest, le jouet de Zephyre,

Où premier j’accorday les langues de ma lyre,

Où premier j’entendi les fleches resonner.

D’Apollon, qui me vint tout le cœur estonner :

Où premier admirant la belle Calliope,

Je devin amoureux de sa neuvaine trope

Quand sa main sur le front cent roses me jetta,

Et de son propre laict Euterpe m’allaita.



Adieu vielle forest, adieu testes sacrées,

De tableaux et de fleurs autrefois honorées,

Maintenant le desdain des passans alterez,

Qui brulez en Esté des rayons etherez,

Sans plus trouver le frais de tes douces verdures,

Accusent vos meurtriers, et leur disent injures.



Adieu Chesnes, couronne aux vaillans citoyens,

Arbres de Jupiter, germes Dodonéens,

Qui premiers aux humains donnastes à repaistre,

Peuples vrayment ingrats, qui n’ont sceu recognoitre

Les biens receus de vous, peuples vraiment grossiers,

De massacrer ainsi nos peres nourriciers.



Que l’homme est malheureux qui au monde se fie !

Ô Dieux, que véritable est la Philosophie,

Qui dit que toute chose à la fin perira,

Et qu’en changeant de forme une autre vestira :

De Tempé la vallée un jour sera montagne,

Et la cyme d’Athos une large campagne,

Neptune quelque fois de blé sera couvert.

La matière demeure, et la forme se perd.

Auteur: Ronsard Pierre de

Info: Élégie contre les bûcherons de la forêt de Gâtine

[ destruction ] [ nature ] [ souvenirs ] [ mythes ] [ impermanence ] [ culture ] [ matière désymbolisée ] [ point de non-retour ]

 
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Ajouté à la BD par Coli Masson

grand nord

J’aurais préféré partir seul et couper tout de suite tout lien avec le monde. Deux cent kilomètres, c’est une longue distance à parcourir avec des cochers, à supporter leurs quintes de toux, leurs tentatives de conversation et leurs silences. Je serais bien parti pour Kaltio à bicyclette si Uggelvik n’avait pas jugé l’idée totalement insensée.

" On ne joue pas avec l’hiver, quoi qu’il se soit passé chez vous ", a-t-il déclaré.

C’est pourquoi je sais que j’ai l’air de ce que je suis : un fuyard pour qui presque plus rien n’a plus d’importance.

Au chaud sous la couverture du traîneau, je regarde le paysage recouvert de neige jusqu’à hauteur de cheville. Finis les fermes prospères, les champs et les lisières de forêt grignotées par les bûcherons. D’immenses espaces s’étendent derrière les arbres. Je les ai d’abord pris pour des cultures, mais il y pousse des pins rabougris et des arbrisseaux recroquevillés dans le froid. Au printemps, quand les canards, les grues cendrées et les pluviers reviendront, elles résonneront de l’incommensurable registre du désir de vivre. Je ne supporterais pas non plus, alors, de me trouver là.

Nous faisons halte, et le silence me bouche les oreilles. L’air écrasé par les nuages de neige avale les sons, j’ai du mal à entendre les rares paroles du cocher, bien que nous soyons assis face à face. Je pense plusieurs fois être devenu sourd, jusqu’à ce qu’il se racle la gorge ou que des étincelles jaillissent du feu de camp. J’avale à grandes gorgées l’amer café bouilli. Aurais-je le temps de faire la sieste ? Mais le cocher se lève bientôt, rince sa tasse dans la neige et va vérifier le harnais du cheval. Les partis métalliques cliquettent.

" Regardez ", dit-il.

Je termine mon café et obéis à l’injonction. Une souche grise se dresse dans la tourbière.

" Il y a un étang, là-bas. Poissonneux. "

Afin de secouer ma torpeur, je vais voir. Le gel a solidifié la tourbière, mais l’eau qui sort des mousses colore de noir l’empreinte de mes pas. Je m’arrête devant la souche. Derrière s’étend en effet un petit lac, un ovale où la neige est moins haute qu’alentour. La pointe du vieil arbre mort brisé à hauteur de poitrine a été sculptée en forme de nageoire. La surface est craquelée de rides verticales. Le bois est chaud et glissant.

Je retourne au traîneau où le cocher a déjà pris sa place. Je hoche le menton en direction du lac.

" Vous pouvez m’en dire plus ? "

Je me frotte les mains. Le bois y a laissé des traces huileuses.

" Non, je suis du village.

- Ce ne sont pas les habitants qui l’ont sculpté ?

- Ce n’est pas dans nos habitudes. Ce sont des Lapons.

- Le bois était bizarre, gras.

- Quelqu’un le nourrit s’en doute encore. C’est du saindoux, je pense, ils ont coutume de l’enduire. "

Je m’installe sous la couverture. Le cocher ordonne au cheval de se mettre en route. Les contours de son dos disparaissent peu à peu dans le crépuscule.

" Ca se dégage, constate-t-il par dessus son épaule. On arrivera avant la nuit à Sodankylä. "

Les nuages se déchirent et l’air fraîchit. Je tire ma chapka sur les oreilles. Une à une, les étoiles les plus hautes apparaissent, soleils sûrement déjà éteints, nous éclairant d’une lumière qui n’existe plus.

Je souffle sur mes moufles et gratte la glace de mes sourcils. Les patins du traîneau crissent, preuve que nous touchons encore terre. Le cosmos est clair et profond, paré d’argent et du vert d’une aurore boréale. Nous y flottons. Le monde entier flotte. La sculpture de bois se dresse dans les tourbières parce qu’il faut pouvoir s’appuyer sur quelque chose face à l’infini du ciel.

Auteur: Kytömäki Anni

Info: Gorge d'or

[ littérature ] [ crépuscule ] [ périple ]

 

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Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste