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sécularisation

Une société tout entière peut perdre complètement l’esprit de foi, le sens du surnaturel, et le remplacer par un esprit d’incrédulité. Il est bien clair que depuis deux ou trois siècles, c’est précisément ce qui se produit dans l’Occident chrétien. […] Comme tout sens, le sens du surnaturel, l’intuition originelle de la foi, est conscience d’une réalité. […] Par lui, l’humanité "sait", dans la substance même de son être, que tout ce dont parle la Révélation est possible, bien qu’en dehors de notre expérience ordinaire. Sans lui, tout le discours religieux tombe d’un seul coup du côté de l’absurde et de l’invraisemblable. Or toutes les entreprises intellectuelles de l’Occident moderne tendent à suggérer à la conscience humaine qu’il n’y a pas d’ "autre" réalité, et qu’il ne peut pas y en avoir d’autre. C’est pourquoi, lorsque la conscience chrétienne succombe à ces suggestions, elle produit l’hérésie que le pape saint Pie X a très exactement appelée : le modernisme. […] la démarche constitutive de cette hérésie, c’est d’adopter en tout le point de vue du monde moderne, lequel est entièrement défini par sa négation de la réalité surnaturelle. Nous avons montré que cette négation consiste dans la fermeture de l’œil du cœur, racine ontologique de l’acte de foi, condition ultime et première, dans l’ordre humain, de sa possibilité. Il en résulte que ce troisième type d’hérésie ne sera pas une hérésie comme les autres. Attaquant l’acte de foi à sa racine, l’hérésie moderniste produit la condition générale de toute hérésie. Ce n’est pas une hérésie déterminée, une hérésie de la foi objective ou subjective, c’est une hérésie portant sur la condition même de possibilité de toute foi, sur la signification première de toute foi (objective ou subjective), et non point hérésie religieuse, mais hérésie ontologique et même métaphysique […].

Auteur: Borella Jean

Info: Le sens du surnaturel, L'Harmattan, 1997, pages 73-74

[ naturel-surnaturel ] [ actualisation impossible ]

 

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délaissement égotique

Refusant l’obéissance à la règle et aux lois de Dieu et de l’Église, ils [les Frères du Libre Esprit] trahissent la mission la plus élevée de l’existence humaine, celle-là même pour laquelle Dieu l’a créée : ils refusent à Dieu la possibilité d’expérimenter la finitude et la relativité, et ce refus est véritablement satanique : ils rejettent la finitude et la limite que Dieu a voulues comme l’ordre même de l’existence créée. Ils croient ainsi les dépasser : illusion et tromperie qui se trompe elle-même [...]. Concluons donc que le seul dépassement possible de la finitude, pour l’être créé, c’est son acceptation. 

[...]

La solution libertaire est une impasse, puisqu’elle soumet la créature à la dictature de ses désirs, et une contradiction puisqu’elle nie la réalité relative de cette créature. Au contraire, la désappropriation de la volonté [...] réalise la liberté de la volonté et accomplit la raison d’être de l’état de créature, la justifie d’être ce qu’elle est, puisqu’elle devient alors le lieu sans lequel Dieu ne peut opérer. [...]

Ainsi, tout véritable ami de Dieu est appelé, à l’imitation de Jésus-Christ, à offrir son humanité pour qu’elle devienne le lieu de l’opération divine. C’est là le secret de l’homme déifié et l’enseignement le plus profond de la Theologia teutsch

[...]

Voilà ce que l’Anonyme Francfortois entend nous rappeler. Il nous enseigne que le oui est plus profondément libérateur que le non, que le consentement à la limite est plus grand et vient de plus haut que la révolte contre la règle et le refus de la finitude. Car d’où peut surgir, en effet, la puissance de ce consentement, sinon de l’Infini ? Seul le Plus "peut" le moins. Briser les formes, c’est perdre l’essence ; s’y soumettre est œuvre d’amour.

Auteur: Borella Jean

Info: Dans "Lumières de la théologie mystique", éditions L'Harmattan, Paris, 2015, pages 175 à 179

[ réceptivité ] [ sophisme de la liberté ] [ réfutation ]

 

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enseignement

L’homme étant donc un être doué d’intelligence rationnelle et de volonté libre – ce qui définit sa personne – toute éducation est obligée d’en tenir compte et doit nécessairement se proposer comme fin le développement de la pensée droite et l’exercice du libre arbitre.

