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déchèterie du ciel

Actuellement, sur 19 000 objets de plus de 10 centimètres répertoriés par la NASA en orbite autour de la Terre en 2009, dont 6 000 satellites, un millier seulement est toujours opérationnel. Les autres se désagrègent peu à peu, mais surtout leur orbite ne saurait rester stable, soumis qu’ils sont à tous les effets gravitationnels du système Terre-Lune, sans oublier l’effet YORP qui les affecte autant sinon plus que les petits astéroïdes. On sait que la plupart d’entre eux retomberont sur Terre un jour ou l’autre. A ceux-ci s’ajoutent au moins 500 000 déchets mesurant entre 1 et 10 centimètres, et des dizaines de millions de débris de moins d’un centimètre : fusées porteuses, étages de fusées et autres morceaux de satellites lâchés les uns après les autres lors de la mise en orbite. Les brimborions, boulons, morceaux d’antennes et autres, que la rentrée dans l’atmosphère consumerait avant qu’ils n’atteignent le sol, représentent un danger de collision dramatique avec les nouveaux lancements, en particulier avec les vols habités. En juillet 2010, le directeur de l’Agence spatiale européenne prévenait déjà qu’il était obligé de modifier la trajectoire de deux satellites par mois à cause de cette pollution.

Auteur: Anonyme

Info: Dans "Les magiciens du nouveau siècle", page 80

[ dangers ] [ encombrement ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

pensée-de-femme

J'ignore ce qu'il veut dire, jusqu'à ce que je sente quelque chose de chaud, humide et collant sur mes seins. Puis le doigt de Damien revient dans ma bouche et je lèche de nouveau le chocolat. Mais cette fois, il en fait autant. Sa bouche s'acharne sur mon sein enduit de chocolat. Il lèche, il suce, mon téton se raidit et mon aréole frissonne. Mon sexe se crispe aussi, brûlant et suppliant, cruellement stimulé par la cordelette avec laquelle Damien joue, tirant dessus au même rythme qu'il joue de ses lèvres sur mes seins. La cordelette glisse et frotte inlassablement, menaçant de me faire perdre la tête. Et tout aussi inlassablement, sa bouche m'agace et me taquine. Elle suce, tire et mordille délicatement, suffisamment pour que je la sente, assez pour que cette vive et suave sensation me parcoure de la tête aux pieds, jusqu'à la cordelette qui continue de me tourmenter si délicieusement.
Inlassablement, jusqu'à ce que les frissons qui me parcourent forment une vague qui me secoue tout entière.
Je me laisse emporter, ondulant des hanches pour glisser sur la cordelette tout en me concentrant sur la sensation de la bouche de Damien qui se referme sur mon sein. C'est une explosion brutale, et je pousse un cri avant de retomber, épuisée, quand l'orgasme décroît, me laissant hébétée et enivrée.

Auteur: Kenner Julie

Info: Possède-moi

[ sexe ] [ érotisme ]

 

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pensée-de-femme

Je fais aménager le sous-sol de ma maison en appartement indépendant, je le loue à une charmante personne du même âge que moi, veuve elle aussi ou divorcée, qui devient une compagne précieuse, une fidèle amie. Tel est le rêve éveillé dans lequel je me surprends sans cesse à retomber. Il arrive que le locataire soit un homme, ce qui entraîne des conséquences d'un niveau romanesque trop digne de la collection Harlequin pour les coucher par écrit, même dans ce journal intime. C'est comme si j'étais dédoublée - la Helen Reed qu'on voit du dehors, celle qui s'installe dans ses nouvelles fonctions à l'université de Gloucester, calme, efficace, consciencieuse ; et une autre Helen Reed victime de ses illusions, cinglée, désincarnée, qui mène une vie parallèle dans la tête de la première.

La tension qu'engendrent ces deux vies simultanées est presque intolérable. J'attends impatiemment l'heure d'aller me coucher, pour qu'elles entrent ensemble en repos. Le sommeil est un bonheur, mais hélas un bonheur que par définition on ne peut savourer. Il y a peut-être un instant de langueur délicieuse où on se sent décrocher, comme lors d'une anesthésie, mais ensuite on ne reprend conscience que pour savoir que c'est fini, qu'on est réveillé, probablement aux petites heures de la nuit, en proie à des tourments et à des regrets plus accablants que jamais, et il est impossible de se rappeler comment c'était de ne pas les éprouver.

