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xénolinguistique

Comparons la durabilité du réel avec celle du sémantique.

Si je vous dis "bloc de granit" ou "montagne"... ou "Cervin", nous voilà avec des portions de notre réalité, bien circonscrites, qui ont de bonne chance de perdurer plus longtemps que nos existences éphémères.

Maintenant attardons-nous un peu sur ces mots "dalle carrée en granit". On précise un peu l'objet, ainsi figé avec le langage. (étant entendu que la langue francophone est bien intégrée par qui en discute.)

Dans l'absolu ces deux faces : le mot et la chose, sont éphémères à des degrés divers. 

a) Le mot, en terme de durabilité, touche aux extrêmes. Il peut être exprimé et disparaitre en 2 secondes mais il peut aussi être gravé sur une plaque en iridium qui, stockée au bon endroit, ou envoyée  dans l'espace, pourra atteindre une durée qui dépassera de loin celle d'un bloc de granit. On peut même dire que cette idée de "dalle de granit", conformément transmise via les générations, les peuples, voire même entre systèmes planétaires ou galaxies, et donc éventuellement gravée ou disséminée sur d'autres supports, ne pourra pas (dans l'absolu une fois encore) se dégrader ou s'éroder. Notre expression dalle de granit est ici une idée immortelle.

b) Maintenant la chose : une "dalle de granit", à l'horizon humain ou terrestre est en effet supposée durer plus longtemps qu'une vie d'homme, éventuellement plus longtemps que son espèce elle-même.  Mais, quoi qu'on puisse en dire ce bout de granit taillé disparaitra un jour ou l'autre, principalement par usure du temps, tout comme la terre est apparue il y a 5 milliards d'années et qu'elle disparaitra dans quelques autres milliards de cycles.

Par conséquent la sémantique, ou l'esprit (qui ne pense en bonne continuité qu'avec le verbe et les mots) se trouvent possiblement promis à une forme d'éternité, qui passe par l'idée de conservation des signes organisés. On dira que ce problème de continuité semble avoir été bien abordé et en partie résolu via les méthodologies de stockage de la double hélice de l'ADN que nous commençons à peine à entrevoir. Mais c'est une autre histoire.  

La secondéité qui exprime ces pensées est bien sûr "au centre" de tout ça. Elle est l'émergence biologique, issue de la matière, de Gaïa... du granit si on veut... qui se retrouve capable, par un effet évolutif "Gaïa", civilisationnel et grégaire, de développer les idées ci-dessus grâce à un langage écrit et donc externalisable. 

Elle se dit que pour aller un peu au-delà de tout ça il reste à déceler/rencontrer une autre espèce non terrestre, dotée d'un langage articulé et externalisable si possible.

Il faudra alors trouver/développer une méthodologie suffisamment claire, logique et progressive pour qu'à partir de quelque chose de très simple et basique - comme notre dualité source par exemple - nous sachions aborder et développer des façons d'expliciter - et nous laisser éduquer - face/par une race différente (imaginons des entités intelligentes, sur base biologique de silicium, émergées d'une planète très exotique) l'idée/concept que nous avons formalisé ici sous "dalle de granit". 

Pour ce faire il faudra d'abord trouver la première accroche d'une interface sémiotique - allant dans les deux sens - pour ensuite développer un dictionnaire commun, qui devra d'abord établir, au cas par cas, l'historique, l'étymologie et les circonstances d'apparition de chaque nouveau terme/objet/concept de cette culture non terrestre, culture ayant aussi développé un système de signes-langages qu'elle nous enseignera simultanément.

Auteur: Mg

Info: fév 2023

[ notions athanasiques ]

 

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races monades

"Pour nous qui travaillons dans un contexte zoösémiotique, il n'y a qu'une seule manière pour se frayer une issue dans ce maquis" (Sebeok, 2001, pp. 78 & 193n6).

Le réalisme ne suffit pas. Cette voie des choses a été essayée et s'est avérée insuffisante, même si elle ne l'est pas autant que la voie des idées.  Car le long de la Voie des signes, nous constatons que le "réalisme scolaire", comme l'a souligné Peirce ("ou une approximation proche de cela"), bien qu'insuffisant, fait partie de l'essence de l'entreprise. La seule façon d'atteindre au minimum ce réalisme (au sens du "réalisme scolastique" , c'est-à-dire tel que Peirce l'a correctement défini) c'est de garantir, au sein de l'expérience, une distinction non seulement entre signes et objets (les premiers étant considérés comme des "signes"), mais aussi entre les idées et les objets (les seconds étant considérés comme des "idées"). La seule façon d'atteindre le réalisme dans le sens minimaliste requis (au sens du "réalisme scolastique", tel que Peirce l'a défini) est de garantir, au sein de l'expérience, une distinction non seulement entre les signes et les objets (les premiers étant présupposés à la possibilité des seconds), mais aussi entre les objets et les choses. Le terme "choses" faisant ici référence à une dimension de l'expérience du monde objectif qui  ne se réduit pas seulement à l'expérience que nous en avons, mais qui est en outre connaissable en tant que telle au sein d'une objectivité via une discrimination, dans des cas particuliers, pour identifier ce qui marque la différence entre ens reale et ens rationis dans la nature des objets expérimentés. De cette façon (et pour cette raison), le "module minimal mais suffisant de traits distinctifs du  +,  -  ou 0, diversement multipliés dans des systèmes zoösémiotiques avancés, qui restent pourtant entièrement perceptifs par nature, est bien loin des modèles cosmiques extrêmement complexes que Newton ou Einstein ont, a des époques données, offert à l'humanité." (Sebeok, 1995, p. 87, ou 2001, p. 68).

Et la seule façon d'établir une différence entre les choses expérimentées en tant qu'objets à travers leur relation avec nous et les choses comprises, réellement ou prospectivement, en tant que choses en elles-mêmes, ou indépendamment d'une telle relation cognitive, c'est à travers un système de modélisation capable de discerner, grâce à des processus expérimentaux, une différence entre les aspects de l'objet donnés dans l'expérience et ces mêmes aspects donnés en dehors de l'expérience particulière.

