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femmes-par-homme

Une poule couve dans un buisson. Je lui enlève ses œufs. Le lendemain, je la retrouve accroupie sur des coquilles d’escargots qu’elle a traînées dans sa cachette et qu’elle couve avec la même ferveur. J’ai saisi là sur le vif l’absurdité de certaines passions : l’objet n’a aucune importance, l’échange n’est pas nécessaire ; c’est l’instinct aveugle et irrésistible, fermé sur lui-même et radicalement incapable d’élection et de communion, qui s’accroche à n’importe quoi pour se satisfaire. Cette poule amoureusement blottie sur ses escargots est la parfaite image de certaines femmes qui sacrifient leur vie à un époux ou à un amant avec lequel elles n’ont guère plus d’échanges intérieurs qu’un oiseau avec un gastéropode. Et le plus amusant, c’est que ces malheureux qui sont l’objet anonyme de ce dévouement instinctif se croient choisis, préférés, chéris, pour eux-mêmes !

Auteur: Thibon Gustave

Info: Notre regard qui manque à la lumière, Librairie Arthème Fayard, 1970, page 95

[ couple ] [ malentendu ] [ allégorie ] [ contingence ]

 

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transcendance

Le sentiment du sacré est donc partout lié à notre capacité de dépassement de nous-mêmes et d’ouverture au mystère. […] un simple morceau de pain suffit à éveiller le frisson du sacré si nous voyons en lui l’aliment de la vie, le support de l’âme et le fruit conjugué de la sueur de l’homme et de la bonté de Dieu.

Auteur: Thibon Gustave

Info: Notre regard qui manque à la lumière, Librairie Arthème Fayard, 1970, page 81

[ définition ] [ éternel-temporel ]

 
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Ajouté à la BD par Coli Masson

éternel-temporel

L’inflexion unique de ta voix, l’éclair fugitif de ton regard, la fraîcheur de tes mains sur mon front, l’heure élue où la prière avait le goût du pain terrestre rompu après le dur labeur d’un jour d’été, c’est cela, et cela seul, que je retrouverai en Dieu. Mais sans limites, et hors du filtre avare de l’instant et du lieu.

Auteur: Thibon Gustave

Info: Notre regard qui manque à la lumière, Librairie Arthème Fayard, 1970, page 77

[ terrestre-céleste ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

survie

Ne pas mourir est un chose. Vivre en est une autre. Nous entrons dans une ère où l'homme cultive et multiplie tous les moyens de ne pas mourir (médecine, confort, assurances, distractions) - tout ce qui permet d'étirer ou de supporter l'existence dans le temps, mais non pas de vivre, car l'unique source de la vraie vie réside au-delà du temps et contient la mort dans son unité. Nous voyons poindre l'aurore douteuse et bâtarde d'une civilisation où le souci stérilisant d'échapper à la mort conduira les hommes à l'oubli de la vie.

Auteur: Thibon Gustave

Info: Notre regard qui manque à la lumière, Librairie Arthème Fayard, 1970, page 73

[ risque ] [ peur ] [ modernité ] [ protection ] [ illusion consumériste ]

 
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philosophe-sur-philosophe

"Aimer un être, c’est lui dire : toi, tu ne mourras pas." (Gabriel Marcel) Cette idée d’une immortalité personnelle que l’influence de Simone Weil avait affaiblie, ressurgit en moi avec une nécessité, une plénitude de source. Simone Weil n’y croyait pas parce qu’elle aimait en Dieu seul tout être et toute chose ; son platonisme lui faisait considérer l’individu sous l’aspect limite plutôt que sous l’aspect originalité ; et la mort, dans sa conception du monde, en supprimant les limites et les apparences, dissout en même temps ce qu’on appelle la personnalité. Il faut distinguer ici deux catégories d’apparences : celles qui relèvent du préjugé et de l’opinion et qu’on a raison de considérer comme fausses, et celles qui sont l’expression de l’intime originalité des êtres et qui nous mettent en contact avec la parcelle divine enfermée dans chaque créature.