Mais – et c’est là que surgit la difficulté majeure – comme nous venons de le montrer, le développement de l’intelligence et de la volonté ne saurait être défini d’une manière purement naturelle. […] En vertu de leur potentialité indéfinie – l’âme intellective, dit Aristote, est en puissance relativement à toute chose connaissable – il est impossible de se fonder sur les exigences potentielles de la pensée et de la volonté – et de leur conjonction dans la sensibilité et l’affectivité – pour savoir ce que l’homme doit être, puisque, d’une certaine manière, il peut être "n’importe quoi". C’est pourquoi le savoir traditionnel, qui est présentement requis, n’en appelle pas seulement aux exigences de la nature, mais aussi à celles d’une sorte de supra-naturalité (sinon d’un surnaturel au sens propre).

Autrement dit, […] on ne peut "élever" l’homme […] en se réglant sur le concept de ce qu’il doit naturellement devenir, comme on le fait pour l’apiculture ou la sériculture. Si loin qu’on poursuive l’analyse du devenir naturel de l’homme, on ne rencontre pas de détermination suffisante et décisive. Ce qui ne signifie pas qu’il n’y ait pas de nature humaine – c’est la mauvaise conclusion de Sartre – mais que cette nature ne se réalise pas intégralement par le pur développement naturel de ses virtualités – comme une graine dans le sol.

Ce développement présente donc un hiatus, une faille, une solution de continuité qui ne peut être comblée que par "en-haut", par une miséricordieuse intervention divine. 

Auteur: Borella Jean

Info: Tradition et modernité, L'Harmattan, Paris, 2023, page 119-120

[ limites ] [ grâces actuelles ] [ indétermination ]

 
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métaphysique du symbole

Elle pourrait être placée sous le signe du réalisme symbolique, terme par lequel je désignerai ce qui fait le fond de ma conviction philosophique : il y a, dans l’intelligence, un sens inné de l’être ou du réel en tant que tel – et donc aussi de ce qui n’est pas ; mais l’homme ne fait jamais que l’expérience de telle ou telle réalité. Sans cette expérience, le sens du réel ne s’éveillerait pas en moi à la conscience de soi et l’intelligence ignorerait sa propre nature ontologique. Et cependant, aucune expérience n’assouvit pleinement le désir de l’être, constitutif de la visée intellective. […] Par là est reconnu et justifié ce qu’il y a d’incontestable dans l’analyse heideggérienne : l’Etre véritablement être ne saurait être identifié à l’être singulier, à l’étant. Mais loin d’être le lieu de son oubli, l’étant est l’occasion de sa révélation. Et cette révélation est double. D’une part elle éveille l’intelligence à son essence ontotropique, ce qui signifie que l’intelligence, dans l’expérience ontique (ou expérience des étants) découvre la nature transcendante de sa propre visée ontologique, autrement dit se découvre comme sens et désir de l’Etre en tant que tel, et non seulement comme saisie de tel ou tel étant : elle aperçoit en elle, dans sa vie propre, une intention qui dépasse l’ordre naturel des étants, auquel elle n’est donc pas exclusivement ordonnée. D’autre part, l’expérience ontique est moins la saisie de l’étant lui-même, que la découverte de son insaisissabilité. Tout être objectivement réel est une objection. Ce qui est, c’est ce qui me résiste. Je fais donc l’expérience de l’être de l’étant sur le mode de ce qui, en lui, m’échappe : ce qui est en soi, c’est ce qui, de l’étant, n’est-pas-pour-moi. C’est l’expérience-limite d’un au-delà de ma visée intellective, la paradoxale rencontre avec ce qui arrête mon regard et l’exténue.

Auteur: Borella Jean

Info: Le sens du surnaturel, L'Harmattan, 1997, pages 271-272

[ naturel-surnaturel ] [ immanent-transcendant ]

 