Tels sont les termes tranchants de Sebeok, pour dire  que la distinction entre les objets et les choses dépend d'un système de modélisation, un Innenwelt, qui a parmi ses composants biologiquement déterminés un composant biologiquement sous-déterminé, composant que Sebeok nomme "langage". Grâce à ce dernier nous pouvons modéliser la différence entre les "apparences" au sens objectif et la "réalité" au sens scolaire, et proposer des expériences pour tester le modèle, conduisant à son extension, son raffinement ou son abandon, selon les particularités du cas. Il n'est pas nécessaire qu'il y ait un genre d'Umwelt - spécifiquement humain - pour que l'esprit soit en contact avec la réalité dans ce sens scolastique*. Car la réalité au sens scolastique n'a pas besoin d'être envisagée pour être rencontrée objectivement.

L'idée de réalité, nous le verrons bientôt, n'est rien d'autre qu'un composant représentatif d'une sorte d'Umwelt, ici spécifiquement humain. Mais le contenu objectif de cette idée (non pas formellement prescrite comme tel, mais "matériellement" au sens scolastique) fait partie de l'Umwelt de tout animal.

Sebeok aimait citer Jacob sur ce point : "Quelle que soit la manière dont un organisme étudie son environnement, la perception qu'il en a doit nécessairement refléter ce qu'on appelle la réalité et, plus précisément, les aspects de la réalité qui sont directement liés à son propre comportement. Si l'image qu'un oiseau obtient des insectes dont il a besoin pour nourrir sa progéniture ne reflète pas au moins certains aspects de la réalité, alors il n'y a plus de progéniture. Si la représentation qu'un singe construit de la branche sur laquelle il veut sauter n'a rien à voir avec la réalité, il n'y a plus de singe.  Et si ce point ne s'appliquait pas à nous-mêmes, nous ne serions pas ici pour en discuter." (Jacob, 1982, p. 56)

Auteur: Deely John

Info: The Quasi-Error of the External World an essay for Thomas A. Sebeok, in memoriam. *Ce que Peirce nomme " réalisme scolastique ", au vu de sa provenance médiévale dans la reconnaissance explicite du contraste entre l'ens reale et l'ens rationis (Le mental et le réel dans le formalisme scotiste du XVIe siècle), je l'appelle "réalisme hardcore", en raison de la continuité de la notion médiévale de l'ens reale avec le ον dont parlait Aristote en tant que grand-père de la scolastique. Ainsi, le réalisme pur et dur signifie qu'il existe une dimension de l'univers de l'être qui est indifférente à la pensée, à la croyance et au désir humains, de sorte que, si par exemple je crois que l'âme survit à la destruction de mon corps et que j'ai tort, quand mon corps disparaît mon âme aussi - ou, à l'inverse, si je crois que la mort du corps est aussi la fin de mon esprit ou de mon âme et que j'ai tort, lorsque mon corps se désintègre, mon âme continue à vivre, et je devrai faire le point en conséquence. Ou bien, pour donner un exemple plus historique, depuis l'époque d'Aristote jusqu'à au moins celle de Copernic, les meilleures preuves, arguments, et opinions de toutes sortes soutenaient que le soleil se déplace par rapport à la terre, alors qu'en réalité, depuis le début. c'était la terre qui bougeait par rapport au soleil, et si le soleil bougeait aussi, ce n'était pas par rapport à la terre

[ solipsisme de l'espèce ] [ représentations ] [ concepts ] [ tiercités ] [ échelles de grandeur ] [ réel partagé ]

 

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citation s'appliquant à ce logiciel

Le langage des hommes, surtout écrit, s'étendant et s'affinant continuellement, permet d'appréhender tout et son contraire, c'est à dire tant le réél tangible que les mondes imaginaires, oniriques, introspectifs, anciens  ou potentiels.

Ainsi, à l'aide du support linguistique, français en l'occurrence, et dans la lignée de C.S. Peirce - pour qui chaque mot est un "quasi esprit", FLP s'essaye à quelque chose de pas facile à formuler.

A l'aide de la technologie numérique, tout en ayant conscience d'un positionnement temporel "éphémère et subjectif", cette application tente d'établir un dictionnaire polynomial communautaire qui, ambition supplémentaire, voudrait tout conserver ouvert, ne pas se mettre de limites en terme de mémoire (taille) et donc demeurer adaptable à tout développement ultérieur.

Représentation de FLP (début 2021).

Grâce à cet outil, les idées/pensées collectives issues de la sphère Gaïa peuvent se développer au sein d'une auto/classification/structuration sémantique collective apte à se positionner aux miroitantes et changeantes interfaces des mondes incarnés/passés et non incarnés/imaginaires/futurs. En clair FLP se voudrait être capable d'accueillir/intégrer/répertorier tout ce que les idiomes sont capables d'énoncer, coder, décrire ou traduire de façon cohérente, compréhensible et, si possible, ramassée et élégante : descriptifs visuels, univers parallèles, sentiments, définitions, sensations, réflexions contextualisées et développées, termes spécifiques, impressions subjectives, reflets de l'histoire des hommes - ou de civilisations extraterrestres, modes vibratoires du monde astral, etc.. Mélanges de focales et de points de vues qui pourra peut-être s'approcher d'une idée de cosmos holographique.

Ainsi les Fils de la Pensée s'amusent à développer un monde scriptural virtuel intermédiaire, si possible avec un fort fondement littéraire pour ce qui est des témoignages humains, ah ah ah.  (En effet, pour ceux venus d'ailleurs, animaux et autres aliens, nous serons moins difficiles. Re ha ha ha... Bien qu'une telle intervention externe ne soit pas inimaginable.)

Tout ceci étant soigneusement intégré (paramétré) dans la base de données par des lecteurs-inserteurs attentifs. FLP devenant aussi du coup un outil de recherche sémantique qui permet de vaquer de mille manières dans cet univers idiomatique intermédiaire puisque le lecteur quêteur a la possibilité de jongler/mélanger/croiser les fonctions de recherche suivantes :

- par mot, bout de mots et additions/mélanges de ces derniers

- par chaines de caractère (mises entre "  " )

- par taille de l'extrait (du plus petit au plus grand ou le contraire)

- par ordre alphabétique (catégories, auteurs, etc.)