Auteur: Thibon Gustave

Info: Notre regard qui manque à la lumière, Librairie Arthème Fayard, 1970, pages 69-70

[ idéalisme ] [ réalisme ]

 
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fuite

Il est bien vrai que l’idée et le désir de l’au-delà sont trop souvent le refuge imaginaire des êtres mal doués pour l’effort et la joie terrestre. Mais le besoin d’immortalité peut naître aussi de l’expérience contraire : la joie parfaite, l’amour débordant exigent l’immortalité ; la révélation d’une réalité trop riche pour tenir dans les cadres du temps anticipe déjà sur la vie éternelle ; elle est à la fois la promesse et la preuve. […] Ainsi l’âme trop pauvre et l’âme trop riche croient également à l’au-delà – l’une par compensation : elle cherche dans un autre monde la joie que la terre lui refuse, l’autre par plénitude : elle trouve déjà le ciel dans l’excès même de sa joie terrestre. Quand l’urne de ses jours est vide, l’homme rêve l’immortalité ; quand elle déborde, il la possède déjà…

Auteur: Thibon Gustave

Info: Notre regard qui manque à la lumière, Librairie Arthème Fayard, 1970, pages 68-69

[ amplification ] [ tendances opposées ]

 

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éternel-temporel

Avez-vous une seule fois dans votre vie, accepté et béni de tout votre être, un instant, une chose, une personne, un seul fragment de la destinée, une seule goutte du temps – une fleur chargée de rosée, la gloire d’un soleil couchant, la douceur d’un visage aimé ? Alors, vous devez accepter et bénir également tout ce qui existe, même la médiocrité et le mal, car cette heure élue est liée à toutes les autres heures du temps et cette créature unique à l’ensemble de la création.

Auteur: Thibon Gustave

Info: Notre regard qui manque à la lumière, Librairie Arthème Fayard, 1970, pages 64-65

[ divinité ] [ nécessité ] [ question ] [ épiphanie ]

 
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conjonction des opposés

Je sais maintenant que la chair est aussi esprit et l’instant qui passe éternité.

Auteur: Thibon Gustave

Info: Notre regard qui manque à la lumière, Librairie Arthème Fayard, 1970, page 64

[ temporel-éternel ] [ corps-esprit ]

 
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couple

C’est une grande folie de croire que nous sommes aimés ou haïs pour nous-mêmes et d’attribuer à une élection personnelle des sentiments de bienveillance ou d’antipathie qui procèdent de causes essentiellement anonymes. Une femme tombe dans nos bras, et nous nous croyons orgueilleusement (comme si elle avait le choix !) "l’élu de son cœur". Mais ce n’est pas nous qu’elle aime : c’est un réceptacle pour son dévouement et un appui pour sa faiblesse. Elle nous quitte, et nous nous sentons électivement trahis. Mais ce n’est pas nous qu’elle rejette : c’est le résidu inassimilé de son amour.

Auteur: Thibon Gustave

Info: Notre regard qui manque à la lumière, Librairie Arthème Fayard, 1970, page 60

[ contingence ] [ malentendu ]

 

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écrivain

Niaiserie de ce que Gide appelle l’acte gratuit. La vraie gratuité, c’est la nécessité, vécue, assumée, épousée intérieurement, et qui fleurit en liberté. Un acte sans but et sans intérêt n’est pas gratuit, il est absurde. Tout l’effort de Gide tend à dissocier dans l’homme sa nature et sa liberté. La nature humaine, avec sa constellation de finalités, est conçue par lui comme une espèce de joug ou de bât imposé du dehors à la liberté. Ceci admis, il ne reste que deux réactions possibles : ou bien accepter passivement cette contrainte extérieure et arbitraire comme un animal bien dressé (et telle est bien au fond la conception gidienne de la morale), ou bien la secouer par l’acte gratuit, à la façon d’un animal révolté qui se blesse en ruant dans les brancards. On passe ainsi à côté du vrai problème, qui consiste à faire coïncider la nature et la liberté.

Auteur: Thibon Gustave

Info: Notre regard qui manque à la lumière, Librairie Arthème Fayard, 1970, page 56

[ critique ] [ impasse ]

 

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