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naturel-surnaturel

On pourrait d’ailleurs admettre que l’acte intellectuel est d’autant plus pur que l’outillage mental qu’il doit utiliser et mettre en jeu est plus simple et plus réduit. Toutefois, il faut bien constater qu’il n’y a pas, humainement, d’intelligence sans un minimum d’outillage mental, ni d’outillage mental dont l’apprentissage n’implique un minimum d’intelligence. Cet outillage mental est lui-même de l’intelligence "coagulée". C’est un produit de la tradition, il est enseigné par la culture d’une civilisation donnée, et il constitue à certains égards comme un intellect agent, sous l’action duquel l’intelligence d’un être humain est éveillée. En réponse à cet éveil, la lumière informelle de l’intellect patient se polarise sur l’objet culturel qui l’a éveillée, l’investit, s’en empare, et le transforme en concept. Le moyen grâce auquel l’intellect est éveillé à la connaissance et informé, devient en retour le moyen grâce auquel l’intellect pense et connaît. […] Si bien […] que l’intelligence, pour informelle qu’elle soit en elle-même, ne laisse pas cependant d’être formelle dans son activité pensante. Et puisque cet outillage mental lui est fourni par une culture déterminée, il porte nécessairement la marque de cette culture. Le système conceptuel d’une intelligence donnée reflète le système culturel qui lui a donné naissance. Et c’est pourquoi il n’existe pas de discours métaphysique universel, ni de possibilité d’une traduction universelle de ces discours. L’universel est rigoureusement inexprimable et supra-conceptuel.

Il reste cependant que dans son acte propre – non pas dans son activité – l’intelligence est vraiment informelle. Et donc, lorsque cette intelligence travaille et se livre à des activités ordinaires […] elle attache et polarise sur son outillage mental une lumière capable d’éclairer tout autre chose. […] C’est précisément en fonction de cette situation de notre intelligence, prisonnière de ses catégories naturelles, que se définit le mode d’action du processus de conversion par lequel elle est surnaturalisée et consacrée dans la foi.

Auteur: Borella Jean

Info: L'intelligence et la foi, L'Harmattant, Paris, 2018, pages 100-101

[ abstraire ]

 

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christianisme

L’Infini de Possibilités qu’est Dieu lui-même en tant qu’il se connaît comme archétype de toute chose possible, peut se définir, pensons-nous, comme la Conception que Dieu prend de lui-même ; Dieu se conçoit lui-même, et le fruit de cette Conception, c’est l’infinité des possibles. Et précisément parce que ces possibles sont absolument infinis, on peut dire que la Conception divine est immaculée, puisqu’elle exclut toute détermination, toute limitation, qui constituerait comme une tache, "une marque" (comme celle du cordon ombilical) impliquant l’origine d’une chose, sa dépendance et sa fermeture sur soi. […]

Telle est la signification métaphysique la plus générale de l’Immaculée Conception entendue comme Possibilité infinie.

Cette doctrine s’accorde-t-elle avec le caractère marial du dogme de l’Immaculée Conception ? Trois considérations nous paraissent incliner en ce sens. Et tout d’abord, que signifie ce privilège pour Marie, sinon qu’elle est une créature préservée, dès sa conception, du péché originel ? Et c’est là précisément la première interprétation du dogme. Or, qu’est-ce qu’une créature préservée du péché originel, sinon la créature dans toute sa pureté, c’est-à-dire parfaitement conforme à son archétype, in divinis ? Ainsi la conception immaculée de Marie réfère-t-elle à la conception immaculée que Dieu a de Marie. Mais, d’autre part, Marie nous a dit elle-même à Lourdes, non pas : ma conception est immaculée mais "Je suis l’Immaculée Conception" - littéralement Que soy era Immaculada Conception – parole irrécusable qui constitue à nos yeux l’événement théologique majeur des temps modernes. Et donc Marie n’est pas une conception immaculée possible parmi d’autres, mais la Conception Immaculée elle-même. Il faut donc admettre […], puisque Marie est une créature, qu’elle est une créature à part ; toutes les créatures ont en Dieu un être incréé, mais l’archétype incréé de Marie, c’est l’Essence divine en tant même qu’elle conçoit tous les archétypes. Marie est donc la figure humaine de la Possibilité in divinis à laquelle, et selon ses propres paroles, elle participe mystérieusement.

Auteur: Borella Jean

Info: Amour et vérité, L’Harmattan, 2011, Paris, page 295

[ explication ] [ théologie ]

 