- par sexe de l'auteur de l'extrait

- par localisation - pays - continent - autre planète...

- par profession, ou caractéristique de l'auteur, si paramétré (non-voyant, sportif, oulipien...)

- par situation temporelle, si elle est paramétrée (date de la création de la citation ou de l'auteur - formacja)

- par époque-courant historique - si paramétrée

- en supprimant telle ou telle chaine de caractères en mettant un - devant elle.

- en affinant une recherche donnéepar l'usage des fonctions avancées

- par tag ou catégories uniquement (ou mélange des deux)

- Etc.

           ***

A moyen terme sont envisagées les possibilités de recherches/classements suivants

- étymologique (cladistique)  = filiation = continuité temporelle = évolution  (vision horizontale). CONSTATIF      

- lexicographique - sens, efficacité sémantique (phénétique) = emploi contextualisé  = présence à un présent x =  mode/pouvoir/politiquement correct/contraintes d'un moment donné (vision verticale). PERFORMATIF.

Deux axes susceptibles d'entrer dans la réflexion FLPienne quant aux prémisses d'une classification trétravalente ou pré-mémétique

           ***

Avec, en point de mire beaucoup plus lointain, littéraire, ésotérique... Une utopie - de science-fiction astrale dirons-nous, puisqu'il s'agirait d'un classement/strucure en septénaires intricables et communiquants (imaginez les interconnexions de boules à 7 facettes survolées de 7 satellites hepta-facés ) : avec, en première perspective de structuration, l'idée de s'inspirer des interconnexions entre les 7 degrés de bases de la pensée FLP (lettres, mots, phrases, tags/catégories, chaines, sujets, domaines) et les 7 grands domaines (PSY - POLITIQUE - ARTS-CULTURE - ENSEIGNEMENT - REFLEXION SUR LE LANGAGE - SCIENCES ET RATIONALISME - TRANSCENDANCE ET SPIRITUALITE).  chaque idée/insert présentant une partie de son particularisme au travers de la présentation de son degré de proximité avec les 6 autres via une disposition réfléchie de ces derniers, c'est à dire collectivement concertée par les participants de de FLP.

(Classifications listes bien évidemment sans cesse en cours de réflexions élaboratives).

Auteur: Mg

Info: Dès 2021 , en cours

[ prospective ] [ cogitation ] [ dualité ]

 
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syncrétisme

Les modernes ont développé quatre répertoires différents qu’ils croient incompatibles pour accommoder la prolifération des quasi-objets*.

Le premier répertoire traite de la réalité extérieure d’une nature dont nous ne sommes pas maîtres, qui existe en dehors de nous et qui n’a ni nos passions ni nos désirs, bien que nous soyons capables de la mobiliser et de la construire.

Le deuxième répertoire traite du lien social, de ce qui attache les humains entre eux, des passions et des désirs qui nous agitent, des forces personnifiées qui structurent la société, laquelle nous dépasse tous bien que nous la construisions.

Le troisième traite de la signification et du sens, des actants qui composent les histoires que nous nous racontons, des épreuves qu’ils subissent, des aventures qu’ils traversent, des tropes et des genres qui les organisent, des grands récits qui nous dominent infiniment, bien qu’ils soient en même temps simple texte et discours.

Le quatrième enfin parle de l'Être et déconstruit ce que nous oublions toujours lorsque nous avons le seul souci de l’étant, bien que la différence de l’Être soit distribuée à travers les étants, coextensifs à leur existence même.

Ces ressources ne sont incompatibles que dans la vision officielle de la Constitution. En pratique, nous sommes bien en peine de distinguer les quatre. Nous mêlons sans vergogne nos désirs aux choses, le sens au social, le collectif aux récits. Dès que nous suivons à la trace quelque quasi-objet, il nous apparaît tantôt chose, tantôt récit, tantôt lien social, sans se réduire jamais à un simple étant. Notre pompe à vide dessine le ressort de l’air, mais trace aussi la société du XVIIe siècle et définit également un nouveau genre littéraire, celui du récit d’expérience en laboratoire. Faut-il, en la suivant, prétendre que tout est rhétorique, ou que tout est naturel, ou que tout est construit socialement, ou que tout est arraisonnement ? Faut-il supposer que la même pompe est dans son essence parfois objet, parfois lien social et parfois discours ? Ou qu’elle est un peu des trois ? Qu’elle est parfois un simple étant, et parfois marquée, décalée, brisée par la différence ? Et si c’était nous, les modernes, qui divisions artificiellement une trajectoire unique, laquelle ne serait d’abord ni objet, ni sujet, ni effet de sens, ni pur étant ? Si la séparation des quatre répertoires ne s’appliquait qu’à des états stabilisés et tardifs ?

Rien ne prouve que ces ressources demeurent incompatibles lorsque nous passons des essences aux événements, de la purification à la médiation, de la dimension moderne à la dimension non moderne, de la révolution à la contre-révolution copernicienne. Des quasi-objets quasi-sujets, nous dirons simplement qu’ils tracent des réseaux. Ils sont réels, bien réels, et nous les humains nous ne les avons pas faits. Mais ils sont collectifs puisqu’ils nous attachent les uns aux autres, qu’ils circulent entre nos mains et nous définissent par leur circulation même. Ils sont discursifs pourtant, narrés, historiques, passionnés, et peuplés d’actants aux formes autonomes. Ils sont instables et risqués, existentiels et porteurs d’être. Cette liaison des quatre répertoires nous permet de construire une demeure assez vaste pour y abriter l’Empire du Milieu, la véritable maison commune du monde non moderne en même temps que sa Constitution.

La synthèse est impossible tant que nous demeurons modernes pour de bon, puisque la nature, le discours, la société, l’Être nous dépassent infiniment et que ces quatre ensembles ne se définissent que par leur séparation, laquelle maintient nos garanties constitutionnelles. Mais la continuité devient possible si nous ajoutons aux garanties la pratique qu’elle permet parce qu’elle la dénie. Les modernes ont bien raison de vouloir à la fois la réalité, le langage, la société et l’être. Ils n’ont tort que de les croire à jamais contradictoires. Au lieu de toujours analyser le parcours des quasi-objets en séparant ces ressources, ne pouvons-nous pas écrire comme si elles devaient se lier continûment les unes aux autres ? Nous sortirions probablement de la prostration postmoderne.