Auteur: Lodge David

Info: Pensées secrètes

[ fantasmatique ] [ romanesque ] [ songes ]

 
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Ajouté à la BD par miguel

pop art

...L'efficacité des psychédéliques en matière d'art tient à leur capacité à rendre le langage sans poids, aussi fluide et éphémère que ces fameuses "lettres bulles" des années soixante. Je crois que ces psychotropes déconnectent à la fois le signifiant et le signifié de leurs prétendus référents du monde phénoménal - nous conférant simultanément un aperçu viscéral de la mécanique culturelle du langage, parallèlement à l'écrasante déduction d'une nature tumultueuse qui tourbillonne au-delà ou en deça de celui-ci.

De ma propre expérience, j'ai toujours senti que la langue était une nappe posée sur la table, jusqu'à ce qu'un serveur céleste la secoue d'un coup, la fasse flotter et la laisse retomber sur le monde dans une position différente de celle qu'elle avait avant, donnant ainsi un aperçu vertigineux de l'abîme qui sépare le monde véritable de la connaissance que nous en avons de lui.

Et c'est dans cet abîme que l'horror vacui de l'art psychédélique se déploie tel un pont incandescent. Car si c'est une chose de croire, sur base de preuves théoriques, que nous vivons dans une prison du langage, c'en est une autre de le réaliser après avoir jeté un coup d'oeil dans le vide insondable et glissant de cette Bastille en train de se démantibuler autour de nous. Pourtant, l'art psychédélique use de cette apparente occasion de perdre espoir en célébrant cette fuite du contrôle verbal par un débordement fluide qui emplit tout d'une profusion pleine de sens de rires et de lumières.

Auteur: Hickey Dave

Info: Air Guitar :  Essays on Art and Democracy. Trad Mg

[ dépassement cognitif ] [ art pictural ] [ lsd ]

 
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Ajouté à la BD par miguel

femmes-hommes

C'est en lisant un papier sur la disparition "quantique" du physicien de génie Ettore Majorana, que la notion d'unification de la bipolarité m'a frappé.

On a vraiment l'impression que la réalité "définitive", c'est à dire celle qui permettrai de conclure une fois pour toute - et donc de devenir fou - n'est préhensible que si on pouvait assembler parfaitement en une pièce notre réalité bipolaire. Même si cela n'apparaît que comme un pauvre effet d'optique, on a l'impression que dans tous les domaines il y a nécessité de ce mélange hyper raffiné et complémentaire d'agression masculine - pour effectuer des percées, combattre et avancer -, et d'empathie féminine - pour protéger, conserver et s'occuper du support matériel de la vie...

Ce qui nous fait retomber dans les poncifs : homme ciel, femme terre, homme créateur/chercheur, femme pondeuse/conservatrice, etc...

Les deux sexes, sont deux fonctions, conformations subordonnant en général nos rôles primaires de reproducteur, c'est à dire la mission sacrée qui consiste à trouver un(e) partenaire pour ce faire. On pourrait réitérer les exemples pour conforter ces lieux communs, comme par exemple le fait que les femmes n'ont "pas le temps" de consacrer leur énergie vitale à la recherche scientifique pure. Paramètre en train de changer puisque le progrès technologique et autres garderies permettent déjà un ré équilibrage de ces rôles. Mais la nature génétique fondamentale de chacun des sexes (homme déséquilibré et femme stable), permet d'en douter. Je trouve que c'est mieux comme cela.

Pour conclure en forme de pirouette, je laisse la parole à Alexandra David Neel via sa citation : "Intellectuel n'est pas toujours synonyme d'intelligent". Précisant que Majorana était un mâle.

