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femmes-par-homme

- Honte de devoir leur amour à ma beauté, mon écœurante beauté qui fait battre les paupières des chéries, ma méprisable beauté dont elles me cassent les oreilles depuis mes seize ans. Elles seront bien attrapées lorsque je serai vieux et la goutte au nez ou, mieux encore, sous la terre en compagnie de ses racines et de ses silencieux vermisseaux ondulants, tout vert et desséché dans ma caisse disjointe, et elles me trouveront moins succulent alors, et bien fait pour elles, et je m'en régale déjà. Ma beauté, c'est-à-dire une certaine longueur de viande, un certain poids de viande, et des osselets de bouche au complet, trente-deux, vous pourrez contrôler tout à l'heure avec un petit miroir comme chez le dentiste, à toutes fins et garanties utiles, avant le départ ivre vers la mer.

Cette longueur, ce poids et ces osselets, si je les ai, elle sera un ange, une moniale d'amour, une sainte. Mais si je ne les ai pas, malheur à moi ! Serais-je un génie de bonté et d'intelligence et l'adorerais-je, si je ne peux lui offrir que cent cinquante centimètres de viande, son âme immortelle ne marchera pas, et jamais elle ne m'aimera de toute son âme immortelle, jamais elle ne sera pour moi un ange, une héroïne prête à tous les sacrifices.

Voyez les annonces matrimoniales l'importance que ces jeunes idéalistes accordent aux centimètres du monsieur qu'elles cherchent. Eh là ! Crient ces annonces, il nous faut 170 cm de viande au moins et qu'elle soit bronzée ! Et si le malheureux ne peut proposer qu'une petite longueur, elles crachent dessus. Donc, si ne mesurant par hypothèse que ces malheureux 150 centimètres, j'essaie tout de même de lui dire mon amour le plus vrai, elle sera une pécore sans coeur, et elle toisera ma brièveté avec un air dégoûté !

Oui, madame, 35 cm de viande de moins et elle se fiche de mon âme et elle ne se mettra jamais devant ma poitrine pour me protéger des balles d'un gangster. Idem si, étant le génie susdit, je suis démuni de petits os dans la bouche ! Ces dames éprises de spiritualité tiennent aux petits os ! Elles raffolent de réalités invisibles, mais les petits bouts d'os, elles les exigent visibles ! S'écria-t-il joyeusement, une tristesse dans les yeux.

Et il leur faut beaucoup ! En tout cas, les coupeurs de devant doivent être au complet ! Si de ceux-là il en manque deux ou trois, ces Angéliques ne peuvent goûter mes qualités morales et leur âme ne marche pas ! Deux ou trois petits os de quelques millimètres moins et je suis fichu, et je reste tout seul et sans amour ! Et si j'ose lui parler d'amour elle me le lancera un verre à la figure dans l'espoir de m'éborgner ! Comment, me dira-t-elle, tu n'as pas de petits bouts d'os dans la bouche et tu as l'audace de m'aimer ? Hors d'ici, misérable, et reçois en outre ce coup de pied au derrière ! Donc ne pas être bon, ne pas être intelligent -- un ersatz suffit -- mais peser le nombre nécessaire de kilos et être muni de petits broyeurs et trancheurs !

Alors, je vous le demande, quelle importance accordée à un sentiment qui dépend d'une demi-douzaine d'osselets dont les plus longs mesurent à peine de centimètres ? Quoi, je blasphème ? Juliette aurait-elle aimé Roméo si Roméo quatre incisives manquantes, un grand trou noir au milieu ? Non ! Et pourtant il aurait eu exactement la même âme, les mêmes qualités morales ! Alors pourquoi me serinent-elles que ce qui importe c'est l'âme et les qualités morales ?

Que je suis innocent de tellement insister ! Elles savent fort bien tout cela. Tout ce qu'elles veulent, c'est qu'on n'en parle pas clairement, et qu'on fasse de faux monnayage, et qu'on dise des mots de grande distinction, mes ennemis personnels, et qu'au lieu de 180 cm et osselets on dise noble prestance et sourire séduisant ! Donc qu'on se taise et qu'on ne me méprise plus par ici et qu'on ne chuchote plus que je suis ignoble et matérialiste ! Le plus ignoble ici n'est pas celui qu'on pense !

Et rien ne leur échappe, a ces mignonnes ! À la première rencontre, tout en te parlant des Fiorreti de saint François d'Assise, elles te détaillent et te jugent. Sans en avoir air, elles ont tout repéré, y compris le nombre et la qualité des petits os de la bouche, et s'il t'en manque un ou deux tu es perdu ! Perdu, mon ami ! Par contre, si tu es dégustable, du premier coup d'oeil elles savent que tu as les yeux marron mais un peu verts avec quelques points d'or, ce dont tu ne t'es jamais douté. Des regardeuses. De premier ordre.

