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désert

Nous sommes dans le Nullarbor. Ce n’est pas une région d’Australie, c'est l’Australie elle-même, la véritable Australie que connaissent les Aborigènes, les trimardeurs endurcis, les bouviers et les pauvres abandonnés comme nous. Pour ceux qui arrivent en voiture sur les routes, pour les hommes politiques qui ne s'enfoncent à l’intérieur des terres qu'à la fraîcheur hivernale, l’Australie se déguise. Vous et moi, nous la voyons sans masque, nous la voyons telle qu’elle est réellement. Vous avez de quoi être vraiment heureux.

Allons, levez les pieds. Voilà qui est mieux. Vous finirez par aimer l’Australie, comme moi. Pour ça, il faut se mettre à plat ventre, enfouir le visage dans le sable et les cailloux brûlants, respirer l’odeur de ce pays, sentir dans votre estomac vide à quel point il est proche de vous, le courtiser avec une voix empâtée par le manque de salive. Et alors, Clifford, comme c’est arrivé à beaucoup d’autres avant vous, cette Australie belle et nue deviendra le grand amour de votre vie.

Auteur: Upfield Arthur

Info: L'Homme des deux tribus

[ nature ] [ attachement ]

 

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amour

Il [Achille] suit PATROCLE dans la mort.

Comprendre ce que veut dire pour un ancien cette interprétation de ce qu’on peut appeler le geste d’ACHILLE, c’est aussi quelque chose qui mériterait beaucoup de commentaires, car enfin c’est tout de même beaucoup moins clair que pour ALCESTE. Nous sommes forcés de recourir à des textes homériques d’où il résulte qu’en somme ACHILLE aurait eu le choix. Sa mère THÉTHIS lui a dit :

"si tu ne tues pas Hector - il s’agit de tuer HECTOR uniquement pour venger la mort de PATROCLE - tu rentreras chez toi bien tranquille et tu auras une vieillesse heureuse et peinarde, mais si tu tues Hector ton sort est scellé, c’est la mort qui t’attend".

Et ACHILLE en a si peu douté que nous avons un autre passage où il se fait cette réflexion à lui-même en aparté : "je pourrais rentrer tranquille". Et puis ceci est quand même impensable, et il dit, pour telle ou telle raison. Ce choix est à lui seul considéré comme étant aussi décisif que le sacrifice d’ALCESTE : le choix de la μοίρα [moïra], le choix du destin a la même valeur que cette substitution d’être à être. […] dans la suite ACHILLE se tue, paraît-il, sur le tombeau de PATROCLE.

[…] Mais pour rester, pour nous tenir au discours de PHÈDRE [dans Le Banquet de Platon], l’important est ceci : PHÈDRE se livre à une considération longuement développée concernant la fonction réciproque dans leur lien érotique de PATROCLE et d’ACHILLE. Il nous détrompe sur un point qui est celui-ci : ne vous imaginez point que PATROCLE - comme on le croyait généralement - fût l’aimé.

Il ressort d’un examen attentif des caractéristiques des personnages, nous dit PHÈDRE en ces termes, que l’aimé ne pouvait être qu’ACHILLE beaucoup plus jeune et imberbe. Je l’écris parce que cette histoire revient sans cesse, de savoir à quel moment il faut les aimer : si c’est avant la barbe ou après la barbe. On ne parle que de cela, cette histoire de barbe on la rencontre partout. On peut remercier les romains de nous avoir débarrassés de cette histoire. Cela doit avoir sa raison. Enfin ACHILLE n’avait pas de barbe. Donc en tout cas c’est lui l’aimé. Mais PATROCLE, semble-t-il, avait quelque dix ans de plus. Par un examen des textes c’est lui l’amant. Ce qui nous intéresse ce n’est pas cela.

[…] c’est que - quoi qu’il en soit - ce que les dieux trouvent de sublime, de plus merveilleux que tout, c’est quand l’aimé se comporte en somme comme on attendait que se comportât l’amant.

Auteur: Lacan Jacques

Info: 30 novembre 1960

[ mythologie ]

 

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christianisme

[…] pour beaucoup de monde encore - et justement dans la tradition chrétienne par exemple – parler de l’amour c’est parler de théologie.