J’avoue que j’en ai par-dessus la tête de me retrouver pour toujours enfermé dans le seul langage ou prisonnier des seules représentations sociales. Je veux accéder aux choses mêmes et non à leurs phénomènes. Le réel n’est pas lointain, mais accessible en tous les objets mobilisés de par le monde. La réalité extérieure n’abonde-t-elle pas au beau milieu de nous ?

Nous en avons plus qu’assez d’être pour toujours dominés par une nature transcendante, inconnaissable, inaccessible, exacte, et simplement vraie, peuplée d’entités assoupies comme la Belle au bois dormant jusqu’au jour où les charmants savants les découvrent enfin. Nos collectifs sont plus actifs, plus productifs, plus socialisés que les ennuyeuses choses-en-soi ne nous le laissaient prévoir.

N’êtes-vous pas un peu lassés de ces sociologies construites sur du social, et qui se tiennent par la seule répétition des mots "pouvoir" et "légitimité" parce qu’elles ne peuvent encaisser ni le monde des objets ni celui des langages qui les construisent pourtant ? Nos collectifs sont plus réels, plus naturalisés, plus discursifs que les ennuyeux hommes-entre-eux ne nous le laissaient prévoir.

Nous sommes fatigués des jeux de langage et de l’éternel scepticisme de la déconstruction du sens. Le discours n’est pas un monde en soi, mais une population d’actants qui se mêlent aux choses comme aux sociétés, qui font tenir les unes et les autres, et qui les tiennent. S’intéresser aux textes ne nous éloigne pas de la réalité car les choses ont droit, elles aussi, à la dignité d’être des récits. Quant aux textes, pourquoi leur dénier la grandeur d’être le lien social qui nous fait tenir ensemble ? 

Je n’en puis plus d’être accusé, moi et mes contemporains, d’avoir oublié l’Être, de vivre dans un bas monde vidé de toute sa substance, de tout son sacré, de tout son art, ou de devoir, afin de retrouver ces trésors, perdre le monde historique, scientifique et social dans lequel je vis. S’appliquer aux sciences, aux techniques, aux marchés, aux choses, ne nous éloigne pas plus de la différence de l’Être et des étants, que de la société, de la politique, ou du langage.

Réels comme la nature, narrés comme le discours, collectifs comme la société, existentiels comme l’Être, tels sont les quasi-objets que les modernes ont fait proliférer, tels il convient de les suivre en redevenant simplement ce que nous n’avons jamais cessé d’être, des non-modernes.

Auteur: Latour Bruno

Info: Nous n'avons jamais été modernes. Essai d'anthropologie symétrique. Lier les quatre répertoires modernes. pp 57-59 *hybrides nature-culture, des collectifs où les choses ne sont pas séparés de la société mais s'y combinent en collectifs de toutes sortes.

[ géolinguistique ] [ taxonomies intriquées ] [ tétravalence sociale ] [ psycho-sociologie ]

 
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FLP post-Peirce

L'"ouverture" du dictionnaire intriqué FLP, nourrie entre autres de l'idée que chaque mots est quasi-esprit (voire symbole), procède beaucoup de l'inventaire et d'un recensement exhaustif, celui de tous les termes créés et imaginables sur cette planète - surtout avec le double apport des intraduisibles et des appellations scientifiques pointues et spécialisées. Tout ça ramené au français. Vocables qui dans l'idéal devraient être utilisés, et sémantiquement précisés, via ces axes, par ordre d'importance. 

1) leur sens-étymologie. Avec une contextualisation animale si possible, distanciation auto-analytique du mammifère humain intégré dans le concert général de la vie. Par exemple les mots-idées-concepts comme foyer-logis-abri seront associés avec ceux de terrier-nid-tanière.

2) leur contexte, syntaxique, syntagmatique,  bio-taxonomique même,  pour qui s'y intéresse et a le temps. En prenant au mieux en compte les paramètres amenés par l'auteur de l'extrait : temporels, topologiques, de formacja, situation politique, sexe, etc.  

3) les caractéristiques de celle ou celui qui insère et étiquette l'extrait sur FLP, c'est à dire qu'il doit s'agir une démarche réflexive sincère, qui pourra éventuellement être analysée par d'autres sous cet angle. 

Ces trois points précédant bien sûr les éventuelles corrections de participants qui aident ainsi à préciser-organiser les mots-langage-tiercités de notre espèce-communauté par la grâce des possibilités de classements intriqués de FLP. Tiercités elles-mêmes images-symboles linguistiques des détails du décor-réalité-priméité que le cerveau humain-secondéité formule-symbolise, avec un langage et des mots toujours plus affinés. 

Et puis, dans le but de développer une meilleure ossature de classification de cette lexicologie perspectiviste, vint l'idée de réfléchir à un concept de tétravalence sémantique, suceptible de dépasser et consolider la puissante triade sémiotique de C.S. Pierce. 

Parce que la quadrivalence, symétrique, d'apparence moins souple et insaisissable que le ternaire, semble offrir, à l'image des bases de l'ADN, de bonnes pistes en terme de taxologie et de développements taxinomiques. Surtout en des heures où l'intrication quantique a montré de bien des manières combien le langage humain est devenu insuffisant, dépassé, dès qu'il doit gérer des problématiques contre-intuitives. En clair : la pensée binaire qui sous-tend nos idiomes-raisonnements, malgré toutes ses possibilités de nuances, a beaucoup de peine à empoigner sémantiquement le contre-intuitif quantique comme, par exemple, ce qu'a pu montrer Alain Aspect. (Qui a reçu le prix Nobel avec 2 autres confrères ce mois. Bravo à eux).  

Il suffirait donc d'intégrer un 4e élément à la triade de Peirce. Hum... 