Et ce n'est pas tout, elles ne se contentent pas d'une inspection du visage ! Il leur faut du tout compris ! À cette première rencontre, de leur regard angélique et bleu elles t'ont déshabillé sans que tu t'en doutes et sans qu'elles s'en doutent elles-mêmes, car elles ne s'avouent pas leurs regardages. Ce déshabillage instantané, elles y ont toute recours, même les vierges. De leur coup d'œil de spécialistes, elles savent tout de suite comment tu es viandeusement sous les vêtements, si suffisamment de muscles, si poitrine large, si ventre plat, si hanches étroites et si pas de graisse. Car si tu es grassouillet, même à peine, tu es perdu ! Deux ou trois innocentes petites livres de graisse de trop sur le ventre, et tu n'es pas intéressant et elles ne veulent pas de toi !

De plus, tenaces petits juges d'instruction et ne voulant donner leur foi qu'à bon escient, elles s'arrangent au cours d'une conversation distinguée, pleine de nature de petits oiseaux, pour t'interroger sans en avoir l'air et savoir si tu es apte aux forts remuements du corps, et te faire dire si tu aimes la vie au grand air, les sports. Ainsi la femelle du petit insecte en petit empis ne lui donne sa foi que s’il fait preuve de sportivité ! Il faut que le pauvre bougre se débrouille pour porter sur son dos un petit ballon de je ne sais quoi trois fois plus gros que lui ! Authentique ! Et si elles apprennent que tu fais du cheval ou de l'alpinisme ou du ski nautique, c'est une garantie, et elles te savourent, heureuses de l'assurance que tu es bon pour le combat et l'engendrement. Mais naturellement, étant d'âme élevée, parce que de bonne bourgeoisie elles se gardent de penser bassement. Elles recouvrent avec des mots nobles, et au lieu de ventre plat et bon engendreur elles disent que tu as du charme. La noblesse est affaire de vocabulaire.

Affreux. Car cette beauté qu'elles veulent toutes, paupières battantes, cette beauté virile qui est haute taille, muscles dures et dents mordeuses, cette beauté qu'est-elle sinon témoignage de jeunesse et de santé, c'est-à-dire de force physique, c'est-à-dire de ce pouvoir de combattre et de nuire qui en est la preuve, et dont le comble, la sanction et l'ultime secrète racine est le pouvoir de tuer, l'antipathique pouvoir de l'âge de pierre, et c'est le pouvoir que cherche l'inconscient des délicieuses, croyantes et spiritualistes. D'où leur passion pour les officiers de carrière. Bref, pour qu'elles tombent en amour il faut qu'elles me sentent tueur virtuel, capable de les protéger. Quoi ? Parlez, je vous y autorise.

- Pourquoi n'allez-vous pas dire votre amour à une vieille bossue ?

- Haha, elle fait l'intelligente ! Pourquoi ? Parce que je suis un affreux mâle ! Que les velus soient carnivores, j'accepte ! Mais elles, elles en qui je crois, elles, mes pures, je n'accepte pas ! Elles, avec leurs regards, leurs nobles gestes, leurs pudeurs, elles, découvrir sans cesse qu'elles exigent de la beauté pour me donner leur amour, seul sentiment divin sur cette terre, c'est ma torture et j'en crève ! Je n'arrive pas à accepter parce que je n'arrive pas à ne pas les respecter ! Ainsi suis-je, éternellement fils de la femme. Et j'ai honte pour elles lorsqu'elles me regardent et me mesurent me soupèsent et que des yeux, oui, des yeux, elles flairent ma carapace et ces arrangements, honte lorsque je vois leurs regards soudain intéressés et sérieux, respectueux de ma viande, honte pour elles lorsque je les surprends charmées par mon sourire, ce petit morceau déjà visible de mon squelette.

D'ailleurs, admirer la beauté féminine, passe encore puisqu'elle est promesse de douceur, de sensibilité, de maternité. Toutes ces gentilles qui raffolent de soigner et qui courent, le feu aux jupes, être infirmières pendant les guerres, c'est touchant, et j'ai le droit moral d'aimer cette sorte de viande-la. Mais elles, cet attrait horrible qu'elles ont pour la beauté masculine qui est annonce de force physique, de courage, d'agressivité, bref de vertus animales ! Donc elles sont impardonnables !