Auteur: Lacan Jacques

Info: 30 novembre 1960

[ trinité ] [ métaphore ]

 

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sécularisation

Ce qui caractérise le catholicisme, à certains égards, c’est qu’il engage le fidèle dans une tension permanente de l’âme, dans un appel à la sainteté, dans une aventure spirituelle si haute qu’elle ne peut d’abord que nous démontrer notre faiblesse et notre impuissance : nous devons mériter le Ciel et cependant "à l’homme cela est impossible" (Mt 19, 26). Ensuite, il plonge le fidèle dans une société ecclésiale complexe et hiérarchisée où il entre en relation avec de multiples instances et personnes, et où l’on doit, par exemple, distinguer entre la hiérarchie d’ordre et la hiérarchie de juridiction, entre la Tradition, l’Ecriture, le Magistère, la formulation dogmatique et la recherche théologique, etc. Enfin le chrétien est invité à vivre dans un univers rituel et sacré richement diversifié, où le septénaire sacramentel se différencie de la multitude des sacramentaux, où la prière liturgique et le culte sacrificiel s’entourent et se prolongent d’une foule de dévotions et de pratiques. L’adhésion à ce Corps immense exige, chaque fois, nuance, discrimination, foi multipliée et modulée selon la nature de son objet. La religion luthérienne, au contraire, est "raisonnable" parce qu’elle supprime toute notion de mérite (Dieu nous sauve sans nous) ; elle réduit la société ecclésiale à la collectivité des individualités croyantes (abolition du sacerdoce et du pouvoir de juridiction) ; enfin, elle nie toute présence du surnaturel dans l’ordre naturel (d’où dérivait la multiplicité de ses degrés) ou du moins le réduit au strict minimum : la foi présente dans l’âme chrétienne et le Christ présent dans le pain et le vin du "mémorial". Quoi de plus raisonnable, de plus "acceptable" que cette conception ? Elle fait droit à la "folie de la croix" et aux aspirations mystiques, concentrées dans un unique acte de foi […] en même temps qu’elle rejette tout le reste et donc prévient radicalement toutes les occasions de refus dont profite le rationalisme moderne. Sans doute Luther est-il l’adversaire farouche de la philosophie et de la raison […]. Mais ce qu’il réprouve si violemment, c’est l’usage de la raison dans l’ordre de la foi, c’est-à-dire en théologie, où l’on ne doit parler que le langage de l’Ecriture. Dans l’ordre naturel, il n’en va pas ainsi, et lui-même se flatte d’être aussi bon dialecticien que personne.

Il résulte de ce fait que la religion protestante est moins un nouveau christianisme qu’un catholicisme réformé, "débarrassé de tout ce qui l’encombrait inutilement" et ramené à une certaine (et prétendue) simplicité originelle, ce qui signifie, objectivement, un catholicisme diminué. […] mis à part la personnalité de son fondateur, rien de bizarre ou de fondamentalement scandaleux (pour la raison moderne) dans le protestantisme, dès lors qu’on admet le fait de la croyance en Dieu, en Jésus-Christ et dans son Evangile.

Et c’est pourquoi Kant nous paraît un bon luthérien lorsqu’il décrit une "religion dans les limites de la simple raison" (et non de la raison critique) [raison raisonnable et non raison raisonnante]. En faisant servir la raison au travail théologique, saint Thomas la soumet à la foi et la surnaturalise. En excluant la raison du seul domaine de la foi, Luther lui donne la liberté de régner en maîtresse dans toute le reste et, en particulier, dans tout ce qui, de la religion, ne relève pas de la foi purement subjective.

Auteur: Borella Jean

Info: Le sens du surnaturel, L'Harmattan, 1997, pages 50 à 53

[ différences ] [ caractéristiques ] [ rationalité ] [ réforme ]

 
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hérésie

"La théologie, déclarait le Docteur Martin Luther, est surtout usage et pratique, et ne consiste point en spéculations, ou à réfléchir, selon notre raison, aux choses de Dieu" [Propos de table, page 240]. Dans cette affirmation transparaît le souci premier du Réformateur, qui est d’ordre moral ; le protestantisme est d’abord une révolte contre ce qui lui paraît indigne de Dieu. Son impulsion originelle ne lui est pas donnée par un désaccord d’ordre doctrinal, mais par le souci brûlant de l’honneur de Dieu, ce qui est bien le piège le plus subtil que le diable puisse tendre à notre orgueil. Ce qu’il ne peut supporter, ce n’est pas seulement telle ou telle thèse dogmatique réputée fausse en elle-même, mais c’est qu’on puisse l’attribuer à Dieu ou affirmer qu’elle le concerne. Les dogmes qu’il refuse ne sont pas tellement à ses yeux des erreurs que des blasphèmes et des sacrilèges. Evidemment, dans une telle attitude, c’est le Réformateur qui s’institue lui-même gardien et protecteur de l’honneur de Dieu. Mais l’orgueil qu’elle implique est comme justifié par la noblesse de la tâche qu’il s’arroge. C’est seulement de cette manière que l’on peut saisir l’unité des deux aspects, individuel et communautaire, de la réforme luthérienne.