Attardons nous d'abord sur le concept de tiercité ; qui englobe les infinis signes-signaux possibles générés par les interactions-chocs entre acteurs-objets-secondéités issus de la priméité : vents contre arbres, météorites percutant la terre, hommes vs animaux, réflexion contre idées, animaux entre eux, insectes avec végétaux, etc. Signes qui peuvent se transformer en routines, plus ou moins éphémères, dont certaines deviendront des traces-symboles, qui s'organiseront ensuite pour "durer un peu plus", à l'image du langage des hommes. On remarquera au passage qu'existe au niveau de chaque monade humaine un processus d'itération-imprégnation-adaptation qui va en progressant, se stabilise, et régresse avec l'âge, bref le canevas de toutes nos vies. Ici monades-bulles-existences humaines aptes à laisser des "combinaisons sémantiques" dans le corpus linguistique communautaire. Bribes que certains formuleront par le terme assez dérisoire de postérité. 

Tiens, voilà que nous avons dérivé, l'air de rien, pour nous retrouver en pleine secondéité humaine. Examinons alors l'autre bout de la triade, la priméité, ce réel-source-décor, dont tout est issu ?...  

Thème à discuter avec un alien, qui nous décrira probablement quelque chose qui n'a rien à voir avec ce que nous connaissons, certes. Mais - avec la distanciation et le temps nécessaires - nous devrions certainement pouvoir relier SA priméité-réalité à lui avec NOTRE priméité-réel à nous. N'est que parce qu'on imagine mal plusieurs "sources primordiales", même dans un GRAND TOUT infini, emplis de multivers intriqués, en constantes et étourdissantes interactions qui mélangent vitesses et échelles. Source indicible et insondable au point de tant "séparer" les entités émergées en son sein que ces dernières seraient incapables de communiquer entre elles ? Allons allons... Des étages et hiérarchies infinies oui...  Mais stop. 

Ici encore nous voilà en train d'exprimer notre propre reflet-image de secondéités qui observent, formulent, et projettent.

Qu'est-ce alors que cette secondéité ? Ce JE-NOUS monade. Mais aussi tout sujet-élément-idée-entité susceptible d'interagir avec moi, lui, ou les autres. C'est à dire tout élément jailli de la priméité-univers... Comme ce caillou au sol, ou la civilisation alien des lignes précédentes ? Interactions, répétons-le, à la sources des signes-tiercités-langage (humain limité certes ici... ) Aptes à s'auto-analyser ?!?!?!

Signes qui nomment-définissent les "choses-autres" avec des mots "quasi-esprits"... En amont de manipulations sémantiques qui s'ensuivront. Hum Hum...

On remarquera qu'au 3e étage tiercitaire des signes-idées analysés-partagés, communications mimétiques et autres, les possibilités sont aussi infinies qu'aux deux autres niveaux. On notera aussi que beaucoup de ces idiomes-signes consensus ne peuvent se développer qu'au travers de longs développements évolutifs, bien plus encore pour qui voudra aller au-delà des pulsions-interaction basiques - de l'ordre de la physique pure et du simple bon sens gravitationnel - avant de devenir pulsions de vie, de survie surtout. Tout ça se développant/envoyant/recevant des signes que bientôt le langage organisera. Combien de temps, d'éons, nécessaires pour arriver au héron et sa magnifique spécialisation de chasseur de poissons ? Bestiole capable de montrer à ses petits comment attirer les proies aquatiques en mettant des insectes dans l'eau. J.L. Borges aura bien aidé à le comprendre. L'existence, les existences ensembles sont des signes qui se mélangent et parfois se répondent.

Nous voilà donc avec le langage externalisé, humain ; magnifique engin télépathique communautaire trans-époques, (oui oui je vous parle, à vous chères âmes de l'an 2050... ah ah ah). Mais aussi oeillère-buttée, puisqu'on dirait bien que la bulle linguistique humaine nous isole via quelque chose qui ressemble à un solipsisme de la race, une monade collective. Le déséquilibre planétaire dont nous sommes source et victime apparaissant comme un de ses effets. Monade de primates, secondéité collective, machin qui "agit" bien plus qu'il interagit, alors qu'elle devrait probablement comprendre que son action sur la matrice qui l'a fait émerger se retourne contre elle. Dialogue terre-hommes où ces derniers feraient mieux de tenir compte des "signes" de Gaïa. Gamin qui réalise qu'il devrait faire un peu plus attention à ce que lui exprime, sans mots, sa Moman !!

Tout ceci est fort intéressant... mais le parcours des lignes qui précèdent ramène sans désemparer vers nous qui lisons-écrivons ces lignes, encore et toujours représentants du concept de secondéité, de la prison humaine (même si dans un système ternaire chaque pointe peut être pensée comme centrale, ah ah ah).

En bref nos rodomontades sémantiques semblent faire un peu trop abstration du reste, surtout à partir de l'ère industrielle. Déspiritualisation, sécularisation ?

Précisons et resituons : il est question d'une secondéité-hommes, issue de la priméité matrice univers-terre, en train de développer son propre champ exponentiel de tiercités, dont Internet fait la démonstration chaque jour. (Ainsi pour FLP, le web, hors les films et images, n'est qu'un amas sémantique, souvent désordonné, babélien... géré numériquement par des machines cybernétiques. Web au sein duquel - ou à la pointe duquel -, notre application se propose d'ordonner-classifier-recenser les mots-pensées en les intriquant. L'homme singe ne change pas, il fait des listes, encore... Désormais plus compliquées.) 

Mais de modification de la triade de Peirce, rien ne semble possible. Trop costaud.

Résignons-nous, c'est d'ici - au sein même de nos sémantiques, qu'il faudra chercher à identifier... puis établir-asseoir-développer... un système tétravalent en faisant bien gaffe de demeurer dans le langage, strico sensu. Français même, afin de ne pas (trop) nous perdre. 