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exotérique-ésotérique

La théôsis ou déification […] est le terme par lequel les Pères grecs désignent la réception et l’actualisation de la grâce de l’adoption filiale, conformément à l’affirmation de saint Jean, dans son Prologue : "il a donné le pouvoir de devenir fils de Dieu à ceux qui croient en son Nom". Cette grâce, rapportée au Saint-Esprit, est conférée par le baptême qui "communique la gnose divine" (Basile de Césarée, Traité du Saint-Esprit, 32, a). […] Le caractère propre de la doctrine chrétienne de la gnose déifiante, selon tous les Pères grecs, c’est qu’elle est livrée en fait à tous les baptisés. Mais son actualisation n’appartient qu’à ceux qui sont dignes du Saint-Esprit, ceux qui sont "capables de la lumière intelligible", dit Basile de Césarée. Cette situation de la gnose déifiante, dans le christianisme où elle est livrée à tous les baptisés, et qui définit le style propre de la perspective chrétienne, son "scandale" ou sa "folie", ruine la thèse de ceux qui affirment l’existence d’un christianisme ésotérique se distinguant institutionnellement d’un christianisme exotérique, et possédant ses propres moyens de grâce et ses propres rites. […] Enfin, nous ferons remarquer que nous avons parlé, pour en exclure la possibilité, d’un christianisme ésotérique, mais non pas d’un "ésotérisme" chrétien, car il existe une compréhension ésotérique du christianisme, celle de sa dimension la plus intérieure et la plus mystérieuse. Par ailleurs, il est impossible de nier l’existence historique d’un quasi ésotérisme de fait au Moyen Age. Mais il s’agit de développements particuliers compris dans la possibilité générale du christianisme et ne comportant nullement des sacrements ou des rites se superposant aux sacrements et aux rites ordinaires, comme le supérieur à l’inférieur. Si nous acceptons l’expression d’ésotérisme chrétien et refusons celle de christianisme ésotérique, c’est pour la même raison qu’on peut parler d’une métaphysique ou d’une théologie chrétiennes, alors qu’un christianisme théologique ou métaphysique n’aurait pas grand sens, car précisément le christianisme est tout ensemble ésotérique et exotérique.

Auteur: Borella Jean

Info: Amour et vérité, L’Harmattan, 2011, Paris, pages 201-202

[ universalité ] [ réfutation ] [ nuance ]

 

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philosophie antique

On voit dans Platon le responsable d’un dualisme quasi manichéen, de l’âme et du corps, conduisant au mépris de celui-ci. L’âme est de nature divine, le corps est un tombeau : en grec sôma-sèma. Il faut donc entre les deux un élément intermédiaire qui participe de l’une et de l’autre, et qui les met en communication. La "partie" qui dans l’homme est tournée vers le haut et l’intelligible, c’est l’intellect (noûs) ; la "partie" tournée vers le bas et le corporel, c’est le concupiscible (épithumètikon), objet du désir (épithumia) ; la "partie" intermédiaire, c’est l’irascible (thumoéidès) dont le siège est le thumos, le cœur noble. Quoique de nature différente, ces trois "parties" forment cependant, dans l’homme, un seul tout. […]

Loin d’être un mal par nature, le corps, chez Platon, peut appartenir aussi aux dieux : "nous forgeons, dit-il, sans en avoir ni expérience ni intellection suffisante, une idée d’un être divin : un vivant immortel qui possède une âme, qui possède un corps, mais tous deux naturellement unis pour une éternelle durée" [Phèdre, 246d]. Aucune malédiction ne pèse donc sur le corps. Mais la possibilité du mal réside, pour l’homme, dans l’âme elle-même, dans la mesure où le monde extérieur, par la présentation sensible qu’en opère le médium corporel, peut devenir pour l’âme objet de convoitise. […] Le corps, pour l’âme désirante, c’est la possibilité d’une ouverture vers la multiplicité indéfinie et dispersante ; il est cela, non en soi, mais parce qu’il offre à l’âme l’occasion d’actualiser le "vertige" qui est en elle.

Comme nous l’avons déjà noté, l’opposition de l’âme et du corps a donc, chez Platon, une signification essentiellement "alchimique" et spirituelle, encore que cette "séparation" ne soit elle-même qu’une phase de cette alchimie. L’autre phase est celle de l’unification des parties de l’âme par hiérarchisation : l’âme concupiscible se soumet à l’âme irascible qui se soumet elle-même à l’âme intellective ou noétique, laquelle ne réalise sa véritable nature qu’en accédant à la "vision béatifique".