On sait que la théorie de la justification par la foi est apparue au jeune Luther comme l’intuition libératrice mettant fin à l’épouvantable angoisse qu’engendrait en lui le sentiment de sa damnation. Cette angoisse insurmontable témoigne déjà, chez lui, d’un affaiblissement considérable de la fonction spéculative : les vérités doctrinales, conçues par son intelligence, sont impuissantes pour l’apaisement des troubles de son âme ; les certitudes intellectuelles étant inefficaces, il réclame une certitude existentielle et subjective. Or, relativement à Dieu, il n’y a d’autre certitude existentielle, du côté humain, que celle de la foi vécue et ressentie. Et Luther ne saurait douter de sa propre volonté de croire. Cette foi subjective, réduite au sentiment que l’on a de sa propre volonté de croire, peut-elle constituer un signe certain de salut capable de nous arracher à l’angoisse de la damnation ? Après beaucoup de recherches, Luther pense avoir trouvé la réponse affirmative en saint Paul qui dit, dans l’Epître aux Romains : "le juste vit de la foi". La foi est donc la vie du juste. Qu’est-ce que le juste ? Ce n’est pas celui qui est jugé tel, mais celui qui est rendu tel, qui est établi dans un état de justice ; c’est ce qu’on appelle la justification. Et qu’est-ce que la foi ? C’est croire en Jésus-Christ qui nous a rachetés par sa mort. Or, c’est précisément cette foi qui, selon saint Paul, sera imputée à justice. En conséquence, pour être justifiés (=sanctifiés), il ne nous est rien demandé de plus que de croire au salut dans le Christ, c’est-à-dire de croire à la certitude du salut. En douter, c’est précisément se ranger parmi les réprouvés ; croire que le Christ nous sauve, c’est être sauvé, puisque c’est cette foi seule que Dieu exige de nous.

Cette découverte […] entraîne […] une certaine conception de la justice et de la foi qui est la seule digne de Dieu. […]

Pour la justification, elle fait honneur à Dieu parce qu’elle attribue la justification du pécheur à la seule justice du Christ, celle dont "il nous revêt" : c’est la justice externe ou forensique. […] En effet, nous ne sommes par nous-mêmes capables d’aucun bien. Notre nature est pécheresse et le demeure même dans la justification, car cette justification est uniquement celle de Jésus-Christ. La bonté de la nature humaine étant entièrement détruite, aucune œuvre n’est bonne par elle-même : "toute œuvre du juste est damnable et péché mortel si Dieu la juge telle". […]

Quant à la loi, elle fait honneur à Dieu parce qu’elle consiste uniquement à donner sa confiance à Sa parole évangélique : "Notre foi accorde à Dieu l’honneur de pouvoir et de vouloir faire ce qu’il a promis, à savoir de justifier les pécheurs" [Propos de table, t. 1, page 191]. Autrement dit, si nous voulons rendre justice au texte de l’Ecriture, rendre à sa parole l’honneur qui lui est dû, il nous faut adopter l’exégèse luthérienne, et rejeter le papisme avec sa conception de la "justice inhérente" à la nature de l’être humain, rejeter la doctrine d’une grâce dont l’œuvre propre, pour les catholiques, n’est pas de supprimer la nature, mais de la parfaire.

C’est pourquoi l’impératif morale de l’honneur de Dieu fait obligation au croyant luthérien de rejeter aussi l’Eglise romaine dont, non seulement les péchés, mais la structure même sont une offense à Dieu. Il n’est pas étonnant que la révolte luthérienne se soit essentiellement traduite par la haine de l’institution romaine et la constitution d’une Eglise qui se veut pure communauté spirituelle de croyants. C’est qu’en effet, en vertu de sa nature éthique ou morale, le protestantisme n’envisage l’orthodoxie que sous l’angle de l’orthopraxie. C’est la pratique chrétienne effective qui, pour lui, est le signe de la vraie foi et de la vraie doctrine. Et même, il faut bien le constater, en réduisant l’acte de foi à l’élément de la volonté, il se condamne en même temps à réduire la théologie à la morale, l’orthodoxie à l’orthopraxie. La foi droite s’épuise dans la conduite juste. Or l’Eglise, comme réalité sociale et historiquement définie, exprime l’ensemble des règles qui déterminent la vie et le comportement des chrétiens. Elle est comme la synthèse objective et visible de la foi telle qu’elle est effectivement pratiquée. Il ne peut donc y avoir place, dans l’agir chrétien, pour deux Eglises authentiques, c’est-à-dire pour deux pratiques authentiques du christianisme : l’une exclut l’autre, parce que tout acte, dans le présent de son accomplissement, exclut tout autre acte. Le schisme de l’Eglise grecque a vraiment amputé l’Eglise de Rome d’une partie d’elle-même, et l’on peut souhaiter leurs retrouvailles sous l’autorité du Vicaire du Christ. Mais la constitution du protestantisme en Eglise nouvelle n’a rien ôté à l’Eglise de Rome, elle l’a purement et simplement "supprimée" et "remplacée". […] Le protestantisme n’est pas une portion de l’unique Eglise chrétienne ; c’est le seul "vrai christianisme". Et, qu’on le veuille ou non […], si ce n’est pas le protestantisme qui devient catholique, c’est le catholicisme qui deviendra protestant.