Auteur: Mg

Info: 6 octobre 2013

[ sciences ] [ mâle-femelle ] [ indéterminisme ] [ dualité ]

 

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occultisme

Le genre humain a longtemps eu peur de retomber en inceste comme on retombe en enfance : pour éviter ce danger, il a mis en place toutes sortes d’obligations et de rituels (à commencer par le lien conjugal dont le principal bénéfice est de constituer un renoncement catégorique à l’attachement premier du sujet pour son géniteur de sexe opposé), il s’est abrité sous le parapluie de la transcendance et sous le nom de Dieu (lequel n’est pas un homme, comme on voudrait le faire croire dans le Da Vinci Code, mais un nom dont l’ "illisibilité" rend insaisissable la réalité divine, donc garantit l’illusion du monde et le monde en tant qu’illusion). L’humanité ne veut plus respecter la règle du jeu. Mais elle ne peut encore se le dire ainsi parce qu’elle ne veut pas prendre la mesure de l’entropie concrète à laquelle elle aspire. Il faut qu’elle se cache son dessein ultime. Même pour ceux qui l’entreprennent de gaieté de cœur, le grand voyage de retour vers l’animalité ne va pas de soi, il faut donc qu’on leur dissimule habilement la vérité de leur désir en leur faisant croire qu’ils sont en guerre contre des forces maléfiques (l’Eglise, le Dieu-Père, etc.) qui ont juré leur perte. Pour que la véritable révélation ne soit jamais proférée, il faut la remplacer par une infinité de pseudo-révélations bien combinées : d’où ce fatras de cryptogrammes, dans le Da Vinci Code, toute cette accumulation de symbologie, d’anagrammes, de cloîtres, de cryptes et de meurtres qui ne servent qu’à transfigurer en jeu de piste initiatique une volonté générale de sortir du jeu humain, ou de l’humanité en tant que jeu, c’est-à-dire en tant qu’artifice et convention opposés à la nature maternelle (les Grandes Déesses, le Féminin sacré) désormais considérée comme unique promesse de bonheur.

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Exorcismes spirituels, tome 4", Les Belles Lettres, Paris, 2010, pages 1498-1499

[ retour en enfance ] [ fantasmes de fusion ] [ abolition de la castration ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

intégration durable

Dans Psychologie et Alchimie, Jung parle d’un homme qui avait rêvé qu’une femme inconnue, l’anima, adorait le soleil. Cela signifie que tout le génie spirituel de cet homme était encore dans l’inconscient, encore en relation avec le niveau animal. De telles personnes peuvent faire de grandes découvertes, mais seulement parce que celles-ci émergent de l’inconscient. Elles n’ont pas travaillé à découvrir ces choses par elles-mêmes, elles leur sont simplement venues à l’esprit. Un élément neuf qui n’a pas été consciemment acquis peut facilement se perdre à nouveau. C’est un simple don de l’anima qui est susceptible de retomber dans l’inconscient. (…)
Cela me fait penser à la situation de ces personnes qui ayant des expériences extrêmement fortes pendant leur analyse, ont ensuite les plus grandes difficultés à les amener dans leur vie. Elles demandent : "Alors, que vais-je faire maintenant ?" Mais l’expérience intérieure s’est évanouie. On peut faire une merveilleuse analyse sans que rien ne bouge dans le champ du conscient. C’est comme de prendre un bain : on se sent propre, mais rien n’a réellement changé.
L’expression technique pour désigner cela en mythologie est "la difficulté du retour". Le héros est sorti vainqueur de grandes épreuves, il a tué le dragon, etc., mais sur le chemin du retour, il s’endort et tout est perdu à nouveau ; ou bien le trésor lui est volé comme dans l’épopée de Gilgamesh à qui un serpent dérobe l’élixir de vie pendant qu’il se baigne dans un étang. Il semble que réussir la transition du retour, se reconnecter à la vie extérieure, soit un aussi grand exploit que de se confronter, comme on l’a fait avant, avec l’inconscient. Si ce retour ne s’accomplit pas bien, tout ce qui s’est passé est comme une soûlerie : on se réveille avec une gueule de bois, et puis, quelque temps après, tout redevient comme avant.
C’est la raison pour laquelle Jung était contre l’hypnose : les découvertes intérieures ne durent pas si elles ne sont pas faites pas à pas et vraiment consolidées dans le conscient. Les techniques rapides n’obtiennent pas de résultat durable parce que l’inconscient et le moi n’ont pas été réunis.