Résumons : une secondéité bien comprise : objet, être, participant, interprétant, réfléchisseur, observateur... va nécessairement - en fonction d'infinis paramètres, (pour faire simple nous dirons "en fonction des contextes") - GENERER quelque chose. Autrement dit une secondéité, planète, arbre, fusée lunaire, caillou, civilisation, atome, (Ah non, pas atome... kr kr kr, le quantique échappe à tout ça), une fois en interaction avec une autre secondéité, ou avec un des autres pôles de notre triplette peircéenne, va ORIENTER le résultat de l'interaction. A l'image du météore qui percute l'océan et dont la trajectoire est modifiée-stoppée par la masse liquide. Où, inversément, de l'océan secoué par le météore. Ainsi, s'infléchissant et s'influençant mutuellement, les deux acteurs d'un choc-interaction enfantent, délivrent, consciemment ou pas, des tiercités. Ici vagues et tsunami, vapeurs et tremblement de terre... On constatera au passage que ce genre de tiercité océano-sismiques convient mieux à une approche téléologique terrestre (pensons à l'extinction des dinosaures) que nos tiercités linguistiques, beaucoup plus futiles et superficielles d'apparence. Mais c'est à voir.

Se pose ici aussi, nécessairement peut-être, une question étonnante, évidente : celle de la responsabilité de secondéités telles que la notre. Mais pas que. Interrogation qui ouvre les perspectives, vers l'inconscient, l'épigénétique, le panpsychisme, l'animisme... La science-fiction....  Question qui exponentialise aussi les possibilités de bascule historique, de déclics...  de déclenchements, d'effets papillons infimes, suceptibles de modifier notre réél et sa continuité... Telle la mouche écrasée qui inverse la polarité de la planète. Nous pensons que cette question ouvre un peu plus les possibilités d'une intervention externe, invisible, qui pourra orienter les choses, que ce soit souvent ou pas. Il est vrai que les dernières découvertes sur les mécanismes épigénétiques montrent que de telles interactions - invisibles et souvent contre-intuitives - se passent sans cesse, que ce soit entre nous et les fourmis ou entre le soleil et les végétaux, etc. Mais basta.

Une secondéité-OBSERVATRICE, disons évoluée comme nous, par la magie des signes organisés et du langage, développe sa réprésentation-compréhension du monde. Elle crée et développe son univers consensuel, transmute du réel-matériel en langage esprit-virtuel. 

C'est donc dans l'espace sémantique humain que nous nous proposerons de traquer les émergences tétravalentes, en partant de celles qui se trouvent DEJA (souvent en germe à l'image du chiasme et éventuellement de l'oxymoron) au sein des raisonnements du langage des interprétants-humains. Solide assise - au centre de la triade peircéenne - pour une tâche au très long cours, celle de notre propre auto-analyse via l'étude-classification sémantique du corpus linguistique d'humains-transcripteurs-secondéités, vus comme une "race du verbe" fondamentalement tétravalente

Monade des hommes formulée-présentée ci-dessous, au centre, de trois manières assez similaires.

a) priméité   -  secondéité  (récepteur, émetteur, influenceur.... )                               -  tiercité

b) réalité    -  humains responsables-irresponsables, humanistes, dictateurs, etc...             -  effets sur le monde 

c) signifiant -  interprétant (pouvoir-ouverture-transpositeur-orienteur-confusion ontologique-déverrouillage mental)  -  signifié     

Nous nous référerons à ces trois exemples comme socle au développement de notre idée, gardant en tête que si l'humanité est, comme tout élément, plus ou moins transitoire, la durabilité et les effets de sa lexico-littérature - par comparaison avec les développements de la vie-adn - sont risibles. Ce qui n'empêche rien. 

Au-delà de l'analogie comme quoi ADN et écriture sont "transgénérationnels", on entrevoit les incroyables possibilités de bases tétravalentes combinées sémantiquement, quelque chose qui dépasse littéralement les auteurs de ces lignes, à savoir une forme de mémoire évolutionnaire sur le temps long (comme les requins), mémorisée/structurée sur d'interminables chaines ADN, chaines aptes, par exemple, à réutiliser une imprégnation-expérience vécue très en arrière dans le temps.

Il s'agit selon nous d'une entreprise pré-mémétique.

Auteur: Mg

Info: sept oct 2022 - réflexion possiblement liée à la notion de septénaire, articulation binaire + ternaire dont FLP s'amuse à recenser les déclinaisons