Oui, je sais, pitoyable séduction. Absurdes, mes développements sur la convenance physique et le pouvoir de tuer, et ce n'est pas fini, alors qu'il serait tellement peu malin de te parler de Bach et de Dieu et de te demander chastement si vous voulez me donner votre amitié. Qui sait, je me dirais alors noblement oui, les yeux baissés, et qui entrerait purement dans la ratière dont le fond est toujours une chambre à coucher. Mais je ne peux pas, je ne peux plus séduire comme elles veulent, je ne veux plus de ce déshonneur !"

Il s'assit, toussa une fois pour être regardé par elle, mais ne releva pas la tête, ce qui le vexa. Il sifflota, se demanda si ses anathèmes contre les femmes adoratrices de la gorillerie ne provenaient pas d'une rage de savoir que ces effrontées pouvaient être attirées par d'autres que lui. Oui, en somme, il était jaloux de toutes les femmes. Il haussa les épaules, dénoua sa cravate de commandeur, s'en amusa mélancoliquement, haussa les sourcils pour prendre le ciel à témoin de cette méchante qui faisait exprès de ne pas le regarder. Pour se consoler, il souleva le couvercle d'une boîte, mais à peine, juste ce qu'il fallait pour que deux doigts pussent pénétrer. Entrée clandestine du sultan dans le harem, pensa-t-elle. Les yeux ailleurs, il prit une cigarette au hasard, et elle pensa que le sultan désignait la favorite de la nuit, mais à l'aveuglette pour le plaisir de la surprise. 

Auteur: Cohen Albert

Info: Belle du Seigneur, éditions Gallimard, 1968, pages 391 à 397

[ apparence ] [ proportions ] [ relativité ] [ recherche d'absolu ] [ contingence ] [ qualités recherchées ] [ hypocrites ] [ libidineuses ] [ idéalisation ] [ numéro de séduction ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

séducteur

— Bonsoir, Adrien. Non, vous ne me dérangez pas. Oui, il me faudra aussi vos commentaires. Prenez tout le temps qu’il faudra. Non, je vous l’ai dit, vous ne me dérangez pas. Je n’ai pas encore commencé de la séduire. À propos, dans votre roman n’oubliez pas le mépris d’avance de Don Juan. Comme je vous l’ai dit, ce mépris, c’est parce qu’il sait que s’il le veut, dans trois jours ou même dans trois heures, cette fière sociale, si digne en son fauteuil, il sait que s’il le veut elle roucoulera de certaine idiote façon et prendra dans le lit diverses positions peu compatibles avec sa dignité actuelle. Affaire de stratégie. Alors, d’avance il ne la respecte pas énormément, et il trouve comique qu’elle fasse tant la convenable en son fauteuil, comique qu’elle s’offusque de sa robe de chambre. Comique, puisqu’il sait que s’il s’en donne la peine, elle fera bientôt les habituels sauts de carpe, haletante et animale servante de nuit, nue et sursautant sous lui, pauvre Juan, parfois doucement gémissante et parfois fortement remuante et toujours les yeux blancs de sainte extasiée. Ô celle qui ne se laissera pas séduire ou qui sera mienne pour de nobles raisons, mon front dans la poussière toute ma vie ! Mépris d’avance donc, mais payé d’un regret toujours ouvert, toujours saignant. […]

Expliquez bien aussi pourquoi cette rage de séduire chez Don Juan. Car en réalité, il est chaste et il apprécie peu les ébats de lit, les trouve monotones et rudimentaires, et somme toute comiques. Mais ils sont indispensables pour qu’elles l’aiment. Ainsi sont-elles. Elles y tiennent. Or, il a besoin d’être aimé. Primo, divertissement pour oublier la mort et que nulle vie après, que nul dieu, nul espoir, nul sens, rien que le silence d’un univers sans raison. Bref, par l’amour d’une femme, s’embrouiller et recouvrir l’angoisse . Secundo, recherche d’un réconfort. Par l’adoration qu’elles lui vouent, elles le consolent d’être dépourvu de semblables. Telle est la grandeur dont la suivante et dame d’honneur a nom Solitude. Tertio, elles le consolent aussi de n’être pas roi, car il est fait pour être roi, de naissance et sans y prendre peine. Roi il ne peut, chef politique il ne daigne. Car pour être choisi par la masse, il faut être semblable à elle, un ordinaire. Il régnera donc sur les femmes, sa nation, et il les choisira nobles et pures. Car quel plaisir d’asservir une impure ? D’ailleurs, les nobles et pures sont meilleures servantes de lit. Antipathique, est-elle en train de penser, et c’est bon signe.