Auteur: Franz Marie-Louise von

Info: Dans "L'animus et l'anima dans les contes de fées"

[ processus général ] [ figures masquées ]

 
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Ajouté à la BD par Coli Masson

dernières paroles

Malheureusement, dans ce pays, nous subissons un lavage de cerveau dès notre plus jeune âge pour nous faire croire qu'en échange de notre dévouement et de nos services, le gouvernement oeuvre pour la justice pour tous (...), qu'il y a de la liberté dans ce pays, et que nous devrions être prêts à donner notre vie pour les nobles principes de nos pères fondateurs. (...) J'ai passé toute ma vie d'adulte à essayer de me sortir tout ce bordel de la tête." (...) les hommes politiques, "des voleurs et des menteurs qui ne pensent qu'à leur propre intérêt", le sauvetage des banques et des grandes entreprises "qui se sont écroulées sous le poids de leur gloutonnerie", comme General Motors, le système de santé et les compagnies d'assurances qui "tuent des dizaines de milliers de gens", ou encore les lois : "On demande une signature sur la déclaration d'impôts, mais qui peut dire qu'il comprend vraiment ce qu'il signe ? (...) Si ceci n'est pas une mesure digne d'un régime totalitaire..." (...) ... En moins de trente ans j'ai perdu plusieurs fois toutes mes économies avant de rebondir, pour retomber de nouveau. Mal conseillé par un avocat fiscaliste, j'ai fini par me retrouver "planté au milieu du désastre", poursuivi par le fisc. Après avoir monté deux sociétés de logiciels informatiques, toute deux suspendues par l'administration fiscale, en 2000 et 2004. (...) J'en ai eu plus que je ne peux supporter. Dire que les gens ne meurent plus pour leur liberté dans ce pays est un mythe (...). Je sais qu'il y a eu des victimes avant moi, qu'il y en aura d'autres après. Mais je sais aussi que si je n'ajoute pas mon corps au bilan des morts, rien ne changera" (...) "Je choisis de ne pas continuer à regarder Big Brother me désosser, je choisis de ne pas ignorer ce qu'il se passe autour de moi, je choisis de ne pas prétendre que le "business as usual" ne continuera pas, j'ai eu mon compte. Je peux juste espérer que le nombre de cadavres sera bientôt trop important pour (...) être ignoré et que les zombies américains vont se réveiller et se révolter".
Le credo communiste : de chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins ; le credo capitaliste : de chacun selon sa crédulité, à chacun selon son avidité.

Auteur: Stack Joe

Info:

[ suicide ]

 

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peinture surréaliste

À Mexico, ils se sont en quelque sorte égarés dans une exposition de peintures du bel exilé espagnol Remedios Varo : dans le tableau central d'un triptyque, intitulé "Bordando el Manto Terrestre", On pouvait voir un groupe de frêles jeunes filles aux visages en forme de coeur, avec des yeux immenses, des cheveux d'or filé, prisonnières au sommet d'une tour circulaire, et elles brodaient une sorte de tapisserie qui pendait dans le vide par les meurtrières, qui semblait vouloir désespérément combler le vide : car toutes les maisons, toutes les créatures, les vagues, les navires et toutes les forêts de la Terre étaient contenues dans cette tapisserie, et cette tapisserie, c'était le monde.  Oedipa, perverse, s'était tenue devant le tableau et avait pleuré. Personne ne l'avait remarqué ; elle portait des ombres de bulles vert foncé. Pendant un instant, elle s'était demandée si le joint autour de ses lunettes était assez serré pour permettre aux larmes de continuer à couler, de remplir tout l'espace de la lentille et de ne jamais sécher. Elle pouvait aisni porter la tristesse du moment avec elle de cette façon et, pour toujours, voir le monde réfracté au travers de ces larmes, ces larmes spécifiques, comme si des indices encore non trouvés variaient de façon importante d'un pleur à l'autre. Elle avait regardé ses pieds et avait su, grâce à un tableau, que ce sur quoi elle se tenait n'avait été tissé qu'à quelques milliers de kilomètres de là, dans sa propre tour, n'était que par un accident connu sous le nom de Mexique, et donc Pierce ne l'avait éloignée de rien, il n'y avait pas d'échappatoire. De quoi voulait-elle donc s'échapper ? Cette jeune fille si captive, qui a tout le temps de réfléchir, se rend vite compte que sa tour, sa hauteur et son architecture, sont comme son ego, accessoires : que ce qui la maintient vraiment là où elle est magique, anonyme et maléfique, projetté sur elle de l'extérieur et sans aucune raison. N'ayant aucun moyen, n'étaient la peur et la ruse féminine, pour examiner cette magie informe, pour comprendre son fonctionnement, mesurer son intensité ou compter ses lignes de force, elle risque de retomber dans la superstition, ou de s'adonner à un passe-temps utile comme la broderie, ou de devenir folle, voire épouser un disc-jockey. Si la tour est partout et que le preux chevalier de la providence ne peut rien contre sa magie, quoi d'autre ?  