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histoire

L'exil du peuple juif est un mythe
Shlomo Sand, historien du 20e siècle, avait jusqu'à présent étudié l'histoire intellectuelle de la France moderne (dans son livre "L'intellectuel, la vérité et le pouvoir", Am Oved éd., 2000 - en hébreu, et les rapports entre le cinéma et l'histoire politique ("Le cinéma comme Histoire", Am Oved, 2002 - en hébreu. D'une manière inhabituelle pour des historiens de profession, il se penche, dans son nouveau livre, sur des périodes qu'il n'avait jamais étudiées - généralement en s'appuyant sur des chercheurs antérieurs qui ont avancé des positions non orthodoxes sur les origines des Juifs.
- En fait, l'essentiel de votre livre ne s'occupe pas de l'invention du peuple juif par le nationalisme juif moderne mais de la question de savoir d'où viennent les Juifs.
"Mon projet initial était de prendre une catégorie spécifique de matériaux historiographiques modernes, d'examiner comment on avait fabriqué la fiction du peuple juif. Mais dès que j'ai commencé à confronter les sources historiographiques, je suis tombé sur des contradictions. Et c'est alors ce qui m'a poussé - je me suis mis au travail, sans savoir à quoi j'aboutirais. J'ai pris des documents originaux pour essayer d'examiner l'attitude d'auteurs anciens - ce qu'ils avaient écrit à propos de la conversion. "
- Des spécialistes de l'histoire du peuple juif affirment que vous vous occupez de questions dont vous n'avez aucune compréhension et que vous vous fondez sur des auteurs que vous ne pouvez pas lire dans le texte.
"Il est vrai que je suis un historien de la France et de l'Europe, et pas de l'Antiquité. Je savais que dès lors que je m'occuperais de périodes anciennes comme celles-là, je m'exposerais à des critiques assassines venant d'historiens spécialisés dans ces champs d'étude. Mais je me suis dit que je ne pouvais pas en rester à un matériel historiographique moderne sans examiner les faits qu'il décrit. Si je ne l'avais pas fait moi-même, il aurait fallu attendre une génération entière. Si j'avais continué à travailler sur la France, j'aurais peut-être obtenu des chaires à l'université et une gloire provinciale. Mais j'ai décidé de renoncer à la gloire. "
"Après que le peuple ait été exilé de force de sa terre, il lui est resté fidèle dans tous les pays de sa dispersion et n'a pas cessé de prier et d'espérer son retour sur sa terre pour y restaurer sa liberté politique": voilà ce que déclare, en ouverture, la Déclaration d'Indépendance. C'est aussi la citation qui sert de préambule au troisième chapitre du livre de Shlomo Sand, intitulé "L'invention de l'Exil". Aux dires de Sand, l'exil du peuple de sa terre n'a en fait jamais eu lieu.
"Le paradigme suprême de l'envoi en exil était nécessaire pour que se construise une mémoire à long terme, dans laquelle un peuple-race imaginaire et exilé est posé en continuité directe du -Peuple du Livre- qui l'a précédé", dit Sand ; sous l'influence d'autres historiens qui se sont penchés, ces dernières années, sur la question de l'Exil, il déclare que l'exil du peuple juif est, à l'origine, un mythe chrétien, qui décrivait l'exil comme une punition divine frappant les Juifs pour le péché d'avoir repoussé le message chrétien. "Je me suis mis à chercher des livres étudiant l'envoi en exil - événement fondateur dans l'Histoire juive, presque comme le génocide ; mais à mon grand étonnement, j'ai découvert qu'il n'y avait pas de littérature à ce sujet. La raison en est que personne n'a exilé un peuple de cette terre. Les Romains n'ont pas déporté de peuples et ils n'auraient pas pu le faire même s'ils l'avaient voulu. Ils n'avaient ni trains ni camions pour déporter des populations entières. Pareille logistique n'a pas existé avant le 20e siècle. C'est de là, en fait, qu'est parti tout le livre : de la compréhension que la société judéenne n'a été ni dispersée ni exilée. "
- Si le peuple n'a pas été exilé, vous affirmez en fait que les véritables descendants des habitants du royaume de Judée sont les Palestiniens.
"Aucune population n'est restée pure tout au long d'une période de milliers d'années. Mais les chances que les Palestiniens soient des descendants de l'ancien peuple de Judée sont beaucoup plus élevées que les chances que vous et moi en soyons. Les premiers sionistes, jusqu'à l'insurrection arabe, savaient qu'il n'y avait pas eu d'exil et que les Palestiniens étaient les descendants des habitants du pays. Ils savaient que des paysans ne s'en vont pas tant qu'on ne les chasse pas. Même Yitzhak Ben Zvi, le second président de l'Etat d'Israël, a écrit en 1929, que : la grande majorité des fellahs ne tirent pas leur origine des envahisseurs arabes, mais d'avant cela, des fellahs juifs qui étaient la majorité constitutive du pays... "
- Et comment des millions de Juifs sont-ils apparu tout autour de la Méditerranée ?
"Le peuple ne s'est pas disséminé, c'est la religion juive qui s'est propagée. Le judaïsme était une religion prosélyte. Contrairement à une opinion répandue, il y avait dans le judaïsme ancien une grande soif de convertir. Les Hasmonéens furent les premiers à commencer à créer une foule de Juifs par conversions massives, sous l'influence de l'hellénisme. Ce sont les conversions, depuis la révolte des Hasmonéens jusqu'à celle de Bar Kochba, qui ont préparé le terrain à la diffusion massive, plus tard, du christianisme. Après le triomphe du christianisme au 4e siècle, le mouvement de conversion a été stoppé dans le monde chrétien et il y a eu une chute brutale du nombre de Juifs. On peut supposer que beaucoup de Juifs apparus autour de la mer Méditerranée sont devenus chrétiens. Mais alors, le judaïsme commence à diffuser vers d'autres régions païennes - par exemple, vers le Yémen et le Nord de l'Afrique. Si le judaïsme n'avait pas filé de l'avant à ce moment-là, et continué à convertir dans le monde païen, nous serions restés une religion totalement marginale, si même nous avions survécu. "
- Comment en êtes-vous arrivé à la conclusion que les Juifs d'Afrique du Nord descendent de Berbères convertis ?
"Je me suis demandé comment des communautés juives aussi importantes avaient pu apparaître en Espagne. J'ai alors vu que Tariq Ibn-Ziyad, commandant suprême des musulmans qui envahirent l'Espagne, était berbère et que la majorité de ses soldats étaient des Berbères. Le royaume berbère juif de Dahia Al-Kahina n'avait été vaincu que 15 ans plus tôt. Et il y a, en réalité, plusieurs sources chrétiennes qui déclarent que beaucoup parmi les envahisseurs d'Espagne étaient des convertis au judaïsme. La source profonde de la grande communauté juive d'Espagne, c'étaient ces soldats berbères convertis au judaïsme. "