Mais le plus important mobile de cette rage, c’est l’espoir d’un échec et qu’une enfin lui résistera. Hélas, jamais d’échec. Assoiffé de Dieu, chacune de ses mélancoliques victoires lui confirme, hélas, le peu d’existence de Dieu. Toutes ces nobles et pures qui, l’une après l’autre, tombent si vite en position horizontale, hier visages de madone et aujourd’hui furieusement langueuses et languières, lui sont la preuve sans cesse renouvelée qu’il n’est pas d’absolue vertu et que, par conséquent et une fois de plus, ce Dieu qu’il espère ne veut pas être, et qu’y puis-je ? 

Auteur: Cohen Albert

Info: Belle du Seigneur, éditions Gallimard, 1968, pages 387 à 391

[ femmes-par-homme ] [ psychologie ] [ mascarade ] [ frustration ] [ substitut maternel ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

femmes-par-homme

- Sans intérêt, répéta Solal. Et puis, une femme, pour quoi faire ? Leurs seins ? Des blagues, et toujours tombantes. Dans les journaux, toutes ces réclames pour ces instruments, ces porte-mamelles, ou comment les appelle-t-on, ces outils ?

- Des soutiens-gorge, monsieur.

- Toutes en portent ! Et c’est un abus de confiance ! […] Et puis elles sont si pitoyables avec leurs bibis de toquées, et leurs sautillements sur leurs hauts talons, et leurs derrières moulés, et leur animation lorsqu’elles parlent costumes entre elles ! […] Et si tu oses faire la moindre critique de sa nouvelle robe, elle devient agressive, tu es son ennemi, elle te regarde avec haine, ou encore elle sombre dans la neurasthénie de persécution et veut mourir. Donc plus de femmes, je n’en veux plus ! Et puis, il y a l’obligation de rester étendu auprès d’elles après ce que Michaël appelle la chose habituelle, et alors elles roucoulent avec sentiment et te caressent l’épaule, elles font toujours cela après, c’est leur manie, et elles attendent le sucre de récompense et que tu leur dises des joliesses reconnaissantes et comme quoi ce fut divin. Vraiment, elles pourraient me laisser cuver ma honte en paix. 

Auteur: Cohen Albert

Info: Belle du Seigneur, éditions Gallimard, 1968, pages 380-381

[ dégoût ] [ post-coïtal ] [ baise ] [ insupportables ] [ artificielles ] [ susceptibles ]

 

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parade sociale

Paralysé par le silence, preuve terrible que son chef s'ennuyait avec lui, Adrien Deume ne trouvait rien à dire et en conséquence souriait. Pauvre sourire figé, refuge et recours des faibles désireux de plaire et trouver grâce, constant sourire féminin dont il n’était même pas conscient, sourire qui se voulait à la fois témoignage de soumission, démonstration de bonne volonté toute prête et signe du plaisir qu'il éprouvait en la compagnie même muette de son supérieur, il souriait et il était malheureux. Pour exorciser le silence et le remplir, ou pour se donner du courage et trouver enfin quelque chose à dire, il avala son verre de cognac d'un seul coup tragique, à la russe, ce qui le fit tousser. Mon Dieu, de quoi parler ? Proust, déjà fait, il en avait parlé en bas, à table. Mozart et Vermeer, idem. Picasso il n'osait pas, trop risqué. Ne se rappelait aucun des autres sujets de conversation qu'il avait soigneusement inscrits sur la petite feuille, en les numérotant. Il fit de discrètes grimaces de constipation pour activer sa mémoire, mais en vain. La main contre sa hanche, il sentait la feuille du salut, la sentait exister et craquer dans la poche de son smoking, mais comment la sortir sans être vu ? Dire qu'il désirait aller se laver les mains et vite jeter un coup d’œil ? Non, trop gênant, et puis ça ferait vulgaire. Le silence était effrayant et il s'en sentait responsable. Après avoir examiné d'un air profond le fond de son verre vide, il osa lancer un timide regard vers son supérieur hiérarchique.

Auteur: Cohen Albert

Info: Belle du Seigneur, éditions Gallimard, 1968, page 376

[ inférieur ] [ terrorisé ] [ vide mental ] [ patron ] [ sous-fifre ] [ médiocre ]

 

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représentation de soi

Ravi de son cacodylate fortifiant et gratuit, tout guilleret de sa digestion parfaite, il déplaça légèrement la grande photographie de sa femme posée sur la table, s’en félicita. Ainsi tournée, il ne serait pas seul à en profiter. Tout membre B à qui il indiquerait le fauteuil de cuir la verrait aussi, l’admirerait. Dans ce cadre de vieil argent, elle faisait très aristo, légèrement décolletée, une belle femme. Sa femme, nom d’un chien, lui pouvant la toucher autant qu’il voulait. Coin, coin, coin, nasilla-t-il de bonheur tout en pinçant ses narines, entre le pouce et l’index. Bonne idée, cette photo, ça faisait haut fonctionnaire. Dommage de n’avoir pas d’enfants. La photo d’une jolie petite fille bien habillée aurait fait très chef de service. Enfin, tant pis.