Auteur: Pynchon Thomas

Info: The Crying of Lot 49, p.9, Penguin (2012).

[ sans issue ] [ réalité projetée ] [ littérature ] [ femme-par-homme ]

 
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portrait

Céline craignait les visiteurs, il vivait comme un petit rentier, derrière une vitre, dans un fauteuil, assis sur des couvertures, les pieds emmitouflés et enfoncés dans des pantoufles énormes. Il écrivait tous les jours, jusqu'à 4 heures de l'après-midi. En arrivant, on demandait si le docteur était là. Il réagissait mieux quand on l'appelait docteur. Ce qui frappait, c'était son regard. Il avait cet oeil que la photo rend mal, un oeil bleu, malin, blasé, à la paupière floue, avec des éclairs, de l'amertume, de la ruse.

Quand il se sentait observé, il lui arrivait, pendant de longs moments, de parler comme un livre. Il y avait aussi des creux, durant lesquels il continuait à émettre de façon fragmentée. Si on ne l'interrompait pas ou si on ne le relançait pas par une question, il allait seul, oubliant le micro, dressant ses grands bras pour remplacer un mot ou une phrase, pour occuper le silence, puis il les laissait retomber sur ses genoux.

En allant l'interroger, je cherchais des influences de style dans ses lectures, des modèles. La Fontaine, principalement ; Mme de Sévigné aussi : les épistoliers sont à mi-chemin entre l'oral et l'écrit. Bien sûr qu'il avait à dire sur la Sévigné ! Les deux mains s'élèvent comme deux crabes à l'envers :

"Dans la Sévigné, on sent comme un tremblement de velours..."

Les autres stylistes y passent à leur tour. Stendhal ? Un pisse-froid Proust ? Il n'avait pas beaucoup de style, il était malade. Saint-Simon ? De premier ordre, mais emmerdant à cause de ses nobles ; il y a trop de nobles, c'est la barbe.

Mais c'était lui que je cherchais. À l'audition de la bande, sans les gestes, sans rien d'autre que ce qui est enregistré, l'évocation est encore vive et drôle, mais partielle. La langue orale, par son intonation, son accentuation, son rythme, conserve encore suffisamment de traits non équivoques. Mais le texte transcrit de ce que Céline disait est illisible. Il fallait être Céline pour transcoder son propre discours.

D'abord, il y a les silences. Ce sont des tunnels, et c'est de là, je crois, qu'il faut partir. Entre les moments où Céline cesse d'émettre des sons articulés et ceux où il reprend, la signification continue. Un exemple ? À propos de Villon, il dit : "Il ramène tout d'un coup, n'est-ce pas, des mélancolies qui viennent de loin... Qui sont bien au-dessus, au fond de la nature humaine, qui n'a pas cette qualité, n'est-ce pas..." Je note par des points de suspension ce qui me semble être un silence de dérive, là où Céline change de route. Et je note par une virgule ce qui me semble être un silence de reprise, là où, tandis que le silence se déroule. Céline continue dans la même direction. Dans un cas comme dans l'autre, le silence est un trait de la syntaxe célinienne : la signification continue dessous.

Auteur: Guénot Jean

Info: De la parole à l'écriture, article dans le journal Le Monde du 15 février 1969

[ écrivains français ]

 

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