Aux dires de Sand, l'apport démographique le plus décisif à la population juive dans le monde s'est produit à la suite de la conversion du royaume khazar - vaste empire établi au Moyen-âge dans les steppes bordant la Volga et qui, au plus fort de son pouvoir, dominait depuis la Géorgie actuelle jusqu'à Kiev. Au 8e siècle, les rois khazars ont adopté la religion juive et ont fait de l'hébreu la langue écrite dans le royaume. A partir du 10e siècle, le royaume s'est affaibli et au 13e siècle, il a été totalement vaincu par des envahisseurs mongols et le sort de ses habitants juifs se perd alors dans les brumes.
Shlomo Sand revisite l'hypothèse, déjà avancée par des historiens du 19e et du 20e siècles, selon laquelle les Khazars convertis au judaïsme seraient l'origine principale des communautés juives d'Europe de l'Est. "Au début du 20e siècle, il y a une forte concentration de Juifs en Europe de l'Est : trois millions de Juifs, rien qu'en Pologne", dit-il ; "l'historiographie sioniste prétend qu'ils tirent leur origine de la communauté juive, plus ancienne, d'Allemagne, mais cette historiographie ne parvient pas à expliquer comment le peu de Juifs venus d'Europe occidentale - de Mayence et de Worms - a pu fonder le peuple yiddish d'Europe de l'Est. Les Juifs d'Europe de l'Est sont un mélange de Khazars et de Slaves repoussés vers l'Ouest. "
- Si les Juifs d'Europe de l'Est ne sont pas venus d'Allemagne, pourquoi parlaient-ils le yiddish, qui est une langue germanique ?
"Les Juifs formaient, à l'Est, une couche sociale dépendante de la bourgeoisie allemande et c'est comme ça qu'ils ont adopté des mots allemands. Je m'appuie ici sur les recherches du linguiste Paul Wechsler, de l'Université de Tel Aviv, qui a démontré qu'il n'y avait pas de lien étymologique entre la langue juive allemande du Moyen-âge et le yiddish. Le Ribal (Rabbi Yitzhak Bar Levinson) disait déjà en 1828 que l'ancienne langue des Juifs n'était pas le yiddish. Même Ben Tzion Dinour, père de l'historiographie israélienne, ne craignait pas encore de décrire les Khazars comme l'origine des Juifs d'Europe de l'Est et peignait la Khazarie comme la : mère des communautés de l'Exil... en Europe de l'Est. Mais depuis environ 1967, celui qui parle des Khazars comme des pères des Juifs d'Europe de l'Est est considéré comme bizarre et comme un doux rêveur. "
- Pourquoi, selon vous, l'idée d'une origine khazar est-elle si menaçante ?
"Il est clair que la crainte est de voir contester le droit historique sur cette terre. Révéler que les Juifs ne viennent pas de Judée paraît réduire la légitimité de notre présence ici. Depuis le début de la période de décolonisation, les colons ne peuvent plus dire simplement : Nous sommes venus, nous avons vaincu et maintenant nous sommes ici.... - comme l'ont dit les Américains, les Blancs en Afrique du Sud et les Australiens. Il y a une peur très profonde que ne soit remis en cause notre droit à l'existence. "
- Cette crainte n'est-elle pas fondée ?
"Non. Je ne pense pas que le mythe historique de l'exil et de l'errance soit la source de ma légitimité à être ici. Dès lors, cela m'est égal de penser que je suis d'origine khazar. Je ne crains pas cet ébranlement de notre existence, parce que je pense que le caractère de l'Etat d'Israël menace beaucoup plus gravement son existence. Ce qui pourra fonder notre existence ici, ce ne sont pas des droits historiques mythologiques mais le fait que nous commencerons à établir ici une société ouverte, une société de l'ensemble des citoyens israéliens. "
- En fait, vous affirmez qu'il n'y a pas de peuple juif.
"Je ne reconnais pas de peuple juif international. Je reconnais un ; peuple yiddish... qui existait en Europe de l'Est, qui n'est certes pas une nation mais où il est possible de voir une civilisation yiddish avec une culture populaire moderne. Je pense que le nationalisme juif s'est épanoui sur le terreau de ce : peuple yiddish.... Je reconnais également l'existence d'une nation israélienne, et je ne lui conteste pas son droit à la souveraineté. Mais le sionisme, ainsi que le nationalisme arabe au fil des années, ne sont pas prêts à le reconnaître.
Du point de vue du sionisme, cet Etat n'appartient pas à ses citoyens, mais au peuple juif. Je reconnais une définition de la Nation : un groupe humain qui veut vivre de manière souveraine. Mais la majorité des Juifs dans le monde ne souhaite pas vivre dans l'Etat d'Israël, en dépit du fait que rien ne les en empêche. Donc, il n'y a pas lieu de voir en eux une nation. "
- Qu'y a-t-il de si dangereux dans le fait que les Juifs s'imaginent appartenir à un seul peuple ? Pourquoi serait-ce mal en soi ?
"Dans le discours israélien sur les racines, il y a une dose de perversion. C'est un discours ethnocentrique, biologique, génétique. Mais Israël n'a pas d'existence comme Etat juif : si Israël ne se développe pas et ne se transforme pas en société ouverte, multiculturelle, nous aurons un Kosovo en Galilée. La conscience d'un droit sur ce lieu doit être beaucoup plus souple et variée, et si j'ai contribué avec ce livre à ce que moi-même et mes enfants puissions vivre ici avec les autres, dans cet Etat, dans une situation plus égalitaire, j'aurai fait ma part.
Nous devons commencer à oeuvrer durement pour transformer ce lieu qui est le nôtre en une république israélienne, où ni l'origine ethnique, ni la croyance n'auront de pertinence au regard de la Loi. Celui qui connaît les jeunes élites parmi les Arabes d'Israël, peut voir qu'ils ne seront pas d'accord de vivre dans un Etat qui proclame n'être pas le leur. Si j'étais Palestinien, je me rebellerais contre un tel Etat, mais c'est aussi comme Israélien que je me rebelle contre cet Etat. "
La question est de savoir si, pour arriver à ces conclusions-là, il était nécessaire de remonter jusqu'au royaume des Khazars et jusqu'au royaume Himyarite.
"Je ne cache pas que j'éprouve un grand trouble à vivre dans une société dont les principes nationaux qui la dirigent sont dangereux, et que ce trouble m'a servi de moteur dans mon travail. Je suis citoyen de ce pays, mais je suis aussi historien, et en tant qu'historien, j'ai une obligation d'écrire de l'Histoire et d'examiner les textes. C'est ce que j'ai fait. "
- Si le mythe du sionisme est celui du peuple juif revenu d'exil sur sa terre, que sera le mythe de l'Etat que vous imaginez ?
" Un mythe d'avenir est préférable selon moi à des mythologies du passé et du repli sur soi. Chez les Américains, et aujourd'hui chez les Européens aussi, ce qui justifie l'existence d'une nation, c'est la promesse d'une société ouverte, avancée et opulente. Les matériaux israéliens existent, mais il faut leur ajouter, par exemple, des fêtes rassemblant tous les Israéliens. Réduire quelque peu les jours de commémoration et ajouter des journées consacrées à l'avenir. Mais même aussi, par exemple, ajouter une heure pour commémorer la : Nakba... entre le Jour du Souvenir et la Journée de l'Indépendance.

Auteur: Sand Shlomo

Info: traduit de l'hébreu par Michel Ghys

[ illusion ]

 

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