Auteur: Cohen Albert

Info: Belle du Seigneur, éditions Gallimard, 1968, page 334

[ épouse ] [ satisfaction ] [ fonctionnaire ] [ image ] [ valeur sociale ] [ domination symbolique ]

 

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manducation

(Elle croqua un craquelin avec un sinistre craquement d'effrayant attachement à elle-même.)

Auteur: Cohen Albert

Info: Belle du Seigneur, éditions Gallimard, 1968, page 325

[ détail révélateur ] [ personnalité ]

 

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hiérarchie implicite

Le plus malheureux des invités était Jacob Finkelstein, docteur en sciences sociales, un petit famélique, correspondant peu rémunéré d’une agence de presse juive. Benedetti l’invitait aussi une fois par an pour ne pas se mettre à dos les sionistes dont, comme tout antisémite, il s’éxagérait morbidement l’influence aux Etats-Unis. A chaque cocktail, Benedetti invitait ainsi un impossible qu’on ne revoyait qu’un an plus tard. De cette manière dilués, les impossibles ne nuisaient pas à ce que Benedetti, qui se piquait de littérature, appelait le climat de son cocktail.

Nul invité ne parlait à Finkelstein, zéro social qui ne pouvait être utile à personne et, plus grave encore, qui ne pouvait nuire à personne. Pas dangereux, donc pas intéressant, pas à ménager, pas à aimer ou à feindre d’aimer. Les quatre parias de la fenêtre tenaient eux-mêmes à distance ce bas de caste dégradant. Ignoré de tous et dépourvu de congénères, le pauvre lépreux faisait alors le pressé pour se donner une contenance, sa participation au cocktail consistant à fendre bravement, à intervalles réguliers, la jacassante cohue. La tête baissée, comme alourdie par son nez, il traversait en hâte et d’un bout à l’autre l’immense salon, heurtant parfois des invités et sans nul résultat s’excusant. Faisant ainsi de foudroyantes diagonales, il camouflait son isolement en feignant d’avoir à rejoindre d’urgence une connaissance qui l’attendait là-bas, à l’autre extrémité. Son manège ne trompait d’ailleurs personne. 

Auteur: Cohen Albert

Info: Belle du Seigneur, éditions Gallimard, 1968, pages 310-311

[ mondanités ] [ rejeté ]

 

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vivre

L’existence doit coïncider avec la création ; être doit signifier une création permanente, un dépassement ininterrompu, un enrichissement de la vie universelle grâce à des formes nouvelles et vivantes, à des gestes nouveaux et féconds.

Auteur: Eliade Mircea

Info: Océanographie

[ bouillonnement ] [ adaptation ]

 

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maintenant

On peut décider qu'une épreuve soit un mur sur lequel on s'écrase ou devienne une marche pour monter plus haut. Nous ferions le choix de notre façon d'être (ou d'Être !) dans l'instant, donc dans le " hors-temps ", ce qui affecterait notre incarnation présente, mais également toutes nos autres vies.

Auteur: Déthiollaz Sylvie

Info:

[ instant présent ] [ attitude ]

 

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réseautage

Aucun de ces mammifères habillés et à pouce opposable n’était à la recherche d’intelligence ou de tendresse. Tous étaient en ardente quête d’importances mesurées au nombre et à la qualité des relations. C’est ainsi qu’un Juif converti et homosexuel (qui connaissait les parentés, les alliances et les maladies de tout ce qui comptait dans la haute société européenne, où il avait pu enfin entrer après vingt ans de stratégies, de flatteries et de couleuvres avalées) enregistrait avec ravissement que son interlocuteur était reçu chez une reine en exil "si adorable et si musicienne". Ayant situé sa nouvelle connaissance et l’estimant profitable et en conséquence invitable, il l’invita. C’est à ces misères que passent leur temps ces malheureux qui vont si vite crever et pourrir, sous terre puants.

Auteur: Cohen Albert

Info: Belle du Seigneur, éditions Gallimard, 1968, page 306

[ intérêts privés ] [ calculateurs ] [ échelle de valeurs ] [ sociales ] [ utilitaires ] [ vanité ]

 

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