Tel est le deuxième type hérésiologique que nous présente l’histoire. Il révèle principalement l’élément volonté dans l’acte de foi ; il concerne essentiellement l’agir chrétien et s’exprime nécessairement par la constitution d’une nouvelle Eglise à cause de la nature exclusive de toute pratique quand elle est érigée en orthopraxie, alors que le premier type hérésiologique concernait essentiellement le connaître chrétien et s’exprimait nécessairement par la définition de thèses dogmatiques.

Auteur: Borella Jean

Info: Le sens du surnaturel, L'Harmattan, 1997, pages 40 à 44

[ caractéristiques ] [ résumé ]

 

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pratiques initiatiques

Si l’on part de la conception d’une involution croissante qui s’est réalisée dans notre cycle d’humanité à travers la succession de quatre âges ; si l’on admet que nous nous trouvons désormais dans le dernier de ces âges, dans l’ "âge sombre" (kali-yuga) – époque de dissolution, de prédominance des forces élémentaires, où la çakti est comme déliée de tout, tandis que la spiritualité des origines a été presque totalement perdue – la voie réputée capable de répondre à cette situation est celle qu’on pourrait résumer par la formule "chevaucher le tigre". C’est comme dire qu’il ne faut pas éviter une force dangereuse, ni même s’y opposer directement, mais se greffer sur elle en tenant bon, dans l’idée d’avoir finalement le dessus. Les Tantras, dans cette optique, estiment que le lien du secret, qui s’imposait autrefois pour les doctrines et les pratiques de la "Voie de la Main Gauche" à cause de leur caractère périlleux et de la possibilité d’abus, d’aberrations et de déformations, est périmé. […] Il est précisément affirmé qu’il faut adopter "le poison comme antidote du poison". Un autre principe tantrique, c’est que "fruition" et "libération" (ou détachement, renoncement) ne s’excluent pas nécessairement, contrairement à ce que pensent les écoles unilatéralement ascétiques. On se propose comme but de réaliser les deux choses à la fois, donc de pouvoir alimenter la passion et le désir tout en restant libre.

Auteur: Evola Julius

Info: Métaphysique du sexe, traduit de l’italien par Philippe Baillet, éditions L'âge d'homme, Lausanne, 2005, page 303

[ hindouisme ] [ âge de fer ] [ pharmakon ]

 

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métanoïa

Ce qui était changé, si je suis bien renseigné, était le sentiment qu’un changement avait eu lieu autre qu’un simple changement de degré. Ce qui était changé était l’existence hors l’échelle. Ne descends pas par l’échelle, Ifor, je l’ai enlevée. C’est là, j’ai l’honneur de vous l’apprendre, la métamorphose à rebours. Le Laurier en Daphné. La chose de toujours là de nouveau où elle n’avait cessé d’être. Comme lorsqu’un homme, ayant enfin trouvé ce qu’il cherchait, une femme par exemple, ou un ami, s’en voit dépossédé, ou se rend compte de ce que c’est. Et rien ne sert pourtant de ne pas chercher, de ne pas vouloir, car lorsqu’on cesse de chercher, alors on commence à trouver, et lorsqu’on cesse de vouloir, alors la vie commence à vous entonner son ragoût de charogne jusqu’à ce qu’on dégueule, et puis le dégueulis par-dessus jusqu’à ce qu’on dégueule le dégueulis, et puis le dégueulis dégueulé jusqu’à ce qu’on commence à y prendre goût.