Auteur: Borella Jean

Info: Amour et vérité, L’Harmattan, 2011, Paris, pages 151 à 153

[ doctrine ] [ triade ] [ résumé ]

 

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éloignement principiel

La métaphysique est d’abord gnose opérative, c’est-à-dire qu’en vertu de l’unité de l’être adamique, tout acte de connaissance est, inséparablement, un acte de son être tout entier, toute noèse est une ontonoèse. Il est ce qu’il connaît et il connaît ce qu’il est. La perte de cette unité paradisiaque entraîne le caractère séparatif de l’intellection. L’intelligence conserve la connaissance de la vérité, mais, n’étant plus unie aux autres puissances de l’être – dont elle est elle-même l’unité – cette connaissance se trouve "séparée", abstraite ; elle existe dans une sorte d’autonomie ontologiquement solitaire. […] La gnose opérative devient simplement théorie, et l’expression de cette gnose, le langage doctrinal – ou l’ordre symbolique – cessant lui aussi d’être opératif, acquiert à son tour une sorte de consistance propre : le symbole n’est plus une pure transparence, il existe pour lui-même, opposant sa propre opacité à la parfaite réalisation de sa fonction médiatrice et unitive.

Toutefois, à cette étape qui est celle du triomphe de la langue, l’unité – et donc l’universalité – de la pensée métaphysique est encore effective. Il n’en va plus de même après la division babélienne. La gnose théorique, hantée par le désir de retrouver la puissance opérative qu’elle a perdue, veut utiliser sa propre consistance pour reconquérir son pouvoir sur la réalité. Ce faisant, elle n’aboutit qu’à renforcer et à opacifier cette consistance. […]

On aboutit alors à la troisième étape, qui est celle que nous connaissons présentement. Dans cette étape, les langages doctrinaux sont à peu près irrémédiablement diversifiés. Ils indiquent tous un langage universel perdu et inlassablement recherché, dont chacun a gardé quelques éléments, autour desquels il a reconstitué une unité synthétique particulière. La tradition métaphysique n’est pas perdue. Mais elle est reflétée diversement par la multitude des fragments de l’unique miroir éclaté que sont les diverses cultures humaines. Et disons qu’il n’est pas jusqu’aux plus modernes constructions philosophiques qui ne continuent de refléter, si éloignées en soient-elles, l’antique lumière émanée de la Révélation primordiale.

Auteur: Borella Jean

Info: L'intelligence et la foi, L'Harmattant, Paris, 2018, pages 39-40

[ solidification ] [ chute ]

 

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théologie-philosophie

Or, si Dieu a créé l’intelligence de telle sorte qu’elle ne peut réaliser la perfection de sa nature qu’en accédant à la connaissance de l’Etre parfait, puisque Dieu ne fait rien en vain, il s’ensuit que l’union à Dieu semble due à l’intellect en vertu même de sa nature […].

Il n’y a donc pas de finalité purement naturelle pour l’homme qui n’accomplit sa nature que dans la surnature. La destinée de l’homme est naturellement surnaturelle. Mais alors, si l’on admet ces conclusions, ne risque-t-on pas de ruiner la gratuité de la grâce et de la soumettre à la nécessité de la nature ? C’est ce que l’encyclique Humanis generis (1950) entendait expressément condamner […]. […]

Il nous semble cependant que la crainte de voir la thèse d’un désir naturel du surnaturel ruiner la gratuité de la grâce résulte d’une conception trop fortement aristotélicienne de l’ordre naturel. Il y a, chez Aristote, une certaine tendance au naturalisme, c’est-à-dire à considérer l’ensemble des êtres comme un système rigide de natures complètes en elles-mêmes, parfaitement constituées et pleinement consistantes dans leur ordre, et à estimer qu’une telle considération suffit à en épuiser le mystère. Dans une telle conception, la nature exclut de soi la surnature comme le cercle exclut de soi le carré.

Il nous semble que ce naturalisme n’est pas tout à fait chrétien, ni vraiment conforme à ce qu’enseigne la Révélation telle qu’elle nous est donnée dans l’Ancien ou le Nouveau Testament. Il n’est peut-être même pas conforme à ce qu’enseigne Aristote chez qui se faisait jour, a-t-on dit, un certain "surnaturalisme" de la forme intelligible. Quoi qu’il en soit, il nous paraît difficile d’admettre que l’ordre de la nature est par lui-même complet et autonome, qu’il s’agisse de l’homme ou de la création en général. Tout au contraire, nous croyons que ni l’homme ni le monde ne sont achevés en eux-mêmes et par eux-mêmes. Il n’y a pas d’état de "pure nature" sauf en Dieu, au degré des Idées éternelles dont le Verbe est la synthèse proto-typique.

Auteur: Borella Jean

Info: Le sens du surnaturel, L'Harmattan, 1997, pages 18-20

[ actualisation ] [ christianisme ] [ naturel-surnaturel ]

 

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