Auteur: Beckett Samuel

Info: Watt, Les éditions de minuit, Paris, 1968, page 44

[ quête ] [ absurde ] [ dégoût ]

 

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pharisaïsme

J’édite Crux, dit Monsieur Spiro, mensuel catholique à grande diffusion. Nous ne payons pas nos collaborateurs, mais ils y trouvent d’autres avantages. Nos petites annonces sont extraordinaires. Nous maintenons la tonsure hors de l’eau. Nos concours sont charmants. Les temps sont durs, tous les vins sont à baptiser. Nos concours. D’une tournure pieuse ils font plus de bien que de mal. Exemple : Recomposez les seize lettres de la Sainte Famille sous forme de question avec réponse. Solution gagnante : Me réjouis-je ? Pssah ! Autre exemple : Dites ce que vous savez de l’adjuration, excommunication, malédiction et anathématisation foudroyante des anguilles de Côme, hurebers de Beaune, rats de Lyon, limaces de Macon, vers de Côme, sangsues de Lausanne et processionnaires de Valence.

[…]

Tout en sachant ce que nous savons, dit Monsieur Spiro, nous n’avons pas la fibre partisane. Pour ma part je suis néo-thomiste à mes heures et m’en glorifie. Mais pas au point d’en être gêné dans mes histoires de cul. Podex non dextra sed sinistra – quelle mesquinerie. Nos colonnes sont ouvertes aux jobards de toutes confessions et des libres penseurs figurent à notre tableau d’honneur. Ma contribution personnelle à la rédemption d’appoint, Un Clysoir Spirituel pour les Constipés en Dévotion est si élastique, si flexible, que même un Presbytérien pourrait en profiter, sans douleur.

Auteur: Beckett Samuel

Info: Watt, Les éditions de minuit, Paris, 1968, page 29

[ parodie ] [ catholicisme ] [ prétentieux ]

 

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embrasser

Eux aussi attendaient peut-être le tram, un tram, car de nombreux trams s’arrêtaient à cet endroit, à la demande, que celle-ci vînt du dedans, ou qu’elle vînt du dehors.

Monsieur Hackett jugea, au bout d’un moment, que s’ils attendaient le tram, ils l’attendaient depuis un certain temps déjà. Car la dame tenait le monsieur par les oreilles, et la main du monsieur était sur la cuisse de la dame, et la langue de la dame était dans la bouche du monsieur. Las d’attendre le tram, dit Monsieur Hackett, ils font un brin de connaissance. La dame retirant alors sa langue de la bouche du monsieur, celui-ci en profita pour remettre la sienne dans la sienne. Donnant donnant, dit Monsieur Hackett. Faisant un pas en avant, histoire de s’assurer que l’autre main du monsieur ne perdait pas son temps, Monsieur Hackett eut un haut-le-corps en la voyant qui pendait inerte derrière le banc, les trois quarts d’une cigarette éteinte entre les doigts.

Auteur: Beckett Samuel

Info: Watt, Les éditions de minuit, Paris, 1968, page 8

[ description technique ] [ détail obscène ] [ baiser ] [ bisou ]

 

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religion

Les dieux, pour autant qu’ils existent pour nous dans notre registre, dans celui qui nous sert à avancer dans notre expérience, pour autant que ces trois catégories nous sont d’un usage quelconque, les dieux c’est bien certain appartiennent évidemment au Réel : les dieux c’est un mode de révélation du Réel.

– C’est en cela que tout progrès philosophique tend, en quelque sorte de par sa nécessité propre, à les éliminer.

– C’est en cela que la révélation chrétienne se trouve - comme l’a fort bien remarqué HEGEL - sur la voie de leur élimination, à savoir que sous ce registre, la révélation chrétienne se trouve un tout petit peu plus loin, un petit peu plus profondément sur cette voie qui va du polythéisme à l’athéisme.

– C’est en cela que - par rapport à une certaine notion de la divinité, du dieu comme summum de révélation, de numen, comme rayonnement, apparition (c’est une chose fondamentale, réelle) - le christianisme se trouve incontestablement sur le chemin qui va à réduire, qui va, au dernier terme, à abolir le dieu de cette même révélation, pour autant qu’il tend à le déplacer, comme le dogme, vers le verbe, vers le λόγος [logos] comme tel, autrement dit se trouve sur un chemin parallèle à celui que suit le philosophe, pour autant que je vous ai dit tout à l’heure, que sa fatalité est de nier les dieux.

Donc ces mêmes révélations qui se trouvent rencontrées jusque-là par l’homme dans le Réel, dans le Réel où ce qui se révèle est d’ailleurs Réel, mais cette même révélation ce n’est pas dans le Réel qu’il la place, cette révélation il va la chercher dans le logos, il va la chercher au niveau d’une articulation signifiante.

Auteur: Lacan Jacques

Info: 30 novembre 1960

[ réel-symbolique-imaginaire ]

 

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